Question de M. ASSOULINE David (Paris - SOC) publiée le 10/02/2006
Question posée en séance publique le 09/02/2006
M. David Assouline. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Après l'explosion des banlieues du mois de novembre, qui fut un mélange de colère, d'appel à l'aide et de désespoir autodestructeur si l'on en juge par les cibles brûlées - voitures, écoles et autres dispositifs publics à destination des habitants de ces quartiers populaires -, l'impératif pour le pouvoir politique était de redonner l'espoir à une jeunesse exclue du travail, des liens sociaux qu'il permet et de la sécurité matérielle qu'il procure.
Or le Gouvernement a fait le choix inverse en jouant sur la fragilité sociale de ces jeunes, qui, contraints de se débrouiller comme ils peuvent, accepteraient comme une aubaine un contrat de travail jetable chaque jour pendant deux ans. Vous utilisez le désespoir !
Vous savez pourtant que, à côté du traitement territorial, l'important pour ces jeunes est de sortir du quartier, de rencontrer d'autres personnes, de se sentir utiles dans une collectivité de production ou de service, bref, d'être formés et de travailler. L'important, pour eux, c'est aussi de pouvoir se projeter dans l'avenir pour sortir de la débrouille quotidienne, y compris de l'emploi précaire qui, déjà, leur est souvent proposé, pour envisager de mener une vie autonome, une vie de couple, de fonder une famille, de se loger, de pouvoir emprunter.
Avec votre CPE, votre « contrat première embauche », vous sécurisez les puissants et vous installez l'insécurité comme norme pour les plus fragiles, pour les jeunes, même diplômés, car, vous le savez, nombreux sont les patrons qui ne se priveront pas de cet effet d'aubaine.
Là où il y avait consensus sur le fait que la précarité était un mal à soigner, vous installez l'idée que c'est un moindre mal, vous dites à ces jeunes qu'il ne faut plus espérer le mieux, le bien, le juste.
En fait, vous profitez de la désespérance et, derrière vos arguments pragmatiques pour l'emploi des jeunes, c'est votre vieux credo, votre projet idéologique, libéral, qui vous guide. (M. Laurent Béteille s'exclame.)
Enfin, jouant toujours sur le désespoir, le fatalisme, la démoralisation, la résignation, vous brusquez les débats parlementaires avec la déclaration d'urgence...
M. Laurent Béteille. C'est lamentable !
M. David Assouline. ...et maintenant en avançant d'une semaine la discussion au Sénat, ce qui est scandaleux, vous comptez sur les vacances scolaires, espérant ainsi empêcher la mobilisation de nos concitoyens.
Mme Hélène Luc. L'examen du projet de loi n'est même pas terminé à l'Assemblée nationale !
M. David Assouline. Pourquoi, si vous êtes si sûrs d'oeuvrer au service de la population, agissez-vous en cherchant à échapper à son jugement ?
Ma question est la suivante : le Gouvernement va-t-il tenir compte des protestations citoyennes qui s'amplifient (Exclamations sur les travées de l'UMP) et du point de vue maintenant majoritaire de l'opinion, en retirant le CPE ? Quand allez-vous miser sur le potentiel de dynamisme, de créativité et d'exigence des nouvelles générations, plutôt que sur l'inverse ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
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Réponse du Ministère délégué à la cohésion sociale et à la parité publiée le 10/02/2006
Réponse apportée en séance publique le 09/02/2006
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le sénateur, quand on parle de précarité, malheureusement on peut parler de la situation des jeunes de notre pays. En effet, et c'est une vraie difficulté, 23 % des jeunes sont aujourd'hui au chômage...
M. Jacques Mahéas. C'est à cause de vous ! Vous avez supprimé les emplois-jeunes !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ...et 70 % d'entre eux accèdent à l'emploi par un contrat à durée déterminée ou par un contrat d'intérim.
Toutes les vieilles recettes, cette succession de « stages parking », d'emplois-jeunes et autres CDD, ce n'est vraiment pas la solution.
M. Charles Pasqua. Effectivement !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Comment aider les jeunes à entrer réellement dans le monde du travail avec un contrat à durée indéterminée, un CDI ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, le contrat première embauche, c'est précisément un CDI et il offre enfin aux jeunes la possibilité d'entrer dans l'emploi avec un CDI. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Un CDI, cela signifie un droit au logement, un droit aux loisirs et le début d'une expérience professionnelle.
M. David Assouline. Pourquoi avez-vous avancé le débat au Sénat ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Certes, il y a une période de consolidation de deux ans, ...
M. François Marc. Elle est reconductible. !
M. Jacques Mahéas. De deux ans jusqu'à l'âge de vingt-six ans !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ...mais elle est assortie, si besoin était, d'un préavis, d'indemnités et, surtout, d'un droit individuel à formation.
M. David Assouline. Pourquoi le débat a-t-il été avancé d'une semaine ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'heure est venue, pour notre pays, de mettre en oeuvre de véritables solutions.
Mme Hélène Luc. Le MEDEF en est assurément bien conscient !
M. David Assouline. Ce sont les patrons que vous sécurisez, et non les jeunes !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. D'ailleurs, d'autres pays d'Europe dirigés par vos amis ont commencé de le faire.
M. Jacques Mahéas. Vous dites n'importe quoi !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je pense notamment à l'Espagne. Il faut avoir le courage d'essayer des formules novatrices, parce que les jeunes de France n'ont plus envie d'écouter des vieilles promesses qui n'apportent rien. (M. Jacques Mahéas s'exclame.)
Aujourd'hui, la seule solution, c'est un vrai contrat de travail, afin d'acquérir une expérience professionnelle, qui est le seul moyen de garantir un emploi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
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