Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 02/10/2004
M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur l'ampleur et la persistance de la crise qui frappe la viticulture française. Il lui indique qu'une telle situation, parce qu'elle perdure, exige, enfin, la mise en oeuvre de mesures d'envergure, à l'exemple notamment de celles proposées par le groupe de travail de la commission des affaires économiques du Sénat dans son rapport n° 349, présenté en 2001, sur l'avenir de la viticulture française. Par ailleurs, et compte tenu d'un tel contexte, mais également dans la perspective de la prochaine campagne, il souhaite lui faire part, de surcroît, des graves difficultés que ne manqueront pas de rencontrer les viticulteurs, si des mesures de gestion de cette campagne étaient annoncées et mises en oeuvre tardivement, chacun sachant que, dans ce domaine notamment, il est essentiel de savoir anticiper. De plus, il tient à attirer également son attention sur la situation d'ores et déjà préoccupante d'un certain nombre de familles d'exploitants, situation qui pourrait se dégrader encore davantage, dans les prochains mois, si des mesures spécifiques les concernant n'étaient pas mises en place en temps opportun... Il lui demande donc de lui faire connaître son sentiment sur les trois points évoqués.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 20/10/2004
Réponse apportée en séance publique le 19/10/2004
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite « tirer la sonnette d'alarme » et vous dire qu'il faut anticiper en prenant des mesures bien ciblées de nature à éviter une rechute dans la crise dont nous ne sommes en fait pas sortis depuis plusieurs années. Tout au plus, la faiblesse en volume des dernières récoltes en a atténué l'impact. Mais, avec le retour d'une récolte supérieure en volume cette année, les mêmes causes provoquant, mécaniquement, les mêmes effets, elles vont entraîner une aggravation qui pourrait être fatale à nombre d'exploitations et notamment à celles qui sont déjà en difficulté.
Depuis des années, le contexte est toujours le même et il n'est pas bon : baisse continue de la consommation, exportations en panne, concurrence sur les marchés extérieurs des vins des pays du Nouveau Monde dopée par une force de frappe commerciale impressionnante, difficultés de la filière française à communiquer, et je pourrais évoquer de surcroît les plantations illicites en Italie, en Espagne, à l'encontre desquelles les instances européennes tergiversent.
Dans un tel contexte et au vu des estimations d'une récolte pourtant qualifiée de normale - 59 millions d'hectolitres pour la France, 175 millions pour l'Europe -, comment ne pas voir que la campagne 2004-2005 s'annonce difficile, d'autant que l'on assiste déjà à des spéculations à la baisse alors que l'état des stocks était déficitaire au 1er juillet 2004.
Monsieur le ministre, le moral n'est pas bon dans nos campagnes ! Ajoutons à cela l'absence de reconnaissance officielle de la place et du rôle du vin en France aux plans tant économique que culturel ou encore les attaques répétées contre ce produit, quasiment unique cible de campagnes anti-alcoolisme qui se transforment en campagnes anti-vin. Non, monsieur le ministre, le moral n'est pas bon même si l'on apprécie le léger assouplissement de la loi Evin, impulsé par le Sénat et confirmé par l'Assemblée nationale, ce dont je me réjouis.
Mais ce n'est pas le compromis adopté par le Gouvernement, consistant à donner la possibilité d'élaborer des vins de pays aux régions d'appellation, qui va mettre du baume au coeur des vignerons du Languedoc-Roussillon, bien au contraire !
Il vous faut donc, monsieur le ministre, anticiper pour enrayer le processus de dégradation qui est en train de s'engager. Il faut réorienter les volumes excédentaires vers les marchés « non-vin », mais cela ne suffira pas. C'est pourquoi je vous suggère d'organiser, en votre ministère, une rencontre avec la profession pour engager une réflexion approfondie sur les mesures de gestion du marché et mettre en oeuvre, tant qu'il est temps, ces mesures.
Mais, sans attendre, je souhaite attirer votre attention sur l'urgence de mesures de soutien aux exploitants en difficulté. Je pense aux aides à la trésorerie, aux reports ou aux prises en charge totales ou partielles des cotisations sociales et des intérêts d'emprunt. Une fois réglés les problèmes conjoncturels, il faut, sans attendre, mettre en oeuvre des mesures à moyen et long termes. Je vous rappelle, à cet effet, les grands axes des propositions sur lesquelles nous avons travaillé avec nos collègues Gérard César et Gérard Delfau dans le cadre du rapport sur l'avenir de la viticulture française, propositions, qui, deux ans plus tard, sont toujours sans suite, en tout cas, la plupart d'entre elles.
Pour conclure, j'évoquerai quelques-unes de ces propositions : rendre l'offre plus lisible et plus visible en développant une stratégie de communication dotée de moyens conséquents, tant en interne que sur les marchés extérieurs, sous la bannière « vins de France » ; organiser une grande enquête nationale sur les attentes des Français ; adapter l'organisation commune des marchés vin, l'OCM vin ; mettre en place un régime d'arrachage temporaire ; développer une approche équilibrée du thème « vin et santé » et poursuivre la restructuration du vignoble. La profession s'inquiète des incertitudes qui entourent actuellement le financement des futures primes à la plantation.
Pourriez-vous me dire, monsieur le ministre, quelles sont vos intentions sur les différents points évoqués ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, je connais bien les difficultés rencontrées par la filière viticole. Comme vous le savez, je me suis rendu, à de très nombreuses reprises depuis deux ans et demi, dans votre département et dans votre région ; je suis en contact étroit et constant avec les responsables de la filière afin de lui apporter les réponses les plus adaptées. Des réunions se tiennent chaque semaine ; c'est le rôle d'un ministre de l'agriculture d'être toujours au contact de l'ensemble des dirigeants viticoles de notre pays en général, de votre région en particulier.
Face à une baisse de la consommation intérieure qui est tendancielle depuis des années, la viticulture française a besoin de développer ses débouchés à l'export, ce qui devient de plus en plus difficile dans un contexte concurrentiel de plus en plus sévère.
Malgré le contexte budgétaire difficile, afin de stimuler les ventes de vins français, les moyens publics destinés à soutenir les actions de promotion et de communication, en particulier à l'export, sont augmentés de 50 %. Comme cela a été annoncé le 21 juillet, un effort de 5 millions d'euros a été consenti pour soutenir prioritairement les campagnes collectives qui contribuent à améliorer l'image des vins français et à expliquer, dans sa diversité, la cohérence de l'offre française.
De plus, afin de faire face à la récolte importante qui s'annonce, j'ai, en concertation avec les professionnels viticoles, fait préparer un décret relatif à la fixation du rendement des vignes qui permet, à titre dérogatoire pour 2004, la production de 10 hectolitres par hectare supplémentaire sur les parcelles de vins de table et de vins de pays, sous réserve que cette quantité supplémentaire ne soit pas vinifiée et vienne alimenter le marché des jus de raisin et moûts concentrés destinés à l'enrichissement.
Outre ces mesures conjoncturelles qui pourront être abondées par un certain nombre d'autres mesures, de nombreuses réflexions ont été conduites depuis plusieurs mois, comme vous le savez, pour améliorer le positionnement des vins français sur les marchés.
A l'issue de ces réflexions, les représentants des organisations viticoles m'ont présenté leurs conclusions. Ils m'ont proposé des évolutions dont l'objectif est de clarifier l'offre viticole française, en l'articulant autour de deux grands groupes de produits : ceux qui sont bâtis principalement sur le terroir et la typicité - c'est le domaine des appellations d'origine contrôlée - et ceux qui sont susceptibles de répondre aux attentes de chaque catégorie de consommateurs et sont donc à même de s'adapter aux exigences des marchés internationaux où la concurrence se développe - c'est le domaine des vins de table et de pays.
L'idée qui préside à cette nouvelle organisation de l'offre viticole française est d'en améliorer la lisibilité et favoriser son adaptation à la structuration existante du marché mondial, dont les tendances se manifestent chaque jour de façon plus brutale.
Il faut maintenant que les organisations professionnelles, dans chaque région, examinent quel type d'organisation serait le plus adapté aux particularités de leur bassin de production.
Alors que va s'achever une vendange abondante et que les perspectives de marché préoccupent bien des professionnels, en particulier dans le secteur des AOC, certaines régions réfléchissent à leur propre stratégie. C'est à chacun de se déterminer.
D'ores et déjà, afin que les bases juridiques soient opérationnelles pour les bassins qui feraient le choix d'adapter leur offre, les dispositions législatives nécessaires - possibilité d'affectation parcellaire pour la production de vins de pays - ont été introduites par le Gouvernement dans le projet de loi sur le développement des territoires ruraux, à l'occasion de sa récente deuxième lecture par l'Assemblée nationale, c'est-à-dire la semaine dernière.
J'ajouterai deux observations à ce que je viens de dire.
Première observation : dans le domaine de la viticulture, comme dans tous les domaines des produits consommés, tout part des goûts et des attentes des consommateurs. Le rôle des pouvoirs publics est donc de donner aux viticulteurs et à leurs organisations le cadre légal, la boîte à outils qui leur permette d'être les meilleurs et les plus compétitifs possible.
Vous savez que les interrogations sur l'avenir de notre filière ne datent pas d'hier. Depuis plusieurs années, un certain nombre de rapports - d'excellents rapports - sont parus ; je pense, bien évidemment, à celui que vous avez déposé avec Gérard César et Gérard Delfau, qui est remarquable.
Le 21 juillet dernier, j'ai réuni au ministère toutes les familles professionnelles de la viticulture française, de toutes les régions d'appellation. Une plateforme commune s'est dégagée pour une nouvelle segmentation de l'offre.
Je dirai maintenant aux viticulteurs et à leurs organisations : voilà la boîte à outils ; dîtes-moi ce qu'il faut faire !
M. Gérard César. Très bien !
M. Hervé Gaymard, ministre. Un ministre n'a pas à prendre les décisions en lieu et place des professionnels de la viticulture française.
Des propositions sont sur la table depuis le 21 juillet dernier et j'attends que, bassin de production par bassin de production, l'on me présente les choix qui auront été arrêtés. Je respecterai les choix des différentes ères d'appellation.
Deuxième observation : l'excellent rapport du Sénat que nous avons cité comportait, il est vrai, un certain nombre de propositions. D'ores et déjà, qu'il s'agisse de l'exportation ou de la reconversion qualitative différée, particulièrement dans la région Languedoc-Roussillon, certaines mesures sont déjà opérationnelles.
Par conséquent, je ne pense pas que nous ayons perdu beaucoup de temps depuis deux ans. Néanmoins, monsieur le sénateur, compte tenu de la situation difficile dans laquelle se trouvent nos vignobles, il est vrai que nous avons encore, tous ensemble, beaucoup de travail à faire !
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