Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 06/05/2004
Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la décision prise, voilà plus de dix-sept mois, de délocaliser le CNDP à Chasseneuil-du-Poitou dans la Vienne sans aucune véritable concertation entre le ministère, les employés du CNDP, la communauté éducative et les élus franciliens. L'amélioration du travail du centre et son rayonnement ne justifient pas un tel projet. Arbitrairement fixée au mois de septembre 2004, la mise en oeuvre de la délocalisation s'est accélérée depuis le mois de mars dernier. Ainsi, certains locaux ont été saisis et des employés ont reçu des notifications de fin de contrat ou de nouvelle affectation. Cette situation crée un climat d'inquiétude, d'incompréhension et d'indignation pour les personnels qui réclament d'être entendus. Alors que le Président de la République et le Premier ministre se sont ouvertement positionnés pour la mise en place d'un dialogue entre le Gouvernement et les Françaises et les Français, elle lui demande de se prononcer en faveur d'un moratoire. Elle lui demande également de recevoir les employés et les élus franciliens et de Poitou-Charentes autour d'une table ronde dont l'objectif serait de discuter de l'avenir du centre et du projet alternatif sur le site de Vanves. La mission importante de service public accomplie par le CNDP mérite que des pourparlers interviennent urgemment au risque de voir disparaître des activités du centre et la qualité des missions qu'il accomplit.
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Réponse du Ministère délégué à la recherche publiée le 02/06/2004
Réponse apportée en séance publique le 01/06/2004
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, voilà dix-huit mois, le Gouvernement annonçait sa décision de délocaliser le Centre national de la documentation pédagogique de l'enseignement supérieur et de la recherche à Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne, à la grande stupéfaction et à l'indignation, je dois le dire, des salariés, de la communauté éducative et des élus franciliens.
L'aménagement du centre et l'affirmation de son rayonnement ne nécessitaient nullement une telle décision. Si elle devait être appliquée, la structure même et la qualité du travail du CNDP, qui remplit une mission de service public, se trouveraient sapées, d'autant que, depuis mars dernier, la mise en oeuvre de la délocalisation s'est accélérée, avec la saisie de certains locaux et les notifications de fin de contrat et de transfert.
Monsieur le ministre, depuis que M. Fillon et vous-même avez pris vos fonctions, aucun changement significatif n'est intervenu. Je crois que vous ne mesurez pas l'état de crispation et d'exaspération des personnels.
La semaine dernière encore, j'ai appris que des pressions avaient été exercées sur les employés afin de les inciter à partir rapidement ; cela rend le climat intenable. Il faut absolument revenir au plus vite à un traitement humain de cette situation.
J'insisterai sur trois points, monsieur le ministre.
Il y a tout d'abord de quoi s'interroger sur le coût de cette délocalisation pour la collectivité, alors même que le Gouvernement s'engage dans la voie d'une réduction drastique des dépenses publiques. En effet, ce coût est important, en raison notamment de l'achat du bâtiment Arobase 4, sur le site du Futuroscope.
La France connaît ensuite une situation sociale hautement dégradée : plans de restructuration, licenciements, précarité. Le CNDP, si les mesures actuelles sont maintenues, s'inscrira dans ce contexte.
En effet, la deuxième tranche du transfert concerne 108 personnes et leurs familles ; elle a lieu dans des conditions inacceptables. Ce n'est pas la lettre du 24 mai dernier émanant du cabinet du ministre de l'éducation nationale qui peut calmer les angoisses, bien au contraire. Elle n'annonce que des « mesurettes » dont nous ne sommes même pas certains qu'elles puissent être appliquées. Ainsi, les agents et les personnels techniques seraient reclassés dans les trois CRDP de la région parisienne - je demande à voir ! Quant aux CDD, ils sont d'ores et déjà certains de se retrouver au chômage, car, dites-vous, ils seront accompagnés dans leur recherche d'emploi pendant six mois. Ce sont donc 108 familles qui se trouvent confrontées à une situation de perte d'emploi, alors même que le Président de la République et le Premier ministre avaient annoncé que cette année serait celle de l'emploi ! De plus, il leur faut trouver une école pour leurs enfants.
L'angoisse fait maintenant place à l'indignation. Monsieur le ministre, je vous demande donc de nommer de toute urgence un médiateur. Il n'y a plus de discussion possible entre la direction générale et le personnel tant le climat s'est détérioré.
Enfin, monsieur le ministre, depuis des mois, certaines activités du CNDP ne sont plus assurées. La mission de service public a été interrompue : allez-vous laisser faire ? Nous ne pouvons accepter cette dégradation des activités du centre. Nous resterons très vigilants sur son avenir, car de fortes inquiétudes pèsent notamment au sujet de l'immixtion du secteur privé pour assurer certaines de ses missions. Cela peut préfigurer la casse du CNDP que je refuse, avec mon amie Nicole Borvo, sénatrice de Paris, et avec tous les personnels.
Pourtant, d'autres solutions existent, comme l'installation des locaux sur le site de Vanves et le renforcement des activités du CRDP de la Vienne, dont l'existence même pourrait être remise en cause par l'implantation du CNDP, ce qui serait illogique.
Ainsi, monsieur le ministre, en tant qu'élue francilienne concernée par les problèmes de notre région, en tant que membre du comité de suivi de la délocalisation du CNDP, aux côtés de l'intersyndicale et de nombreux élus - des parlementaires socialistes, des conseillers régionaux et généraux, des maires, dont certains appartiennent à votre majorité - dont je me fais aujourd'hui l'interprète, en tant que citoyenne soucieuse du sort du centre et de l'éducation en général, je vous demande d'urgence de procéder à un bilan financier, social, humain et intellectuel de cette délocalisation. Une nouvelle table ronde, à laquelle les élus franciliens et poitevins seraient conviés, pourrait alors être organisée.
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Voilà un peu plus d'un an, le ministre de l'éducation nationale, à l'occasion d'une séance de questions, répondait favorablement à ma proposition de table ronde. Malheureusement, il n'a pas permis aux élus d'y prendre part. J'espère qu'à votre tour, monsieur le ministre, vous accepterez de réunir une table ronde élargie, seule à même de débloquer la situation.
Vous l'avez compris, mon but et celui des personnels du CNDP, présents dans les tribunes du public, n'est pas de remettre en cause toute décision visant à améliorer le service rendu par le centre, tant à Paris qu'à Poitiers, mais bien de tout mettre en oeuvre pour construire ensemble un projet ambitieux et cohérent pour son avenir, avec pour principale préoccupation la sauvegarde de sa mission première. C'est pourquoi nous attendons beaucoup de votre réponse, monsieur le ministre.
M. le président. Vous profitez toujours, madame Luc, du libéralisme - même si vous n'aimez pas le mot - de la présidence : vous vous êtes exprimée pendant plus de sept minutes !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame Luc, actuellement retenu par la réunion des recteurs d'académie, M. Fillon m'a demandé de vous communiquer un certain nombre d'éléments sur la question que vous posez concernant le CNDP.
J'ai bien écouté vos propos. Avant de vous répondre, il me paraît important de reprendre devant le Sénat la chronologie du transfert progressif des services du Centre national de la documentation pédagogique vers la Vienne.
C'est à l'occasion de sa réunion du 13 décembre 2002 que le comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire a retenu le projet de délocaliser le CNDP, en continuité avec les politiques de délocalisation des établissements publics menées depuis plus de dix ans par l'ensemble des majorités parlementaires.
Un arrêté du ministre en charge de l'éducation nationale, pris le 26 juin 2003, fixe dorénavant le siège juridique de l'établissement à Chasseneuil-du-Poitou, dans la Vienne. Un transfert progressif de service est en cours depuis le mois de septembre 2003. Contrairement à ce que vous laissez entendre, cette délocalisation n'a rien d'autoritaire,...
Mme Hélène Luc. Ça alors, si ce n'est pas autoritaire !
M. François d'Aubert, ministre délégué. ... mais s'est au contraire accompagnée de nombreuses réflexions, concertations et discussions à la fois au sein des instances réglementaires, telles que le comité technique paritaire ou le conseil d'administration, et au sein du groupe de travail, au cours desquelles les organisations syndicales ont été régulièrement invitées à s'exprimer.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Des personnels ont d'ores et déjà rallié le nouveau site du CNDP, où travaillent actuellement plus d'une trentaine de personnes ; d'autres doivent les rejoindre à la rentrée de cette année.
Les personnels ne sont en rien « livrés à eux-mêmes », pour reprendre les termes de votre question, puisqu'un travail très approfondi est mené par la direction des ressources humaines afin que ceux qui souhaitent rejoindre la Vienne y soient accueillis dans les meilleures conditions et que les autres bénéficient du meilleur reclassement possible en prenant en compte l'expérience et les compétences acquises.
Pour ce qui est, enfin, des conséquences du départ du CNDP de la région parisienne, l'opération est évidemment complexe, mais elle n'a jamais eu pour finalité de faire disparaître les activités de l'établissement, ni de remettre en cause ses missions d'édition, de production et de documentation pédagogique, pour lesquelles cette institution garde toute sa place, ni bien sûr ses missions de service public.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, vous avez fait l'historique du CIADT, mais je vous assure que je le connais !
Je le répète, cette opération a été menée de manière autoritaire puisqu'il n'y a pas eu de véritable concertation avec les personnels. C'est pourquoi vous me voyez très en colère, monsieur le ministre !
Je vous avoue ma déception devant une intervention qui ne répond pas du tout aux attentes des employés du CNDP et des élus. Certains employés ont rejoint le centre de Poitiers, mais ni moi ni les personnels ne renonçons à conserver le CNDP à Choisy-le-Roi.
C'est pourquoi je renouvelle ma proposition de nommer immédiatement un médiateur et d'organiser une table ronde en vue d'organiser une véritable concertation.
La précipitation dans laquelle s'est opérée cette délocalisation était liée, il faut bien le dire, à la préparation des élections régionales. Nous comptons sur la nouvelle présidente du conseil régional de Poitou-Charente pour aider les personnels du CNDP, puisqu'elle leur avait apporté son soutien.
Monsieur le ministre, avec mon amie Nicole Borvo et les parlementaires, les conseillers généraux, les élus, nous restons à la disposition des personnels du CNDP pour continuer la lutte et faire en sorte que le Centre reste en région parisienne, où il y a tant de choses à faire dans toutes les académies.
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