Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 28/04/2005

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les contradictions auxquelles sont confrontées les collectivités locales en matière de stationnement des gens du voyage. D'une part, il leur est demandé de prévoir des aires adéquates permettant d'accueillir dans des conditions sanitaires correctes ces populations, d'autre part, et cela de façon pour le moins paradoxale, les élus locaux doivent recourir aux mêmes procédures lourdes et coûteuses en cas d'infraction ou de stationnement sur des terrains ou place non appropriés, qu'ils aient fait l'effort de s'équiper ou non. Il demande si les collectivités qui ont satisfait aux obligations de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ne pourraient pas bénéficier de procédures plus rapides et moins coûteuses pour faire respecter rapidement les interdictions localisées et justifiées d'occupation abusives du domaine public.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 05/10/2005

Réponse apportée en séance publique le 04/10/2005

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 764, adressée à M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, ma question est bien évidemment en décalage avec les soucis actuels du Gouvernement, et je vous prie de bien vouloir m'en excuser !

Il faut dire qu'elle a été déposée depuis un temps certain et qu'il y a eu évidemment, entre-temps, la coupure des vacances. Mais, si décalage il y a, le thème que je vais développer revêt une très grande importance pour les maires qui, sur le terrain, sont chargés de faire respecter les lois.

La France est citée en exemple en matière de stationnement des gens du voyage, En effet, aucun des pays frontaliers de l'hexagone n'oblige les collectivités locales à organiser ce stationnement. Cela est acté, et mon propos n'est pas de revenir sur l'opportunité ou non des dispositions de la loi 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage.

Permettez-moi, monsieur le ministre, - et mes collègues, je l'imagine, seront d'accord avec moi - de trouver paradoxal que les collectivités locales qui ont respecté les prescriptions éthiques via le canal des préfectures, à savoir la construction d'accueil permanent selon les normes officielles, soient ensuite contraintes, pour faire respecter les arrêts et les interdictions, de recourir au même parcours du combattant que les collectivités qui seraient restées dans l'expectative.

C'est à décourager les meilleures volontés et à faire presque regretter le coût élevé des équipements qui, je le précise, élèvent ces aires de stationnement au niveau de campings quatre étoiles ! C'est ainsi dans la ville dont je suis le maire.

Alors qu'ils supportent le poids de l'investissement et de l'entretien de l'aire de stationnement, les contribuables voient régulièrement s'ajouter à ce coût les réparations des casses volontaires et l'ensemble des frais liés à un déménagement forcé, à savoir les sempiternels constats d'huissiers, les procédures de référé, bref, au bas mot, entre 900 et 1 200 euros pour chaque stationnement sauvage sur le terrain d'une commune qui a satisfait très largement à toutes les obligations légales.

Le décompte dans ce domaine mérite que l'on s'y attarde. Un constat d'occupation illégale s'élève à 250 euros. Notons l'intervention au niveau du parquet et l'obtention du jugement d'expulsion qui représente plus de 40 euros supplémentaires. Relevons aussi la signification de ce même jugement aux intéressés, à laquelle il convient d'ajouter le coût du procès-verbal d'expulsion, soit plus de 220 euros, les émoluments des avocats, etc. En dernier lieu, il faut que le préfet accorde l'aide de la force publique, ce qui n'est pas acquis.

Comme M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé lui-même à propos de l'immigration clandestine, la loi est la même pour tous et, plus particulièrement en ce qui nous concerne ce matin, à la population sédentaire comme à la population nomade. Les élus, les contribuables ne doivent pas faire les frais, et ce sans jeu de mots, d'inimitiés ancestrales entre les différents groupes en cause. D'ailleurs, ces alibis ont bon dos pour transgresser la loi. Les Rom, les Manouches et autres Tsiganes ne se supportent pas. Même si les communes disposent de place, ces populations refusent de cohabiter. Nos contribuables doivent-ils faire les frais de ces particularismes ? Je ne le pense pas.

Monsieur le ministre, à l'avenir sera-t-il prévu des procédures simplifiées pour mettre fin aux stationnements sauvages ? En effet, pour les élus, pour les administrés, la non-reconnaissance de leurs efforts financiers est de moins en moins compréhensible. Un allégement des procédures, en ce qui concerne tant les délais que les coûts, répondrait à une simple équité et tout simplement au bon sens.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, empêché, m'a demandé de vous apporter la réponse suivante, tout en ayant bien conscience qu'elle est un peu tardive.

En application de l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, les maires des communes figurant au schéma départemental d'accueil des gens du voyage, qui se sont conformés à leurs obligations, peuvent prendre des arrêtés d'interdiction de stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil aménagées et faire ordonner leur évacuation forcée. Ils disposent, à cet effet, d'une procédure d'expulsion spécifique et simplifiée.

Ainsi, lorsque ces conditions sont remplies, le président du tribunal de grande instance peut prescrire aux occupants, le cas échéant sous astreinte, de rejoindre l'aire de stationnement aménagée. Le juge peut étendre les effets de l'ordonnance à l'ensemble des occupants du terrain non visés par l'ordonnance initiale.

En outre, aux termes de l'article 322-4-1 du code pénal, l'installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d'y établir une habitation temporaire peut être punie de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, sous réserve, lorsque l'installation a lieu sur un terrain appartenant à une commune - ou un groupement de communes - inscrite au schéma départemental, que les prescriptions de ce schéma la concernant aient été réalisées. Dès l'occupation illicite, les forces de l'ordre, qui relèvent alors de l'autorité du procureur de la République, peuvent intervenir.

Concrètement, les élus des communes qui ont respecté leurs obligations disposent donc de moyens plus efficaces que ceux des communes qui n'ont pas encore réalisé les aires d'accueil inscrites au schéma départemental pour lutter contre les occupations illicites. Tel est d'ailleurs l'esprit du texte.

Par conséquent, il convient d'insister, ainsi que le rappelle une circulaire adressée aux préfets voilà un an, sur la nécessité, pour les communes, de régulariser leur situation dans les meilleurs délais afin d'être en mesure de bénéficier de l'ensemble des dispositions précitées.

Au-delà de ces dispositions juridiques, il convient de préciser que M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a souhaité que des avancées significatives puissent être réalisées.

D'une part, il a demandé aux préfets, à l'occasion d'une réunion à laquelle assistait d'ailleurs M. Estrosi, de tout mettre en oeuvre pour créer des synergies dans chacune des zones concernées et de relancer ainsi la réalisation des aires d'accueil afin de réduire autant que possible et dans les meilleurs délais les contentieux et les tensions locales obligatoirement générés par les stationnements illicites.

D'autre part, il a souhaité que soit rendue plus facile et plus efficace la réponse des pouvoirs publics à l'égard de l'occupation illicite des terrains publics ou privés.

Ainsi, sont en cours des travaux visant à réduire le délai dans lequel le juge saisi en référé doit statuer sur les demandes d'expulsion. De leur côté, les préfets veilleront à accorder chaque fois que possible le concours de la force publique pour permettre la mise en oeuvre rapide des expulsions décidées par le juge. De plus, ils se rapprocheront des procureurs de la République afin que les dispositions que je viens de rappeler soient exploitées au mieux par les forces de l'ordre, ce qui, reconnaissons-le, n'a pas toujours été le cas par le passé. Enfin, ils s'efforceront de gérer de façon globale et ferme la question des campements semi-sédentaires, implantés, le plus souvent, en périphérie urbaine.

Tels sont, monsieur le sénateur, les quelques éléments que M. le ministre d'Etat souhaitait vous apporter en réponse à votre question.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, je vous remercie des éléments de réponse clairs et détaillés que vous m'avez apportés et qui seront très utiles aux maires confrontés à la difficulté de faire respecter la loi.

En l'espèce, il s'agit de maires qui ont prévu des aires d'accueil en respectant le nombre de places et les équipements requis. Mais je doute que les procédures simplifiées, dont vous venez de parler, soient connues de la justice. Pour ce qui me concerne, je n'ai constaté aucune différence. Quand des gens occupent illicitement des espaces, cassent les barrières, comblent les fossés, déplacent les rochers que nous avons mis en place pour empêcher leur passage, le coût auquel je dois faire face est très élevé. Personne ne semble respecter ces procédures simplifiées.

De surcroît, compte tenu des troubles à l'ordre public que pourrait engendrer l'intervention des forces de l'ordre, on demande bien souvent aux élus de temporiser et d'attendre huit ou dix jours. Nos concitoyens, qui sont voisins des lieux occupés illicitement, ne comprennent pas pourquoi les arrêtés pris par les maires ne sont pas appliqués. Tout cela crée des difficultés considérables.

J'espère, monsieur le ministre, qu'à l'avenir nous pourrons nous référer à votre réponse.

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