Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 27/10/2005
M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fait que sa question écrite n° 15771 du 3 février 2005 concernant la jurisprudence relative à la délégation des pouvoirs des maires n'a toujours pas obtenu de réponse, c'est-à-dire plus de huit mois après qu'elle eut été posée. Il s'étonne tout particulièrement de ce retard très important et il souhaiterait qu'il lui en indique les raisons.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 26/01/2006
Le garde des sceaux fait savoir à l'honorable parlementaire que la notion de délégation de pouvoir a été admise par la jurisprudence depuis le 28 juin 1902 (chambre criminelle, 28 juin 1902), car il a été estimé par la Cour de cassation que le dirigeant d'une entreprise ne pouvait pas tout surveiller lui-même et qu'il lui était possible de déléguer son pouvoir de surveillance et de contrôle à des intermédiaires disposant de la compétence et de l'autorité nécessaire. Ces critères s'appliquent aux décideurs publics car il s'agit d'un concept de droit pénal distinct des concepts de délégation, de compétence et de délégation de signature du droit administratif. Dans cette hypothèse, c'est le délégué qui est pénalement responsable, à la place du dirigeant ou du maire, des infractions commises par les personnes placées sous son autorité. Le domaine de la délégation a été précisé ensuite par les juridictions et concerne en premier lieu les infractions dont l'objet est la protection de la santé et la sécurité des personnes, et notamment des travailleurs. Le délégué doit être une personne dotée de la compétence et de l'autorité nécessaires, ce qui implique des aptitudes techniques, une certaine autonomie, des moyens disciplinaires. Les subdélégations ont été admises, quant à elles, dans un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 14 février 1991, puis réaffirmées dans une décision en date du 30 octobre 1996. La preuve de la délégation doit être évidemment rapportée par celui qui l'invoque pour échapper à sa responsabilité pénale. D'autre part la nouvelle rédaction de l'article 121-3 alinéa 3 du code pénal consacre implicitement la jurisprudence sur la délégation de pouvoir dans la mesure où les critères retenus par le législateur pour apprécier l'existence de la faute pénale sont ceux dégagés par les juridictions. En conséquence, si les conditions prévues par le législateur, à savoir la compétence du bénéficiaire de la délégation, les pouvoirs et les moyens nécessaires pour remplir sa fonction de contrôle et de surveillance sont remplie, ce sera le délégataire qui sera pénalement responsable. Il y a lieu de rappeler que la délégation de pouvoir opère ainsi un transfert de la responsabilité pénale qui est la conséquence d'un transfert préalable d'autorité. Enfin, la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 a modifié l'article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales, qui dispose désormais que, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamnée sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l'exercice de ses fonctions que s'il est établi qu'il n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie. La possibilité de subdélégation par le dirigeant d'une société ou d'un maire a par ailleurs été confirmée par des arrêts récents de la chambre criminelle de la Cour de cassation (26 juin 2001 et 22 juin 2004).
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