Question de Mme VOYNET Dominique (Seine-Saint-Denis - SOC-R) publiée le 19/01/2006
Mme Dominique Voynet attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur les dangers liés au démantèlement du porte-avions le Clemenceau. Le Clemenceau, construit dans les années 1950, contient une importante quantité de matériaux dangereux, et en particulier de l'amiante... 160 tonnes, d'après le ministère de la défense ; plus de 500 tonnes, d'après la société chargée d'une première décontamination du bâtiment à Toulon. Ce qui a conduit le Gouvernement, à l'issue d'une longue polémique, à renoncer au projet initial d'une exportation pure et simple du navire pour démantèlement. Par courrier en date du 1er février 2005, le directeur adjoint du cabinet civil et militaire du ministère de la défense indiquait au président d'une association que « le désamiantage réalisé dans le port militaire de Toulon comprend le retrait de l'amiante visible et directement accessible sans travaux de découpe ou de déconstruction portant atteinte à l'intégrité du navire » et que « dans la pratique, 90 % de l'amiante sera enlevé ; le reliquat, environ 22 tonnes, sera traité en Inde par la société Luthra Group sous l'encadrement de la société française Technopure, responsable du désamiantage à Toulon ». Ce faisant, le ministère de la défense reconnaissait l'exportation de déchets dangereux, ce qui est contraire à la Convention de Bâle, dont la France est signataire. Il est d'ailleurs intéressant de noter que, en octobre 2004, lors de la conférence des parties, il a été constaté que des navires pouvaient être considérés en tant que tel comme déchets. C'est le cas du Clemenceau aujourd'hui. Il apparaît que, en dépit d'un désamiantage partiel, il reste bien plus de 22 tonnes d'amiante à retirer du navire ! C'est cette incertitude sur ces données et l'opacité du dossier - le Clemenceau n'ayant pas été officiellement déclassé, il reste considéré comme matériel de guerre, inexportable - qui ont conduit la commission technique de la Cour suprême de la République indienne à recommander le 6 janvier que l'accès du porte-avions, qui navigue vers l'Inde depuis le 31 décembre, soit interdit au territoire indien. Mme Dominique Voynet lui demande donc de lui confirmer qu'elle entend respecter pleinement les exigences de la convention de Bâle. Elle lui demande également, dans un souci de transparence, de bien vouloir lui communiquer le décret de déclassement du Clemenceau pris avant son départ vers l'Inde.
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Réponse du Ministère de la défense publiée le 04/05/2006
La question du démantèlement de l'ex-porte-avions Clemenceau s'est posée dès 1997, année de son retrait du service actif. Le bâtiment est resté en rade de Toulon les cinq années suivantes sans qu'aucune décision n'ait été prise quant à son devenir. Rien n'a été entrepris non plus pour en retirer les matières dangereuses, malgré le travail à bord des salariés qui prélevaient des pièces détachées pour le Foch. Dès sa prise de fonction ministérielle, en mai 2002, la ministre de la défense, décidée à ne pas laisser perdurer cette situation, s'est efforcée de rechercher la solution la plus équilibrée au regard des impératifs de sécurité des hommes et de préservation de l'environnement. Dans ce cadre, le ministère de la défense a constamment agi dans un souci de transparence. La problématique du désamiantage et du démantèlement des navires en fin de vie, qu'ils soient civils ou militaires, n'est pas une particularité nationale mais concerne l'ensemble de la communauté internationale, en particulier les pays possédant une marine. La France a fait le choix d'une solution ambitieuse, ouvrant la voie à une nouvelle pratique plus responsable, en se refusant de mettre au mouillage l'ex-porte-avions Clemenceau dans un cimetière marin ou de le couler en dehors de tout souci de protection de l'environnement, comme beaucoup de pays le font. Cette démarche a d'ailleurs été saluée comme exemplaire par des professionnels et des associations de protection de l'environnement tel Robin des Bois. Après le constat qu'il n'existait pas en Europe un chantier présentant les capacités nécessaires pour une opération de démantèlement de ce type de bâtiment, les autorités françaises ont voulu créer en Inde une filière propre et sûre de démantèlement des bâtiments en fin de vie. La solution retenue prenait en compte les principes de la convention de Bâle et présentait, par certains de ses aspects, un caractère innovant. La France a marqué sa volonté de contrôler, tout au long de l'opération, la maîtrise du processus industriel en restant responsable et propriétaire de la coque jusqu'à son complet démantèlement. Pour la première fois, un bateau exporté en vue de son démantèlement a fait l'objet d'un pré-traitement des déchets dangereux de toute nature. La totalité de l'amiante directement accessible et visible à son bord a été enlevée à Toulon. Les soutes à hydrocarbures ont été lessivées et remplies d'eau douce. Le chantier indien avait été choisi pour ses certifications internationales en matière de protection des travailleurs et de l'environnement. Un transfert de compétences vers l'Inde devait être opéré. Il avait débuté avec la formation, en France, de cadres indiens. Il devait se poursuivre en Inde, avec un encadrement du chantier par des ingénieurs français aux côtés des ingénieurs indiens. Des équipements de protection collective et individuelle devaient par ailleurs être acheminés sur le chantier. Un contrôle médical des ouvriers était prévu avant et après les travaux. En outre, un expert européen indépendant devait contrôler le chantier et le respect des normes techniques européennes et internationales, tout au long des opérations de désamiantage et de démantèlement. Enfin, la France s'était engagée à rapatrier les déchets issus du désamiantage final. Cette solution innovante, conçue comme un modèle de coopération Nord-Sud, offrait des garanties sans précédent et permettait d'envisager la création d'une filière sûre et propre de démantèlement des navires de guerre, en partenariat avec l'Inde. A la suite de la décision du Conseil d'Etat ayant remis en cause ce schéma, le Président de la République a décidé le retour de l'ex-porte-avions Clemenceau en France, à Brest. Sur les propositions de la ministre de la défense, le Premier ministre a alors pris trois décisions : confier à un groupe d'enquête interministériel, associant notamment le contrôle général des armées, l'inspection générale des finances et le conseil général des mines, la mission de faire des propositions de réforme des procédures d'exportation de matériels de guerre en fin de vie, afin de les rendre conformes à nos obligations internationales en matière d'environnement et de santé ; faire établir par un bureau d'expertise, dès le retour du navire en France, un nouveau diagnostic complet de tous les matériaux potentiellement dangereux se trouvant à son bord ; créer une mission interministérielle chargée de faire des propositions visant à traiter le sort des navires civils et militaires en fin de vie, associant les ministères chargés de la défense, de l'économie, des finances et de l'industrie, du travail, des transports, de l'écologie et du développement durable, des affaires étrangères et des affaires européennes. Cette mission devra agir en coordination avec nos partenaires européens. Appuyée sur ces réflexions, une solution définitive sera définie concernant le devenir de l'ex-porte-avions Clemenceau.
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