Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 18/03/2005
Question posée en séance publique le 17/03/2005
M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, l'assassinat, le 8 mars, du président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov par les forces spéciales russes, dans des conditions obscures, s'ajoute à la liste déjà longue des faits inadmissibles qui se sont multipliés en Tchétchénie ces dernières années : tortures, enlèvements, mutilations, viols, massacres d'enfants, répression de plus en plus dure exercée contre les défenseurs des droits de l'homme, interdiction du territoire aux journalistes et aux organisations non gouvernementales.
Déjà la question tchétchène avait été complètement passée sous silence lors du dernier sommet entre la Russie et l'Union européenne, qui s'est tenu à La Haye, le 25 novembre 2004.
L'Union européenne et la France ne peuvent ignorer l'aggravation de la situation en Tchétchénie, d'autant plus que la Russie vient d'être condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH, pour les crimes commis sous la responsabilité de l'Etat dans ce pays.
Aslan Maskhadov, qui avait une réputation de modéré, avait régulièrement désavoué les prises d'otages et les actes terroristes touchant des civils russes. Il avait décrété, au mois de février, un cessez-le-feu unilatéral et proposé au Kremlin, mais en vain, d'ouvrir des négociations. Les mères des soldats russes avaient alors saisi l'occasion en souhaitant rencontrer ses émissaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, l'assassinat d'un président démocratiquement élu est intolérable. Le scrutin de 1997 avait, je le rappelle, été observé par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE. Le nouveau pas qui a été franchi risque non seulement de provoquer une radicalisation de la lutte séparatiste, mais aussi d'embraser toute la région du Caucase du Nord.
Aucun dirigeant occidental n'a osé appeler le Kremlin à négocier avec le seul leader légitime d'un peuple martyr alors qu'il était encore en vie. La diplomatie européenne et française n'ayant pas encore réagi à l'annonce de la mort d'Aslan Maskhadov, la solitude et l'isolement du peuple tchétchène semblent se poursuivre dans l'indifférence la plus totale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le 14 mars, lors de l'ouverture de la soixante et unième réunion de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, le Gouvernement français a rappelé, par votre voix, et à juste titre, les priorités de la France : prééminence du droit, universalité des droits de l'homme, indivisibilité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Tout cela est interdit au quotidien aux Tchétchènes. Il a également rappelé son opposition aux disparitions forcées.
J'en viens à ma question. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
A cette occasion, la France envisage-t-elle de faire voter une résolution condamnant l'attitude russe en Tchétchénie ? Entend-elle exiger la restitution du corps d'Aslan Maskhadov à sa famille ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon un adage populaire : qui ne dit mot consent.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. Depuis longtemps déjà, et plus encore aujourd'hui, rien ne pourrait excuser un silence persistant ; rien ne peut et rien ne doit, quelle qu'en soit la raison, pas même notre amitié pour le peuple russe, justifier une exception russe en matière de respect des droits de l'Homme.
- page 1765
Réponse du Secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères publiée le 18/03/2005
Réponse apportée en séance publique le 17/03/2005
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, nous ne sommes pas et nous ne pouvons pas rester indifférents à ce conflit qui est long, très meurtrier, en particulier pour les civils.
C'est pourquoi la France, dans ses relations bilatérales comme dans les instances multilatérales, appelle à un règlement politique face aux graves préoccupations que soulève la situation humanitaire en Tchétchénie.
M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, a évoqué ce sujet avec son homologue russe, M. Lavrov, lors de sa visite à Moscou, en janvier dernier.
M. Didier Boulaud. Maskhadov n'était pas mort !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. En outre, un dialogue s'est instauré sur le plan européen, le 1er mars dernier, et des consultations sur les droits de l'homme se sont engagées entre la Russie et l'Union européenne.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, j'ai représenté la France à la soixante et unième Commission des droits de l'homme de l'ONU, qui se réunissait cette semaine à Genève. M. le Premier ministre m'avait mandaté pour présenter, au nom de la France, trois résolutions de combat. : une contre l'extrême pauvreté, une contre les disparitions forcées et une contre les disparitions arbitraires.
M. Jean-Pierre Sueur. Et en Tchétchénie, alors ?
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. C'est bien la preuve de l'engagement constant de la France en faveur des droits de l'homme, y compris lorsqu'il s'agit de la Tchétchénie.
Parallèlement, avec ses partenaires européens, notre pays a présenté des résolutions concernant la situation des droits de l'homme en Corée du Nord, en Birmanie et en Biélorussie.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas l'objet de la question !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Nous avons travaillé avec les gouvernements concernés sur les droits de l'homme en Afghanistan et en Colombie. (Marques d'impatience sur les travées du groupe socialiste.)
C'est dans cet esprit que nous apportons tout l'appui possible au dialogue engagé entre les autorités tchétchènes et la société civile, et placé sous les auspices du Conseil de l'Europe, afin de lutter contre l'impunité, mettre fin aux disparitions et faire aboutir les enquêtes.
M. René-Pierre Signé. C'est de l'eau tiède !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas un mot sur le président Maskhadov !
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat. Il s'agit donc de promouvoir les droits de l'homme en Tchétchénie et de contribuer à dégager enfin une solution politique, seule issue possible à ce conflit.
- page 1765
Page mise à jour le