Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC) publiée le 14/10/2004
M. Claude Biwer attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les perspectives de réforme de la taxe professionnelle. Il rappelle que cette taxe, avec 23 milliards d'euros, représente une part importante des ressources propres des collectivités territoriales et une part essentielle, voire exclusive, de celles des groupements de communes à fiscalité propre. Un premier rapport d'étape comporte une critique très sévère de l'assiette actuelle de la taxe professionnelle et suggère trois pistes de réforme. Il le prie de bien vouloir préciser l'état actuel de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet et les dispositions qu'il compte prendre afin que la " nouvelle " taxe professionnelle soit un impôt " moderne, localisable et équitable ".
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Réponse du Ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation publiée le 17/11/2004
Réponse apportée en séance publique le 16/11/2004
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'annonce faite voici quelques mois de l'exonération de la taxe professionnelle payée par les entreprises sur les investissements qu'elles réalisent pendant une période de dix-huit mois a suscité un vent d'inquiétude chez les élus locaux. Ces derniers se demandent si cette mesure ne va pas préfigurer la suppression pure et simple d'une taxe qui représente à l'heure actuelle une part importante des ressources propres des collectivités territoriales et une part essentielle, voire, dans certains cas, exclusive, de celles des groupements à fiscalité propre.
Cette inquiétude a été aggravée par l'annonce, plus récente, d'une éventuelle exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les exploitants agricoles.
Au fil de ces annonces, les élus se demandent ce qu'il va bien pouvoir rester de la fiscalité directe locale !
S'agissant de la taxe professionnelle, le Gouvernement nous a quelque peu rassurés en affirmant qu'il s'agissait non pas de la supprimer mais de la remplacer par un dispositif moins pénalisant pour les entreprises. Aussi a-t-il confié à une commission d'experts présidée par M. Fouquet le soin de formuler des propositions dans ce sens.
Un premier rapport d'étape vient d'être publié mais comporte une critique sévère de l'assiette actuelle et propose plusieurs pistes de réforme. A cet effet, dix mécanismes de substitution ont été simulés, lesquels entraînent, fatalement, des transferts de cotisations entre un nombre plus ou moins important d'entreprises.
Cela a d'ailleurs fait dire à notre éminent collègue Philippe Marini que réformer la taxe professionnelle en allégeant la charge sur l'industrie sans pour autant mécontenter les autres secteurs reviendrait à inventer la pierre philosophale ! (Sourires.) Il a ajouté au demeurant que, selon lui, la taxe professionnelle était très difficile, voire impossible à réformer.
Je regrette que le Gouvernement n'ait pas pris l'attache de spécialistes de la fiscalité locale avant de décider d'appliquer une exonération de taxe professionnelle pour les nouveaux investissements. En effet, outre le fait que ces experts n'auraient pas manqué de le mettre en garde sur la difficulté de réformer cet impôt, ils auraient également pu l'éclairer sur les très nombreuses et sérieuses études soulignant, contrairement aux déclarations comminatoires et répétées des organisations professionnelles, que la fiscalité locale ne semble jouer qu'un rôle secondaire dans les installations d'entreprises.
J'observe, par exemple, que, dans les zones franches urbaines, l'exonération de la taxe professionnelle n'est presque rien en comparaison de l'exonération des charges sociales, puisqu'elles peuvent représenter respectivement 2,8 % et 19,3 % de la valeur ajoutée.
Je doute que cette mesure d'exonération temporaire puisse freiner les délocalisations d'entreprises, notamment celles des services.
Je rappelle enfin que, sur un produit global de taxe professionnelle de 35,8 milliards d'euros, c'est, au fil des exonérations et compensations diverses, l'Etat qui, avec 13,8 milliards d'euros, est devenu le plus gros contributeur. Je crains qu'il n'en soit de même demain pour la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
Cette suppression de la taxe professionnelle revient finalement à annuler aussi les efforts de certaines communes qui se sont battues pour fixer au plus bas leur taux de taxe professionnelle. Cela s'apparente à une prime aux moins bons gestionnaires communaux !
Dans ces conditions, puisque le Gouvernement s'est engagé dans un processus de réforme de la taxe professionnelle, pouvez-nous nous dire quelles mesures le Gouvernement compte prendre afin que la nouvelle taxe professionnelle devienne, sans mécontenter personne, un impôt « moderne, localisable et équitable » ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, je constate avec plaisir que vos derniers mots ne sont rien d'autre que l'objectif de cette réforme.
Le rapport d'étape auquel vous faites référence a été établi par la commission de réforme de la taxe professionnelle installée le 16 octobre 2004 par le Premier ministre. Elle doit rendre son rapport définitif avant la fin de l'année.
Depuis l'automne, cette commission a examiné plusieurs simulations de scénarios de réforme. Une première famille de scénarios reprend le principe de la taxation des facteurs de production en l'aménageant. Une deuxième famille substitue à l'assiette actuelle un « solde de gestion » : chiffre d'affaires, valeur ajoutée ou excédent brut d'exploitation. Enfin, une troisième famille de travaux examine les effets d'une assiette mixte, composée de la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière imposée à un taux local, d'une part, et d'un solde de gestion imposé à un taux national ou local, selon le cas, d'autre part.
A quelques exceptions près, ces simulations font apparaître d'importants transferts entre secteurs d'activités et entre entreprises selon leur taille ainsi que, dans une moindre mesure toutefois, des modifications dans la répartition de l'impôt entre les collectivités et leurs groupements. La commission va développer plusieurs de ces scénarios, notamment en vue de limiter l'ampleur de ces transferts.
Dans ce contexte, vous comprendrez qu'il n'est pas possible de vous indiquer quelles seront les orientations retenues en définitive par le Gouvernement : compte tenu de la difficulté de l'exercice, il convient de laisser la commission achever ses travaux en toute sérénité. En fonction des conclusions du rapport définitif, un projet de loi réformant la taxe professionnelle pourrait être soumis au Parlement au cours du premier semestre 2005. Bien entendu, ce texte serait conforme aux dispositions constitutionnelles relatives à l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Dans l'immédiat, afin d'accompagner plus durablement la croissance de l'investissement et de l'emploi en France, l'article 68 du projet de loi de finances pour 2005 prévoit de proroger jusqu'au 31 décembre 2005 la date limite des investissements ouvrant droit au dégrèvement de taxe professionnelle institué par la loi du 9 août 2004.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous venez d'apporter et des intentions que vous affichez, tout en prenant acte du fait que la réflexion est encore en cours.
Avec la décentralisation, nous récupérerons sans doute certains pouvoirs, mais pas la totalité des moyens qui les accompagnent. C'est l'une des causes de notre inquiétude.
Je ne suis pas un décentralisateur forcené, car je considère que c'est à l'échelon de l'Etat que s'opèrent les meilleures péréquations. Mais nous devons assumer pour demain la responsabilité qui nous incombe, car je ne souhaiterais pas que la France ne compte bientôt plus qu'une seule commune. Encore que cela permettrait peut-être aux communes rurales de percevoir la même dotation globale de fonctionnement que Paris, ce qui ne serait pas rien considérant qu'actuellement la différence va du simple au double. Mais je ne pense pas que ce soit l'intérêt du pays !
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