Question de Mme CERISIER-ben GUIGA Monique (Français établis hors de France - SOC) publiée le 22/10/2004
Mme Monique Cerisier-ben guiga appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les fermetures de consulats programmées en Allemagne, en Afrique, en Amérique latine et, au-delà, sur le plan de réduction du dispositif diplomatique, culturel et consulaire. Après l'avoir alerté sur le volet des services rendus aux français de l'étranger, elle souhaitait s'attacher aux conséquences diplomatiques que ces fermetures engendrent. Les consulats dits d'influence sont de fait vides de sens. Ainsi, le président du Land de Bade Wurtenberg ne considérera jamais le directeur du centre culturel français comme un interlocuteur, fût-il décoré du titre de consul. L'influence d'un diplomate découle de l'importance de la structure qu'il dirige. Une coquille vide n'est pas un lieu de pouvoir. Des protestations se font entendre depuis plusieurs mois de la part de nos partenaires allemands mais aussi gabonais, pour Port-Gentil, ou malgaches et brésiliens, qui ressentent l'abîme qui sépare les grandes déclarations diplomatiques de la politique de terrain. Pour les usagers nationaux de ces pays hors Europe, la fermeture de nos postes diplomatiques aura forcément des conséquences en matière de demande de visas. Eloigner volontairement le lieu de dépôt des demandes de visas, c'est empêcher les déplacements en France des citoyens, étudiants, hommes d'affaires. Elle lui demande de revoir le plan de restructuration du réseau diplomatique et consulaire. Ce plan met à mal les relations privilégiées de la France avec des pays tels que l'Allemagne au sein de l'Union européenne, le Gabon dans le continent africain, ou encore le Brésil et il revient à priver notre outil diplomatique de certaines de ses dimensions humaines, nées de la proximité et du travail de terrain.
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Réponse du Secrétariat d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales publiée le 17/11/2004
Réponse apportée en séance publique le 16/11/2004
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d'Etat, les circonstances font que je voudrais, tout d'abord, rendre hommage au ministère des affaires étrangères, et tout particulièrement à la direction des Français de l'étranger et au consulat de France à Abidjan. Ils ont fait face avec efficacité aux conséquences de la crise ivoirienne, dramatiques pour nos compatriotes.
Je remercie tous les personnels du ministère qui se sont portés volontaires pour participer à la cellule de crise, tous les chefs de service qui ont passé de longues nuits à Roissy, tous les services de l'Etat et ceux de la Seine-Saint-Denis qui ont organisé l'accueil de plus de 5 000 personnes, et ce en moins d'une semaine, avec l'aide de bénévoles de la Croix-Rouge et du Secours catholique, mobilisés par centaines.
Cet hommage sincère prononcé, je dois faire état de mon désaccord non seulement sur un point particulier, à savoir la fermeture de consulats programmée en Allemagne, en Afrique et en Amérique latine, mais aussi, plus généralement, sur le plan de réduction du dispositif diplomatique, culturel et consulaire.
Mes deux propos ne sont pas sans lien. C'est parce que le ministère des affaires étrangères enracine son action dans le concret, dans le travail consulaire, qu'il dispose de tant d'agents aguerris, dévoués, aptes à gérer des situations de crise telles que celle que nous connaissons en ce moment.
C'est pourquoi je m'attache, aujourd'hui, aux conséquences de ces fermetures non seulement sur le plan proprement consulaire, mais aussi sur le plan diplomatique. Les consulats prétendument d'« influence » sont, de mon point de vue, une notion vide de sens. Ainsi, comment le président du land de Bade-Wurtemberg, par exemple, pourrait-il jamais voir un interlocuteur dans le directeur du centre culturel français, fût-il décoré du titre de consul ?
L'influence d'un diplomate, comme celle de n'importe quel responsable administratif, découle de l'importance de la structure qu'il dirige. Or une coquille vide n'est pas un lieu de pouvoir. Des protestations se font entendre depuis plusieurs mois de la part de nos partenaires allemands, gabonais - je pense à PortGentil -, mais aussi malgaches et brésiliens. Tous ressentent cruellement l'abîme qui sépare les grandes déclarations diplomatiques de la politique de terrain.
Pour les usagers nationaux des pays situés hors de l'Europe, la fermeture de nos postes diplomatiques aura forcément des conséquences en matière de demande de visas. Eloigner volontairement le lieu de dépôt des demandes de visas, c'est empêcher les déplacements en France des citoyens, étudiants et hommes d'affaires, et c'est fermer la porte de la France à des amis et à des partenaires.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous demande donc de transmettre cet appel à M. le ministre des affaires étrangères : il faut revoir le plan de restructuration du réseau diplomatique et consulaire, parce qu'il met à mal nos relations privilégiées avec des pays tels que l'Allemagne, le Gabon, ou encore le Brésil. Je le répète, ce plan prive notre outil diplomatique de dimensions humaines, nées de la proximité et du travail de terrain, dont l'actualité vient de mettre l'importance en relief.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Michel Barnier, qui m'a demandé de bien vouloir le représenter, car il est retenu à l'Assemblée nationale pour présenter la partie du projet de loi de finances pour 2005 relative à son ministère. Par ailleurs, Mme Claudie Haigneré est à Strasbourg, M. Renaud Muselier est auditionné par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et M. Xavier Darcos est retenu par le Conseil d'orientation stratégique et de programmation du CICID, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Ainsi aucun ministre de ce pôle n'était-il disponible aujourd'hui ! Mais, étant moi-même sensible à ces questions, c'est bien volontiers que je vous réponds aujourd'hui.
Tout d'abord, madame Cerisier-ben Guiga, je m'associe, au nom du Gouvernement, à l'hommage que vous avez tenu à rendre au personnel du ministère des affaires étrangères en Côte-d'Ivoire et à Paris, ainsi qu'aux services de l'Etat implantés en Seine-Saint-Denis. Comme vous, le Gouvernement a témoigné du rôle majeur qu'ont joué tous nos agents lors des événements douloureux qui viennent de se dérouler.
Vous vous inquiétez - et c'est l'objet de votre question, madame le sénateur - de l'évolution des postes consulaires.
A cet égard, je vous répondrai que l'influence d'un diplomate ne dépend pas uniquement de l'importance de la structure qu'il dirige. L'équation personnelle, l'entregent, l'habileté à se constituer des réseaux de personnalités influentes, la capacité à comprendre et à analyser les réalités locales - nous sommes loin de la simple « coquille » que vous évoquiez tout à l'heure - permettent à chacun d'être écouté et reconnu par les responsables du pays dans lequel il se trouve.
Ce qui importe, ce n'est pas la taille du poste, mais c'est le statut qui est reconnu à celui qui l'occupe par la convention de Vienne sur les relations consulaires, sans oublier la dimension personnelle que je viens d'évoquer et que le Quai d'Orsay a toujours cherché à mettre en avant.
Au-delà de ces considérations générales tenant presque à la philosophie de notre représentation à l'étranger, je soulignerai trois points.
Premièrement, en ce qui concerne les visas, les chefs de poste consulaire cités conservent un rôle suffisant pour continuer à exercer une réelle influence, et nous l'avons fait savoir aux autorités locales. Nous estimons aujourd'hui que les consuls d'influence peuvent participer de façon dynamique à la politique des visas dans leur circonscription consulaire. Il leur appartient de définir dans cette perspective, en liaison avec le consul de rattachement responsable de la délivrance des visas, les conditions précises dans lesquelles ils entendent s'impliquer dans le processus et favoriser des publics « ciblés ». Des instructions en ce sens ont été adressées aux chefs de poste concernés.
Deuxièmement, d'une manière générale, nous devons aujourd'hui nous inscrire dans une démarche résolument européenne. A l'intérieur de l'Union européenne, les administrations locales tendront à se substituer progressivement, vous le savez, aux consulats des Etats membres. A l'extérieur de l'Union, il faut engager dès à présent des opérations de « colocalisation », consistant à mettre en place des consulats uniques relevant d'un pays partenaire mais dotés de moyens et de personnels mutualisés. Tel est le sens des premières décisions arrêtées lors du conseil des ministres franco-allemand du 26 octobre 2004, qui visent à enclencher une nouvelle dynamique en matière de coopération consulaire au niveau européen.
Troisièmement, M. Michel Barnier m'a demandé de vous préciser que le réaménagement du réseau consulaire n'a entraîné, en 2004, la modification du champ d'activité que de quelques postes, situés à Alexandrie. Il faut donc relativiser les conséquences de cette décision, qui se justifiait par des raisons évidentes en termes d'organisation de l'administration. En 2005, le nombre des postes concernés par ces mesures ne devrait pas être supérieur à celui de 2004.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de votre réponse.
Je tiens simplement à souligner que, si l'on décide la fermeture, chaque année, de quatre, cinq ou six postes dans des villes aussi importantes qu'Osaka, c'est pour mieux faire marche arrière ensuite ! Je prendrai un exemple : nous avons assisté, impuissants, à la fermeture du consulat de Melbourne, voilà moins de huit ans, malgré toutes nos protestations. Or, aujourd'hui, contrainte et forcée, la France doit rouvrir ce consulat, car il est impossible que nous n'ayons pas de représentation à Melbourne ! Heureusement, pour ce poste, les moyens seront mutualisés avec l'Allemagne.
Je ne dis pas qu'il faut garder en l'état toutes les structures ; pour autant, à partir du moment où Cologne est la quatrième ville d'Allemagne et le Bade-Wurtemberg, le land le plus francophile de ce pays, je souhaite simplement que, avant de nous priver de toute représentation consulaire dans la Ruhr, on y réfléchisse à deux fois ! On ne nomme pas des fonctionnaires de seconde catégorie à des postes pareils !
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Ne dites pas cela !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous le savez bien, quel fonctionnaire de direction irait prendre un poste où il n'aurait personne à diriger ?
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