Question de Mme TASCA Catherine (Yvelines - SOC) publiée le 17/12/2004

Question posée en séance publique le 16/12/2004

Mme Catherine Tasca. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais j'espère, monsieur le ministre délégué aux relations avec le Parlement, que vous la lui transmettrez.

Le pluralisme des médias est mis à mal dans notre pays. Les sources d'inquiétude s'accumulent dans la presse écrite en raison des incertitudes pesant sur l'avenir de Libération et du Monde. De plus, depuis quelques années, on assiste à une concentration croissante des organes de presse et de leur distribution entre les mains de groupes tels que Bouygues, Dassault ou Lagardère.

Tout récemment, les patrons de certains de ces grands groupes ont tenu des propos culturellement et politiquement très inquiétants. C'est d'abord M. Le Lay qui assigne pour mission aux programmes de TF1 de rendre disponibles les cerveaux pour la publicité de Coca-Cola. C'est ensuite M. Dassault, chef d'une entreprise d'armement et d'une entreprise de presse...

M. François Autain. Et sénateur !

Mme Catherine Tasca. ...et sénateur, effectivement, qui n'hésite pas à déclarer que « la presse doit propager des idées saines », que « les idées de gauche ne sont pas des idées saines »...

MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Alain Gournac. C'est vrai !

Mme Catherine Tasca....et que « l'opinion en France est de gauche ». Le Figaro a-t-il désormais pour mission de corriger l'opinion ?

MM. Josselin de Rohan, Henri de Raincourt et Alain Gournac. Et le sénateur Baylet ?

Mme Catherine Tasca. On constate aussi que deux éléments favorables au pluralisme, mis en place par la gauche, sont aujourd'hui malmenés.

D'une part, les radios libres, que l'on doit à François Mitterrand en 1982, ont vu leur place se restreindre dangereusement dans le paysage radiophonique.

D'autre part, le projet de télévision numérique terrestre, la TNT, conçu par le gouvernement de Lionel Jospin pour diversifier l'offre audiovisuelle, fait très peu de place aux nouveaux opérateurs et, jusqu'à présent, semble ne rien prévoir pour des chaînes locales indépendantes. Et, déjà, la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle a supprimé plusieurs dispositifs anti-concentration de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Dans ce paysage, le rôle du service public est essentiel pour le maintien du pluralisme. Votre décision de donner la future chaîne internationale à l'étrange alliance de TF1 et de France Télévisions ne plaide guère en sa faveur.

J'aurais souhaité demander à M. le Premier ministre si la défense du pluralisme des médias était encore à ses yeux une exigence démocratique essentielle : pourquoi ne confie-t-il pas au service public, France Télévisions, RFI, TV5 et AFP réunis,...

M. Alain Gournac. Aux socialistes !

Mme Catherine Tasca. ... la mise en oeuvre de la chaîne internationale ?

Que compte-t-il faire, enfin, pour limiter les concentrations dans les médias nationaux et européens ?

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Réponse du Ministère délégué aux relations avec le Parlement publiée le 17/12/2004

Réponse apportée en séance publique le 16/12/2004

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, peut-être répondrai-je incomplètement à votre question, et je vous demande de bien vouloir excuser mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres, qui est...

M. Yannick Bodin. A l'Académie française ! (Sourires.)

M. Henri Cuq, ministre délégué. ... en déplacement à l'étranger.

Permettez-moi de vous dire que vos propos témoignent de votre peu de confiance à l'égard des sociétés de rédacteurs et des journalistes eux-mêmes. Contrairement à vous, je crois à la capacité des journalistes à affirmer leur indépendance ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. Yannick Bodin. Cent cinquante d'entre eux ont fait jouer leur clause de conscience !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Ils l'ont montré et continueront à le montrer, y compris envers eux-mêmes, ainsi que le notait hier un éditorialiste connu.

Un journal, vous le savez, est une oeuvre collective. Il est le fruit d'une réflexion plurielle.

Le secteur de la presse, vous le savez aussi, a besoin non seulement de procéder à des investissements importants pour moderniser son outil de production, mais aussi d'adapter ses contenus pour reconquérir son lectorat.

Faut-il dès lors, madame la sénatrice, regretter les investissements de groupes dont la santé financière est solide, alors que l'indépendance économique et la viabilité financière de chaque titre sont les meilleures garanties du pluralisme et de l'indépendance de la presse dans le cadre protecteur de la loi du 1er août 1986 ?

J'ajoute que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a déployé des efforts historiques, s'agissant des aides à la presse.

M. Henri de Raincourt. Eh oui !

M. Henri Cuq, ministre délégué. Le budget défendu par mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres en témoigne, c'est un fait indubitable.

Le projet de loi de finances pour 2005 consacre à la presse des moyens qui sont, je n'hésite pas à le dire, exceptionnels Le montant total des aides atteint près de 280 millions d'euros, soit une progression de 30 % par rapport à l'année en cours. Les aides directes seront doublées entre 2004 et 2005. Il s'agit là d'un effort sans précédent en faveur de ce secteur, dans un contexte de forte tension sur les finances publiques.

D'autre part, permettez-moi de vous rappeler que des crédits supplémentaires d'un montant proche de 50 millions d'euros sont destinés à soutenir massivement les efforts de modernisation engagés par la presse écrite.

Enfin, il ne faut pas oublier le plan d'aide à la modernisation des réseaux de diffuseurs de presse et les mesures en faveur du lectorat jeune.

Madame la sénatrice, je n'ai peut-être pas répondu complètement à votre question. Toutefois, à la polémique, nous préférons l'action !

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