Question de M. MARINI Philippe (Oise - UMP) publiée le 04/08/2005

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le Premier ministre pour l'interroger sur la portée réelle de la réglementation en vigueur concernant les départs pour le secteur privé des hauts fonctionnaires ayant exercé des fonctions en relation directe avec la vie économique et financière. Comme on le sait, une commission de déontologie est appelée à statuer sur de tels cas, en vue d'éviter les risques de confusion d'intérêts. Le soussigné souhaiterait savoir si ces principes, valables pour les fonctionnaires de l'Etat, s'appliquent à toutes les personnalités qui viennent de quitter un cabinet ministériel. Le soussigné s'étonne, à cet égard, du départ, il y a quelques mois, en tant qu'associé d'une banque d'affaires, d'un ancien responsable de cabinet, dans la mesure où l'expérience ainsi acquise semble de nature à faciliter l'exercice d'un métier de conseil auprès des entreprises. En dépit des engagements pris par l'intéressé, il n'est pas évident que son rôle au sein de l'Etat ne l'ait pas également mis en relation avec un grand nombre de décideurs du monde des entreprises privées, françaises ou étrangères. Même si l'on peut comprendre et approuver la circulation des compétences entre l'Etat et les entreprises, il convient toutefois de se demander dans quelle mesure la commission de déontologie est appelée à se prononcer sur un cas de ce genre. Au-delà du cas particulier, identique à plusieurs situations rencontrées ces dernières années, il y a un problème général. On comprendrait mal, en effet, que cette procédure soit appliquée de manière très formelle et contraignante à des responsables d'administration centrale, dans la limite de leurs compétences, ou, par exemple, à des cadres et personnels de l'autorité des marchés financiers, mais pas à des membres de cabinets ministériels appelés à traiter des mêmes sujets, pour la simple raison que leurs compétences auraient un caractère transversal en dépit du rôle décisif qu'ils ont pu avoir dans le traitement de tel ou tel dossier. En d'autres termes et selon les interprétations en vigueur, un chef de bureau est traité plus sévèrement qu'un directeur ou directeur-adjoint de cabinet... Le soussigné souhaiterait savoir si l'intention du Gouvernement est de faire évoluer un dispositif dont il dénonce à la fois le caractère tâtillon pour certains, l'inefficacité et l'hypocrisie pour d'autres.

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Transmise au Ministère de la fonction publique


Réponse du Ministère de la fonction publique publiée le 29/12/2005

Aux termes des articles 1er et 12 du décret n° 95-168 du 17 février 1995 modifié relatif à l'exercice d'activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaire sont interdites : « 1°) les activités professionnelles dans une entreprise privée, lorsque l'intéressé a été chargé, dans les cinq années qui précèdent sa mise en disponibilité, son congé sans rémunération ou sa cessation définitive de fonctions, soit de surveiller ou contrôler cette entreprise, soit de passer des marchés ou contrats avec celle-ci ou d'exprimer un avis sur de tels marchés ou contrats ; cette interdiction s'applique également aux activités exercées dans une entreprise liée à hauteur de 30 % au capital de l'entreprise concernée ou ayant conclu avec elle une exclusivité de droit ou de fait ; 2°) les activités lucratives, salariées ou non, dans un organisme ou une entreprise privés et les activités libérales si, par leur nature ou leurs conditions d'exercice et eu égard aux fonctions précédemment exercées par l'intéressé, ces activités portent atteinte à la dignité desdites fonctions ou risquent de compromettre ou mettre en cause le fonctionnement normal, l'indépendance ou la neutralité du service ». Les critères relevant de la première catégorie sont des critères objectifs. Ainsi, la circulaire d'application du 17 février 1995 précise que par « surveillance » ou « contrôle » d'une entreprise (ou de toute autre personne morale privée), « il conviendra notamment d'entendre toute opération ou tout acte administratif susceptible de conduire à l'intervention d'une décision favorable (délivrance d'agrément, autorisation, avantage fiscal etc.) ou défavorable (sanction administrative, retrait d'agrément, refus d'attribution de subvention, etc.) à cette entreprise (ou personne) ». Les marchés ou contrats mentionnés par le décret sont tous ceux qui sont passés par une administration de l'Etat en vue de la réalisation de travaux, de la fourniture de biens ou de la prestation de services. Sont notamment concernées toutes les conventions passées au nom de l'Etat avec des tiers (entreprises ou structures associatives) pour la réalisation d'études. La circulaire du 17 février 1995 précise que les activités interdites du 2° ne sont pas définies par des critères objectifs. Il appartient aux membres de la commission et, en cas de litige, au juge administratif de porter une appréciation dans chaque espèce. S'agissant des membres de cabinets ministériels, l'article 12 du décret du 17 février 1995 précité prévoit que le contrôle de déontologie s'applique aux « collaborateurs d'un cabinet ministériel ou du cabinet d'une autorité territoriale ». En outre, s'agissant des membres de cabinets, aucune durée minimale d'exercice de fonctions en cabinet n'est exigée pour que le contrôle soit mis en oeuvre, alors que les agents non titulaires de droit public ne sont soumis au contrôle de déontologie que s'ils sont employés de manière continue depuis plus d'un an par l'Etat, une collectivité territoriale ou un établissement public. Il convient de remarquer que la commission de déontologie compétente pour les agents publics de l'Etat, qui a établi la synthèse de ses dix années de jurisprudence dans son rapport pour l'année 2004 (www.ladocumentationfrancaise.fr), a défini sa jurisprudence relative aux membres de cabinets ministériels (p. 65 à 67 et p. 105 à 108). Ainsi, la commission précise que, « s'agissant des responsabilités au sein d'un cabinet ministériel et compte tenu de l'absence d'éléments juridiques ou matériels attestant de façon tangible la participation à un mécanisme de surveillance ou de contrôle de l'entreprise privée concernée, la commission ne s'est généralement pas fondée sur le 1° de l'article 1er pour opposer une incompatibilité : même si la commission n'ignore pas l'étendue de l'influence des membres des cabinets ministériels auprès des administrations placées sous l'autorité du ministre auprès duquel ils servent, elle a constaté que les responsabilités formelles sont, en matière de pouvoir de décision, de contrôle ou d'autorisation, confiées, par les textes les instituant, soit directement au ministre, soit par délégation aux directeurs d'administration centrale, de même que sont limitativement définies les compétences respectives des uns et des autres pour la passation des marchés publics. Cependant, dans tous les cas qui lui paraissent douteux, la commission demande à ce que soit portée au dossier une attestation du ministre ou du directeur de cabinet sous l'autorité duquel l'intéressé exerçait ses fonctions, établissant que celui-ci n'était pas chargé de surveiller l'entreprise dans laquelle il veut aller travailler ou de donner un avis sur des contrats passés avec elle. (...) en revanche (au titre du 2° de l'article 1er), compte tenu de la position d'autorité qui était la leur, il leur est souvent demandé de s'abstenir d'avoir des relations avec les services du ministère ». En conséquence, on peut déduire de ce qui précède que, de manière générale, le contrôle effectué par la commission de déontologie sur les dossiers qui lui sont soumis résulte de la combinaison des critères juridiques fixés par le décret de 1995 en ce qui concerne la prise illégale d'intérêts et, en ce qui concerne l'atteinte au fonctionnement normal, à l'indépendance et à la neutralité du service, d'une appréciation plus subjective prenant en compte tant le rang hiérarchique de l'intéressé, la nature de ses fonctions administratives que les missions concrètes envisagées dans le secteur privé.

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