Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UMP) publiée le 08/04/2005
Question posée en séance publique le 07/04/2005
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse M. le garde des sceaux.
Depuis quelques années, monsieur le garde des sceaux, sans pour autant qu'il s'agisse d'une critique de ma part, ...
Mme Hélène Luc. La précision est utile !
M. Simon Sutour. Surtout pas de critiques !
M. Pierre Hérisson. ... force est de constater une accélération de la judiciarisation de notre société.
M. François Autain. C'est vrai !
M. Pierre Hérisson. De plus en plus de recours sont portés devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, provenant d'oppositions individuelles, associatives, de groupements d'intérêt, ou de collectivités entre elles, voire de services de l'Etat chargés du contrôle de légalité et du droit des tiers.
Cette évolution en complexité et en nombre a pour conséquence un encombrement et un allongement des délais, tant en première instance qu'en appel et en cassation. Cela provoque un allongement des délais totalement contraire à l'efficacité dont le Gouvernement a le souci, comme nous tous, dans des domaines aussi divers que les équipements publics, les routes, les autoroutes, les hôpitaux, les écoles, les constructions de logements HLM, l'aménagement du territoire. Bref, cet engorgement perturbe notre économie.
Monsieur le garde des sceaux, que comptez-vous faire pour améliorer cette situation en termes de moyens et de délais, y compris par la voie réglementaire ou législative ?
Il me paraît raisonnable que nous puissions connaître aujourd'hui dans des délais acceptables l'issue d'un recours contentieux. C'est à ce prix que nous pourrons atteindre nos objectifs et bénéficier d'une justice administrative adaptée au rythme de vie de notre époque, de notre société et à l'attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 08/04/2005
Réponse apportée en séance publique le 07/04/2005
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le phénomène de judiciarisation de notre société a en particulier pour conséquence une augmentation du nombre de requêtes devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel. En deux ans, l'augmentation est de 30 %.
Cette situation nécessite des réponses à différents niveaux.
D'abord, sur le plan des moyens, je rappelle que la loi d'orientation et de programmation pour la justice a prévu, pour la justice administrative, la création de 480 emplois de magistrat et de greffier ; nous en sommes à 220, et, dans les années à venir, avec l'exécution progressive de la programmation, nous pourrons atteindre le total voulu de près de 500 postes supplémentaires.
Quelle est la situation aujourd'hui d'après les chiffres de 2004 ?
Au niveau du Conseil d'Etat, le délai moyen de traitement des dossiers s'est stabilisé à un an, ce qui peut être considéré comme satisfaisant.
En ce qui concerne les cours administratives d'appel, qui souffraient jusqu'à ces dernières années de l'engorgement maximum, un effort très important d'affectation de magistrats et de greffiers a permis de passer de trois ans en 2002 à un an et neuf mois en 2004. On peut donc considérer que, pour ce qui est de l'appel, le délai est également satisfaisant.
Toutefois, les difficultés persistent pour les tribunaux administratifs.
Plusieurs solutions sont possibles. En application de la loi d'orientation, deux tribunaux administratifs seront créés, l'un à Nîmes, en 2006, l'autre à Toulon, en 2007. Cela permettra de désengorger les juridictions administratives du sud de la France.
Nous devons aussi poursuivre notre effort en termes de simplification des procédures. Je pense en particulier au développement du référé administratif, qui a permis d'aller plus vite sur un certain nombre de sujets.
Dans le même esprit, nous réfléchissons également - j'en ai parlé tout récemment avec les responsables du Conseil d'Etat et les présidents de nos tribunaux et de nos cours administratives d'appel - à un développement modéré, dans le respect des grands principes de notre droit, des décisions à juge unique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des ordonnances !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Enfin, il nous faut considérer qu'il n'y a pas de caractère inéluctable à l'augmentation du contentieux.
J'en donnerai un exemple : depuis deux ou trois ans, le contentieux civil devant les juridictions judiciaires a été stabilisé.
L'augmentation du contentieux administratif concernait trois domaines : les pensions civiles et militaires de retraite, le fonction publique et les étrangers.
La question des pensions civiles et militaires de l'Etat a été réglée grâce à une adaptation législative. On devrait constater une diminution très sensible de ce contentieux-là.
Pour ce qui est du contentieux de la fonction publique, je me suis rapproché de mon collègue chargé de la fonction publique pour voir comment nous pourrions introduire, pour la fonction publique civile, un recours précontentieux, recours gracieux et à caractère hiérarchique, sur le modèle de celui qui existe pour la fonction publique militaire et qui a montré son efficacité. Cela devrait nous permettre de diminuer substantiellement le nombre des recours afférents.
Reste le contentieux des étrangers, où nous devons faire un effort de simplification des procédures.
Grâce à cet ensemble de mesures, notamment législatives, portant sur les moyens et la simplification des procédures, je pense que nous pourrons atteindre l'objectif que nous nous fixons, c'est-à-dire un an de délai devant les tribunaux administratifs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
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