Question de M. MARC François (Finistère - SOC) publiée le 27/07/2004
M. François Marc attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur le projet de reconstruction du pont de Terenez, situé sur la presqu'île de Crozon. Département périphérique, le Finistère compte parmi ses territoires des zones elles-mêmes excentrées. La presqu'île de Crozon en est un exemple et la desserte routière assurée par le pont de Terenez y constitue un enjeu de taille. Unique point de passage entre le pays de Brest et la presqu'île, l'ouvrage assure en effet le lien stratégique et déterminant pour l'équilibre territorial du département. Il est constaté que cet équipement subit depuis un certain nombre d'années une extrême dégradation attribuée au phénomène d'alcali-réaction. Pour mémoire, l'État a construit le pont de Terenez en 1951 et l'a remis au conseil général du Finistère en 1972 (arrêté ministériel du 15 septembre 1972). Le département a alors entrepris des réparations régulières et onéreuses. Pour autant, l'ouvrage a continué à se dégrader. Les enjeux militaires, la sécurité civile, la desserte d'un territoire, la qualité unique du site enfin ont constitué autant de facteurs déterminants dans le choix fait par le conseil général de construire un nouvel ouvrage de franchissement de l'Aulne à proximité de l'actuel pont, amené à disparaître à l'issue des travaux. Le nouveau pont de Terenez s'avère effectivement indispensable et des considérations d'ordre sécuritaire et militaire justifient une légitime participation financière de l'État. Il en va en effet de la sécurité publique car, ainsi que l'a rappelé M. le préfet du Finistère, les interventions des sapeurs-pompiers de Crozon et de Camaret-sur-Mer, pour gagner en rapidité, passent par ledit pont. Dans 75 % des cas, une évacuation hospitalière vers le CHU de Brest s'avère nécessaire... De la même manière, la presqu'île dépend du secteur d'intervention du SMUR (service médical d'urgence) de Brest. Enfin, la saison estivale draine une augmentation importante de la circulation et conduit à des risques supplémentaires d'accidents et donc de demandes de secours. Il en va également des intérêts militaires et de la desserte des sites stratégiques de la presqu'île de Crozon. Le gabarit du nouvel ouvrage est d'ailleurs conçu pour accueillir les engins militaires. Le commandant de la région maritime atlantique a en ce sens également convenu que la desserte par la RD 791 et par le pont de Terenez des installations militaires implantées sur la presqu'île de Crozon, et notamment la base de sous-marins nucléaires, constitue une exigence opérationnelle prioritaire. Le coût de l'ensemble de l'opération est estimé à 33,3 millions d'euros TTC. L'intervention financière de l'État et en particulier celle du ministère de l'intérieur est très attendue, ce projet d'infrastructure ayant directement trait à la sécurité publique et à la défense nationale. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui indiquer sous quelles formes et à quel niveau l'État envisage de participer financièrement à la réalisation de cet investissement stratégique.
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Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 03/11/2004
Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004
M. François Marc. Monsieur le ministre, ma question porte sur le financement du pont de Térénez, dans le Finistère.
L'Etat a fait construire en 1951 ce pont suspendu de 272 mètres de portée pour desservir la presqu'île de Crozon, laquelle constitue, comme chacun le sait, un site fondamentalement stratégique, puisqu'il abrite la base des sous-marins nucléaires français.
Cet ouvrage a fait l'objet d'un transfert au département par arrêté ministériel du 15 septembre 1972. S'inscrivant, en amont et en aval, sur la route départementale 791, il est donc géré par le département.
Or, il a été constaté, ces dernières années, une forte dégradation des pylônes en béton armé de ce pont du fait d'un processus d'alcali-réaction.
La question s'est donc posée, en 1997, de savoir ce qu'il fallait faire. Le conseil général a réuni un comité de pilotage réunissant des représentants de la préfecture, des services de la marine nationale et de l'équipement.
Ce comité de pilotage a décidé d'engager un projet de reconstruction d'un pont à haubans de 285 mètres de portée et de 585 mètres de longueur, dont les caractéristiques fonctionnelles seront nettement améliorées.
Le coût de cet ouvrage serait de 33 millions d'euros.
Le conseil général du Finistère sera-t-il le seul à financer cet ouvrage ?
Il y a, monsieur le ministre, une légitimité à ce que l'Etat participe à ce financement.
En effet, ce pont est situé en « espaces remarquables », au sens de l'article L 146-6 du code de l'urbanisme, aux termes duquel sont interdits, comme vous le savez, tous les aménagements autres que les « aménagements légers (...) lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. »
Toutefois, l'article L.146-8 du même code dispose ceci : « Les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile (...) ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative. »
Par un courrier daté du 17 septembre 2001, le ministre de l'équipement a accordé une dérogation pour que cette construction puisse être entreprise dans un « espace remarquable », compte tenu des exigences de l'acheminement des secours et de celles qui sont liées à la desserte de cette base de sous-marins nucléaires par la route départementale 791.
Le président du conseil général du Finistère a saisi le Gouvernement par courrier, voilà quelques mois, pour savoir si ce dernier envisageait de participer au financement de cet ouvrage à caractère stratégique. Pour l'instant, aucune réponse ne lui a été fournie.
Ma question est très simple : l'Etat envisage-t-il, à un titre ou à un autre, de participer à ce financement, ce en fonction des exigences liées à la sécurité publique et à la défense nationale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous présentez ce sujet avec beaucoup d'habileté : je vous rends au moins cet hommage.
Pour le reste, afin de remettre tous les éléments de votre question en perspective, et donc d'éviter toute mauvaise interprétation et tout malentendu, je vous donnerai quelques éléments de réponse de portée assez générale.
Comme vous le savez, ce pont, construit par l'Etat en 1951, a été remis au conseil général du Finistère en 1972, avant que les phénomènes de dégradation n'apparaissent. Comme l'ensemble du domaine routier départemental, il a, depuis lors, vocation à être entretenu par le département, qui doit assumer la charge des travaux que nécessite son état.
Au terme d'une réflexion engagée en 1998, le conseil général a décidé, en 2003, de détruire l'ancien pont et d'en construire un nouveau, dont le coût a été estimé à 33 millions d'euros.
Toutefois, et malgré de nombreux contacts entre les services de l'Etat et ceux du département, ce dernier n'avait sollicité aucune aide financière de l'Etat jusqu'au mois de juillet dernier, époque où, effectivement, une première demande a été formulée.
Vous relayez, aujourd'hui, monsieur le sénateur, la demande de participation financière que le président du conseil général a soumise au ministre de l'intérieur en se fondant sur des arguments selon lesquels des enjeux militaires et de sécurité civile pourraient justifier le concours financier de l'Etat.
Or, ce faisant, vous sortez quelque peu de leur contexte ces arguments destinés à lever un verrou juridique du code de l'urbanisme. C'est en cela que votre formulation est habile.
En effet, le pont est situé dans un « espace remarquable », selon les termes de la loi, ce qui n'autorise que des « aménagements légers », sauf si des raisons liées à la sécurité civile ou à la défense sont invoquées.
Je tiens à préciser que cela ne change en aucun cas la règle selon laquelle le propriétaire de l'ouvrage supporte le coût des travaux qu'il décide d'entreprendre.
Aucune participation n'ayant été prévue dans le contrat de plan Etat-région signé en 2000 sous le précédent gouvernement - nous veillons, bien sûr, dans la mesure du possible, à son application -, le département du Finistère ne peut prétendre qu'aux aides de droit commun allouées aux départements au titre de leurs dépenses d'investissement. Ces aides relèvent de la dotation globale d'équipement, la DGE, dont les modalités d'attribution sont définies dans le code général des collectivités territoriales.
Les dépenses concernant la reconstruction du pont de Térénez seront inscrites, au fur et à mesure de la réalisation de l'opération, sur les états de mandatement présentés au titre de la DGE. Celle-ci sera versée sur la base du taux de concours défini annuellement.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je tenais à vous communiquer. Peut-être les connaissiez-vous déjà ; mais, il est bon que l'information la plus précise possible circule entre nous et que notre dialogue soit empreint de beaucoup de franchise.
Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu m'apporter.
J'ai bien compris que, s'agissant du subventionnement spécifique de l'Etat qui aurait pu être espéré, les nouvelles sont peu rassurantes.
Je tiens à préciser que, lors de l'élaboration du contrat de plan, les éléments de projection concernant ce dossier n'étaient pas encore connus. Le coût du projet étant maintenant estimé, le moment est venu de rechercher les financements. C'était trop tôt en 1997 ou en 1998.
Dans ce cadre-là, le président du conseil général a saisi le Gouvernement.
Je suis étonné de l'absence d'argumentation de fond concernant la défense nationale, alors que ce point me paraît pourtant essentiel : nous n'avons, en France, qu'une seule base de sous-marins nucléaires. Le pont a été dimensionné selon les exigences formulées par les services de la marine et par ceux du ministère de la défense et, ne serait-ce que pour cette raison, nous aimerions que le Gouvernement prenne en compte les surcoûts occasionnés à cet ouvrage du fait desdites exigences.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le dialogue et l'échange d'informations : peut-être, dans les prochains mois, parviendrons-nous à améliorer nos positions respectives sur le sujet.
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