Question de M. DESESSARD Jean (Paris - SOC-R) publiée le 02/12/2005

Question posée en séance publique le 01/12/2005

M. Jean Desessard. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, et porte sur le scandale du statut des stagiaires ou, plutôt, sur le scandale des stages sans statut. Le député socialiste Yves Durand vous a d'ailleurs interrogé avant-hier à l'Assemblée nationale sur le même sujet.

Si nous sommes favorables aux stages en entreprise, qui représentent un complément pratique à des formations, nous ne pouvons accepter que les stagiaires puissent servir de main-d'oeuvre bon marché.

Mme Janine Rozier. Oh !

M. Jean Desessard. Aujourd'hui, les stagiaires sont utilisés par les entreprises et les administrations pour assumer des tâches de salariés. Ce qui est devenu, de fait, un premier emploi est indemnisé, au maximum, à 30 % du SMIC, sans congés payés, sans RTT, sans remboursement des frais de transport et de restauration.

Très souvent, le stagiaire ne reçoit même aucune indemnité. Il doit alors payer pour travailler ! C'est le sort que subissent les stagiaires dans les consulats et ambassades : malgré une formation de haut niveau, ils doivent payer transports et hébergement. D'après le journal Libération, ce serait aussi le cas à Matignon ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Face à cette situation, un nouveau mouvement, Génération précaire, proteste, depuis deux mois, contre de tels abus. Dans certaines entreprises, en effet, les stagiaires sont devenus la principale force de travail. Quelles solutions envisagez-vous, monsieur le ministre délégué, pour régler le problème des stages qui camouflent, en réalité, un premier emploi ?

À l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, vous avez proposé de définir une « charte de bonne conduite », en vous appuyant sur les conclusions d'un rapport du Conseil économique et social, publié en 2005. Assurément, je n'en ai pas fait la même lecture que vous ! Il y est ainsi notamment précisé : « Le Conseil économique et social souligne la nécessité de procéder à un réexamen des conditions statutaires des stages en entreprise. »

Comment pouvons-nous croire qu'une simple charte de bonne conduite puisse constituer une réponse satisfaisante ? Proposeriez-vous aux chauffards une charte de bonne conduite qui viendrait remplacer les radars ? Pour lutter contre le travail illégal, vous êtes-vous contenté d'une charte ?

Avec un tel support, les entreprises vertueuses se sentiraient encore plus engagées, alors que les autres continueraient leurs abus et profiteraient de cet effet d'aubaine toujours autorisé.

D'ailleurs, monsieur le ministre, en évoquant une « charte de bonne conduite », vous placez le débat sur le plan moral.

Mme Adeline Gousseau. La question !

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Jean Desessard. En réalité, les entreprises sont toujours à la recherche d'une main-d'oeuvre à moindre coût. C'est pour cette raison que le MEDEF est d'accord avec votre idée ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pour notre part, nous ne pouvons que saluer le courage des stagiaires qui ont dénoncé ces abus. Il revient au Parlement de relayer ce mouvement.

Monsieur le ministre délégué, quelles sont les véritables mesures que vous prévoyez d'inscrire dans le code du travail, afin d'empêcher que les employeurs n'utilisent des stagiaires pour ne pas embaucher de salariés, voire pour en licencier ? À moins que, d'ici là, le ministre de l'intérieur ne proclame un autre dépôt de bilan, celui du code du travail ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 02/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/12/2005

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Desessard, nous sommes, avec les stages, au carrefour de l'éducation, de la formation et de l'emploi. C'est dans cette optique que nous entendons mener prioritairement notre action.

La situation est loin d'être satisfaisante : après deux ans à l'université, nombre de jeunes se retrouvent, en effet, en très grande difficulté. Dans le rapport qu'il a remis à Jean-Louis Borloo et à moi-même, Henri Proglio montre très clairement qu'il nous faut relever ce défi.

Pour autant, monsieur Desessard, les stages sont un élément important à la fois de la formation et de la relation entre l'école, l'université et les entreprises. Dans le rapport du Conseil économique et social que vous avez cité, M. Walter souhaite que les stages en entreprise se développent, pour que plus d'un étudiant sur deux en profite au cours de sa formation.

Pour autant, il faut déplorer un certain nombre d'abus.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Hélène Luc. Ah !

M. René-Pierre Signé. Beaucoup d'abus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout des abus !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne peut être question de voir le stage détourné de son objectif, en devenant, en réalité, un emploi permanent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est pourtant ce qui se passe !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons reçu les représentants de Génération précaire. Nous sommes plus que jamais attentifs aujourd'hui au respect du droit du travail, qui sanctionne, depuis 1993 déjà, les stages abusifs. Ces derniers se voient alors requalifiés en contrat à durée indéterminée.

M. Jean Desessard. Dans quelle proportion ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Premier ministre a demandé à Gilles de Robien, à François Goulard et à moi-même de réfléchir à la mise en place, dans les universités et les grandes écoles, d'un bureau de l'emploi et des stages.

M. Jacques Mahéas. Avant, on créait une commission ; maintenant, c'est un bureau !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi, en liaison avec les partenaires sociaux, les universités et les grandes écoles, nous souhaitons définir une charte de bonnes pratiques, mais pas seulement. Il s'agit de placer le stage au coeur de la formation et de l'emploi, pour donner des chances égales à tous les jeunes. Nous le prouvons une fois de plus, l'égalité des chances est bien notre priorité ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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