Question de M. HAENEL Hubert (Haut-Rhin - UMP) publiée le 03/11/2004
M. Hubert Haenel appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés rencontrées par de nombreux maires dans le suivi des plaintes adressées par ceux-ci aux procureurs de la République et ceci dans de nombreux domaines, ceux qui touchent par exemple aux infractions au permis de construire constatées dans leur commune. Les maires se plaignent du déficit d'explications circonstanciées, des classements sans suite et des conditions de notification de ceux-ci aux maires, de l'insuffisance ou l'inexistence d'un dialogue permanent entre les maires et les parquets. Les maires ont trop souvent l'impression de ne pas être soutenus dans leurs efforts pour faire respecter la loi ou tout simplement écoutés par les parquets. Il lui demande quelles solutions il compte mettre en oeuvre pour traiter ce problème récurrent. Il suggère par exemple que des instructions soient données aux procureurs généraux et aux procureurs de la République pour qu'ils se rapprochent des maires de leur ressort pour évoquer les difficultés rencontrées et pour mettre en oeuvre des solutions appropriées.
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Réponse du Secrétaire d'Etat aux droits des victimes publiée le 22/12/2004
Réponse apportée en séance publique le 21/12/2004
M. Hubert Haenel. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de nombreux maires rencontrent des difficultés dans leurs relations avec les parquets, notamment dans la suite qui est donnée ou non aux procès-verbaux et plaintes qu'ils adressent aux procureurs de la République, par exemple dans le domaine des infractions aux permis de construire ou au droit de l'environnement constatées sur le territoire de leur commune.
Ces maires soulignent que, le plus souvent, les procès-verbaux sont classés sans suite sans qu'il leur soit donné d'explications circonstanciées.
Trop souvent aussi, la notification du classement qui est faite au maire est purement formelle.
Ils ont donc l'impression de ne pas être soutenus par les parquets dans leurs efforts pour faire respecter la loi ou que, tout simplement, ces mêmes parquets, faute de moyens ou même pour des raisons culturelles, n'estiment pas nécessaire d'engager un dialogue suivi avec le représentant de l'Etat dans la commune, le maire, qui, je le rappelle, est aussi officier de police judiciaire.
Par ailleurs, les maires se voient opposer par les services de police ou de gendarmerie, les services de l'équipement et autres services de l'Etat une fin de non-recevoir lorsqu'ils demandent des informations, voire des copies de procès-verbaux dans des affaires où ils ont déposé plainte ou porté à la connaissance de ces mêmes services les infractions qu'ils ont pu constater.
Madame la secrétaire d'Etat, je vous demande de bien vouloir m'indiquer quelles solutions vous envisagez de mettre en oeuvre pour traiter les difficultés rencontrées.
Il me semble, par exemple, que des instructions pourraient être données aux procureurs généraux et aux procureurs de la République pour qu'ils se rapprochent systématiquement des maires de leur ressort pour évoquer les difficultés rencontrées et pour mettre en oeuvre des solutions appropriées.
Un code de bonne conduite pourrait ainsi être instauré au niveau national et décliné dans le ressort de chacun des tribunaux de grande instance.
De la même manière, la loi pourrait être assouplie pour que les maires soient destinataires d'un certain nombre d'informations aujourd'hui couvertes par le secret professionnel, auquel sont tenus les agents et officiers de police judiciaire ou les magistrats.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Monsieur Haenel, je partage vos préoccupations quant à la nécessité de favoriser un dialogue équilibré entre les procureurs de la République et les maires des communes de leur ressort. De la qualité de ce dialogue dépend largement l'efficacité de la politique pénale dans certains domaines.
Au cours du 85ème congrès des maires et présidents des communautés de France, les élus locaux ont d'ailleurs été nombreux à regretter que les relations entre les maires et les procureurs ne soient pas plus constructives.
C'est la raison pour laquelle le président de l'association des maires de France et le ministre de la justice ont décidé de réunir un groupe de travail composé de six maires et de six magistrats du ministère public, afin d'améliorer la coopération entre maires et procureurs.
En novembre 2003, ce groupe de travail a élaboré un rapport contenant plusieurs propositions qui se sont concrétisées en 2004.
En premier lieu, il a été inséré dans la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le principe d'une information partagée entre le procureur de la République et le maire. La loi rappelle ainsi le principe de l'obligation de signalement qui pèse sur les maires et prévoit désormais expressément une nouvelle possibilité d'information de la part des procureurs de la République à leur égard, créant de ce fait un nouvel équilibre dans les relations.
Par ailleurs, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'un fascicule intitulé « code de bonne conduite dans la circulation de l'information entre les maires et le ministère public » a été élaboré et diffusé concomitamment aux maires, procureurs généraux et procureurs de la République les 14 et 15 octobre dernier. Ce document devrait permettre de faciliter l'application des nouvelles règles d'information réciproque édictées par la loi et d'instaurer une véritable coopération entre élus locaux et représentants du ministère public.
La mise en oeuvre d'une étroite collaboration nous apparaît en effet particulièrement indispensable à l'efficacité du traitement de certains contentieux. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne le contentieux de l'urbanisme -construction sans permis de construire ou avec un permis de construire irrégulier par exemple -, puisque les maires sont à la fois agents de l'Etat, victimes directes de ces agissements en leur qualité de représentant de la commune et les principaux interlocuteurs des procureurs de la République, en ce qui concerne tant la dénonciation des faits délictueux que la mise en oeuvre de procédures de régularisation.
Je rappelle en effet que les dispositions du code de l'urbanisme dans ce domaine associent étroitement les élus locaux aux opérations de mise à exécution des décisions administratives et judiciaires visant à mettre un terme aux agissements délictueux, en leur conférant des prérogatives importantes, telles que la faculté d'ordonner l'interruption de travaux illicites, la saisie du matériel de chantier ou l'apposition de scellés.
Par ailleurs, depuis la loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l'urbanisme, l'autorité administrative - maire, préfet ou direction départementale de l'équipement - est tenue, lorsqu'elle a connaissance d'une infraction en matière d'urbanisme, d'en faire dresser procès-verbal et d'en transmettre immédiatement une copie au parquet.
Le ministre de la justice envisage à cet égard d'adresser des instructions précises aux parquets généraux par la voie d'une circulaire pour que, dans ce domaine comme dans d'autres contentieux liés à la protection de l'environnement, une action concertée soit mise en place avec l'ensemble des partenaires administratifs et des autorités publiques, tant dans le domaine de l'élaboration de la politique pénale que dans son suivi.
D'ores et déjà, la loi du 9 mars 2004 a prévu un dispositif spécifique permettant d'assurer une meilleure diffusion de ce type d'information.
Le nouvel article 40-2 du code de procédure pénale, entré immédiatement en vigueur, inscrit en effet dans la loi le principe d'information de la victime des suites réservées à sa plainte, que les faits dénoncés aient donné lieu à un classement sans suite, à des poursuites ou à des alternatives aux poursuites. Les avis de classement doivent désormais être motivés et mentionner les raisons juridiques ou d'opportunité qui justifient cette décision.
Cette disposition nouvelle est d'ailleurs étroitement liée à l'objectif clairement affiché par la loi de généraliser la réponse pénale en limitant les classements sans suite en opportunité aux seuls faits dont les circonstances particulières le justifient.
Je souhaite enfin indiquer que, même en cas de classement sans suite de la procédure les concernant, les maires disposent de moyens d'action autonomes puisque la loi du 18 juillet 1985 a ouvert aux communes la faculté de se constituer partie civile au titre des délits d'urbanisme, ce qui leur permet concrètement d'engager des poursuites pénales, lorsqu'ils l'estiment nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Hubert Haenel.
M. Hubert Haenel. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse très complète et circonstanciée que vous m'avez apportée.
Certes, la loi existe et des instructions ont été données, mais elles ne sont pas toujours appliquées de la même manière sur l'ensemble du territoire national.
Je souhaite donc que, d'ici à un an, on fasse le bilan de la loi et des instructions qui ont été données aux procureurs généraux et aux procureurs de la République par voie de circulaire.
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