Question de M. LE PENSEC Louis (Finistère - SOC) publiée le 05/11/2004
Question posée en séance publique le 04/11/2004
M. Louis Le Pensec. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'outre-mer, sous le regard de la délégation polynésienne de la majorité plurielle, que je salue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Madame la ministre, en Polynésie française, par-delà le calme relatif, l'état de crise est avéré. Lorsque deux présidents occupent deux palais différents et clament tous deux leur légitimité,...
M. Christian Cointat. Il n'y a qu'un seul président !
M. Louis Le Pensec. ...il est permis de dire que l'on est en présence d'un blocage des institutions.
M. Dominique Braye. Vous bafouez l'état de droit !
Mme Nicole Borvo. Non !
M. Louis Le Pensec. Il faut dire qu'une bonne partie de la majorité du Sénat a pris toute sa part dans le dévoiement des procédures démocratiques. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Le discours selon lequel les institutions fonctionnent normalement ne convainc personne.
M. René-Pierre Signé. Absolument !
M. Louis Le Pensec. Le parallélisme des formes, auquel vous dites vous tenir, madame la ministre, dans le traitement réservé aux deux délégations polynésiennes n'est qu'une façade.
Qui peut croire, dans ce dossier, à la thèse, que vous proclamez, de l'Etat arbitre ? Depuis trop longtemps, tant à l'Elysée que Rue Oudinot, on a abandonné cette posture pour celle de chefs de clan. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Croyez-vous réellement à ce que vous dites ?
M. Dominique Braye. On ne s'appelle pas Mitterrand !
M. Louis Le Pensec. Cinq années d'exercice de l'éminente responsabilité de ministre des départements et territoires d'outre-mer m'autorisent à dire que ni le Président de la République ni la ministre de l'outre-mer n'agissent selon une éthique républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jacques Blanc. Vos propos ne sont pas acceptables !
M. Josselin de Rohan. Ils sont même scandaleux !
M. Louis Le Pensec. L'appel, hier, du Président de la République au respect de la légalité républicaine est aussi tardif qu'ambigu. Y a-t-il d'ailleurs encore place pour une réponse juridique à cette crise ? II y a en tout cas une réponse politique : redonner la parole au peuple.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Le Pensec.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le président, j'ai été interrompu. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Madame la ministre, prenez garde qu'après une victoire électorale confisquée et une volonté d'alternance bafouée, l'accumulation des rancoeurs n'enclenche un processus difficilement maîtrisable.
M. le président. Posez votre question ou je coupe le micro !
M. Louis Le Pensec. Le Président de la République devrait se souvenir que, par manque d'impartialité de l'Etat et d'égale considération pour tous les élus,... (La question ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Votre question !
M. Jean-Pierre Bel. On l'empêche de parler !
M. Louis Le Pensec. ...c'est une mission du dialogue qui fut dépêchée dans un autre territoire pour y rétablir la paix civile.
Madame la ministre, allez-vous faire en sorte que cette délégation ne soit pas venue pour rien à Paris ?
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Réponse du Ministère de l'outre-mer publiée le 05/11/2004
Réponse apportée en séance publique le 04/11/2004
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) Monsieur le sénateur, vous avez exercé, il y a quelques années, les fonctions que j'ai l'honneur d'assumer aujourd'hui.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pendant cinq ans !
M. René-Pierre Signé. Et avec succès !
M. le président. Veuillez écouter Mme la ministre ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Il faut être impartial, monsieur le président !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Vous avez vécu, vous aussi, des crises politiques en Polynésie française et des situations analogues à celle que nous connaissons aujourd'hui.
Je vous rappelle que M. Alexandre Léontieff est arrivé au pouvoir après l'adoption d'une motion de censure, qui a renversé la majorité de M. Flosse. Il s'est maintenu au pouvoir jusqu'en avril 1991 avec une seule voix de majorité. A cette époque, vous étiez ministre des départements et territoires d'outre-mer, et vous n'avez pas jugé nécessaire de dissoudre l'assemblée territoriale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je ne ferai aucun commentaire sur M. Alexandre Léontieff, que vous avez soutenu parce qu'il était opposé à M. Flosse, et qui a successivement été au RPR, à l'UDF, au Tavini huiraatira, parti indépendantiste de M. Temaru, avant d'être condamné à une peine de prison pour corruption. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas la question !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et Vercingétorix ?
Mme Nicole Borvo. Ce sont les Polynésiens qui jugent ! La parole au peuple polynésien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. En 1992, monsieur Le Pensec - vous étiez toujours ministre des départements et territoires d'outre-mer -, vous avez vécu une situation de blocage. Pendant neuf mois - neuf mois ! -, le président de l'assemblée a empêché l'assemblée territoriale de siéger, et elle a dû aller se réunir au Conseil économique et social.
Mme Nicole Bricq. La réponse !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Vous n'aviez pas jugé utile, là non plus, de dissoudre l'assemblée territoriale, car vous ne considériez pas qu'il y avait un blocage des institutions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Et il veut donner des leçons !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Monsieur Le Pensec, nous pouvons être au moins d'accord sur un point : en France, il n'y a pas un état de droit qui arrange et un état de droit qui dérange. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Croyez bien que le Gouvernement auquel j'appartiens n'a nullement la volonté d'empêcher les Polynésiens de retourner aux urnes. Nous voulons simplement qu'ils s'y rendent sur une base légale.
Mme Catherine Tasca. Bonne nouvelle !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Je n'ai cessé de dire qu'il convenait d'attendre que le Conseil d'Etat juge de la validité des élections du 23 mai.
J'ai appris hier que M. Temaru lui-même, (Mme la ministre montre un document) -- je tiens ce document à votre disposition - conteste désormais la légitimité et la légalité du scrutin du 23 mai. En effet, il vient de s'associer au recours de M. Flosse demandant l'annulation des élections dans la circonscription des Iles du Vent. (Sourires sur les travées de l'UMP.) Il reconnaît donc que des pressions graves ont été exercées sur les électeurs dans les bureaux de vote tenus par vos amis indépendantistes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas à la hauteur !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes face à une première. Il n'existe en effet aucun précédent dans l'histoire du contentieux électoral français de voir un élu demander l'annulation de sa propre élection en reprenant à son compte l'argumentation de son adversaire.
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