Question de M. DUSSAUT Bernard (Gironde - SOC) publiée le 22/10/2004
M. Bernard Dussaut appelle l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur les conséquences, pour les collectivités locales, de l'assujettissement de France Télécom au droit commun en matière de taxe professionnelle, et, plus particulièrement, sur la situation de la commune de Saint-Julien-de-Beychevelle en Gironde. France Télécom étant auparavant imposée au profit exclusif de l'Etat, un mécanisme de compensation a été mis en place par la loi de finances pour 2003. Il consiste en un prélèvement sur la dotation de compensation de la suppression des parts salariales et, en cas d'insuffisance de celle-ci, un prélèvement complémentaire sur les recettes fiscales de la collectivité concernée. Cette disposition, en principe neutre fiscalement, crée en fait une dette définitive de la commune envers l'Etat, assise sur la base de la taxe professionnelle 2003, qu'il y ait ou pas modification des bases d'imposition imputables à France Télécom. Si celles-ci diminuent, les communes peuvent alors se trouver précipitées en situation de faillite. Pour Saint-Julien-de-Beychevelle, l'analyse financière du Trésor fait ressortir un probable état de cessation de paiement dès 2005, directement lié à ce mécanisme. Il semblerait que le nombre de communes mises en difficultés se multiplie. Il lui demande quelles dispositions le Gouvernement entend prendre pour corriger les effets désastreux induits par ce mécanisme. Il souhaiterait par ailleurs connaître son sentiment relatif à la situation particulièrement préoccupante de Saint-Julien-de-Beychevelle et les solutions qu'il propose pour venir en aide à cette commune.
- page 7107
Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 03/11/2004
Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004
M. Bernard Dussaut. Monsieur le ministre, le changement de statut de France Télécom fut parachevé par l'article 29 de la loi de finances pour 2003, qui assujettit l'établissement aux impôts directs locaux dans les conditions de droit commun. Ainsi, les collectivités locales bénéficient du produit des taxes foncières et de la taxe professionnelle de l'opérateur. Un mécanisme a été mis en place pour compenser les pertes de recettes de l'Etat engendrées par ce transfert aux collectivités.
Ce mécanisme s'avère aujourd'hui terriblement pénalisant, voire dramatique, pour certaines collectivités, du fait de l'évolution de l'implantation de France Télécom.
Je rappellerai brièvement ce dispositif : il consiste en un prélèvement sur la dotation de compensation de la suppression des parts salariales de la taxe professionnelle et, en cas d'insuffisance de celle-ci, en un prélèvement complémentaire sur les recettes fiscales. Il crée de fait - et là est l'inadmissible - une dette définitive de la commune envers l'Etat, assise sur la base de la taxe professionnelle de 2003, qu'il y ait ou non modification des bases d'imposition imputables à France Télécom.
C'est ainsi que Saint-Julien-Beychevelle se trouve en situation de quasi-faillite. En effet, les bases de la taxe professionnelle de France Télécom ont baissé de 43 % entre 2003 et 2004, alors que la dette due à l'Etat demeure bloquée. Les conséquences pour son développement sont considérables : alors qu'elle a toujours été gérée dans un souci d'économie, même si des investissements étaient prévus, cette commune a vu ses possibilités d'autofinancement happées par l'application de cette disposition.
La commune de Saint-Julien-Beychevelle n'a plus de capacité d'investissement. Les travaux d'aménagement des deux ports et des deux bourgs qui devaient être entrepris et qui avaient donné lieu à des études financées à hauteur de 36 000 euros par la commune ont été abandonnés. Les travaux de mise en sécurité, notamment de la cantine scolaire, n'ont pu être réalisés.
Monsieur le ministre, la situation est très grave. Le cas de Saint-Julien-Beychevelle me touche particulièrement, car cette commune se situe dans mon département, la Gironde, mais les exemples se multiplient. D'autres collectivités sont également concernées.
La réponse du Gouvernement qui prévaut est la suivante : la fluctuation des bases de la taxe professionnelle des entreprises fait partie des aléas de la vie économique. Je la trouve peu adaptée et j'en attends aujourd'hui une autre de votre part, monsieur le ministre. L'Etat aurait également subi des pertes si le statut de France Télécom n'avait pas changé puisque les bases d'imposition de France Télécom baissent globalement.
Monsieur le ministre, considérons qu'il s'agit là d'une mauvaise décision législative et non d'une volonté délibérée de compenser le manque à gagner au détriment des collectivités locales. Entendez-vous modifier cette disposition ?
Par ailleurs, dans l'immédiat, que suggérez-vous pour que la commune de Saint-Julien-Beychevelle puisse sortir de l'impasse financière dans laquelle elle se trouve ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, qui m'a chargé de vous transmettre les éléments de réponse suivants sur le problème fiscal compliqué que vous avez évoqué.
En application de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, les collectivités territoriales bénéficient depuis 2003 du produit des impositions locales - taxe professionnelle et taxe foncière - de France Télécom, qui n'y était pas assujetti auparavant. En échange, un prélèvement a été effectué en 2003 sur la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, aujourd'hui intégré dans la dotation globale de fonctionnement, et, le cas échéant, sur le produit de la fiscalité directe locale.
Je souhaite souligner un point essentiel : la modification des modalités d'imposition de France Télécom a été conçue comme une restitution de bases fiscales aux collectivités territoriales. Cette réforme est neutre pour les collectivités locales en 2003 puisque le prélèvement, effectué une fois pour toutes, est égal au produit de taxe professionnelle de France Télécom attendu en 2003. Elle est même favorable dès 2003 puisque les collectivités bénéficient de la taxe foncière de France Télécom sans qu'aucun prélèvement ne soit effectué à ce titre.
Au-delà de 2003, il est légitime que le principe de liberté fiscale s'applique. L'Etat ne saurait compenser aux collectivités les fluctuations de bases de taxe professionnelle des établissements de France Télécom de façon différente par rapport aux bases des autres entreprises, sauf à créer une inégalité de traitement entre collectivités.
S'agissant de la situation particulière de Saint-Julien- Beychevelle, je veux souligner que cette réforme n'a pas déséquilibré la situation financière de la commune en 2003.
En effet, un prélèvement d'un montant de 125 443 euros a été opéré en 2003 pour cette commune. Toutefois, ce prélèvement, calculé en appliquant le taux voté par la commune en 2002, est inférieur au supplément de recettes de taxe professionnelle issu des bases de France Télécom perçu en 2003 par Saint-Julien-Beychevelle, lequel s'élevait à 133 775 euros.
S'agissant de la situation de la commune de Saint-Julien-Beychevelle en 2004, son adhésion en 2003 à la communauté de communes Centre Médoc, qui relève du régime de la taxe professionnelle unique, a comme conséquence de transférer à la communauté de communes à compter de 2004 le produit de la taxe professionnelle. En revanche, en application de l'article 1609 nonies C du code général des impôts, la commune reçoit une attribution de compensation calculée à partir du produit de taxe professionnelle perçu avant son adhésion. Dans ce cas, l'attribution de compensation par l'EPCI, l'établissement public de coopération intercommunale, à la commune ne devrait donc pas prendre en compte la diminution des bases de taxe professionnelle de l'opérateur constatée sur la commune en 2004.
D'une façon générale, le Gouvernement ne méconnaît pas les difficultés de certaines collectivités locales, causées par les réductions de bases de taxe professionnelle de France Télécom, mais, sauf à créer une inégalité entre les collectivités, la prise en compte de ces difficultés doit s'inscrire dans le dispositif général de compensation des pertes de bases de taxe professionnelle.
Déjà, l'ancien dispositif du FNPTP, le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, a été fortement amélioré l'an dernier par l'article 33 de la loi de finances initiale pour 2004, puisque le taux de compensation n'est plus limité par une enveloppe budgétaire prédéfinie. Chaque collectivité peut donc être compensée au taux maximum.
Cela a déjà permis à nombre de collectivités touchées par les pertes de bases de France Télécom de bénéficier d'une compensation, le coût budgétaire du dispositif ayant augmenté de 10 % en 2004, soit 15 millions d'euros de charge supplémentaire pour l'Etat.
Deux réponses sont donc apportées, la première au travers de la communauté de communes, la seconde au travers du FNPTP.
Le Gouvernement propose d'améliorer encore ce dispositif. Sur proposition du secrétaire d'Etat au budget et du ministre délégué à l'intérieur, un décret sera pris avant la fin de l'année pour élargir l'éligibilité des EPCI qui ont perdu des bases fiscales à la compensation, avec effet dès 2004, ce qui permettra d'améliorer la situation d'un nombre important de structures intercommunales.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Dussaut.
M. Bernard Dussaut. La question est, c'est vrai, assez technique, mais votre raisonnement ne tient que si les bases d'imposition à la taxe professionnelle de France Télécom ne baissent pas. Or, dans le cas que je cite, ces bases diminuent de 43 % et la communauté de communes refuse de compenser puisque la dette envers l'Etat n'a pas changé. La commune perd donc près de la moitié du produit qu'elle percevait à ce titre. C'est énorme !
J'estime que faire financer par les communes les conséquences de la diminution des bases de taxe professionnelle de France Télécom alors que l'Etat conserve toujours la même enveloppe, le même produit, n'est pas très convenable, d'autant que les petites communes ne perçoivent pas beaucoup de taxe professionnelle et ne peuvent espérer une augmentation intervenant par ailleurs pour compenser la perte qu'elles subissent.
L'équilibre financier de Saint-Julien-Beychevelle est donc bel et bien mis en péril, car, même si cette commune du Médoc est, je vous l'accorde, renommée pour sa production, vous savez très bien, monsieur le ministre, que la viticulture, aussi bons les produits soient-ils, ne rapporte pas beaucoup de taxe professionnelle.
J'ai noté qu'il pourrait y avoir une amélioration. C'est nécessaire : il y a vraiment là un déséquilibre, et Saint-Julien-Beychevelle n'est pas la seule commune dans ce cas. L'Etat ne doit pas se servir des communes pour compenser les diminutions de base de France Télécom.
- page 7365
Page mise à jour le