Question de M. VALLET André (Bouches-du-Rhône - RDSE) publiée le 15/04/2004
M. André Vallet attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'augmentation massive des tarifs des prestations bancaires. Il lui rappelle que, selon l'indice INC, le coût des services bancaires a augmenté de 114 % depuis 1986, alors que dans le même temps, les prix à la consommation n'augmentaient que de 32 %. Il lui rappelle également que la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant " mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier " (MURCEF) était en partie destinée à améliorer les rapports entre la banque et les usagers, mais que la suspension de la disposition relative aux conventions de compte remet en cause l'équilibre général de la loi MURCEF, au profit des établissements bancaires. Le système de médiation permet certes d'éviter une judiciarisation des litiges, mais cela n'est pas compensé par un encadrement légal des banques pour assurer la protection des consommateurs. Dès lors, il lui demande pourquoi le secteur bancaire n'est pas soumis aux obligations qui incombent aux prestataires prévues par le code de la consommation, et en particulier l'obligation générale d'information. De même, il s'interroge sur la possibilité qu'ont les banques de modifier unilatéralement les termes d'un contrat sans l'accord exprès de leurs clients. Dès lors, il lui demande si le Gouvernement prévoit d'instituer un dispositif législatif nouveau, permettant de contrôler et de protéger le consommateur contre la hausse anarchique des frais bancaires.
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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 05/05/2004
Réponse apportée en séance publique le 04/05/2004
M. André Vallet. J'ai souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur l'augmentation massive des tarifs des prestations bancaires.
Je rappelle que, selon l'Institut national de la consommation, le coût des services bancaires a augmenté de 114 % depuis 1986, alors que, dans le même temps, les prix à la consommation ne progressaient que de 32 %.
Après avoir perdu beaucoup d'argent dans des placements hasardeux - immobilier, nouvelles technologies -, les banques se sont aujourd'hui recentrées sur leur activité de banque de détail, volet le plus rentable pour elles, mais aussi le plus défavorable pour le consommateur.
Cette tendance générale à la hausse des tarifs bancaires a largement modifié le rapport entre les usagers et la banque. En effet, un certain nombre de services courants - remise de chèque, retrait d'espèces, consultation de compte, etc. - ne sont plus assurés au guichet : le client est renvoyé à son « kiosque » ou au distributeur automatique, et cela lui est souvent facturé.
Ainsi, par exemple, le Crédit agricole d'Ile-de-France facture la photocopie 12,85 euros, la Caisse d'épargne facture la mise à disposition d'un chéquier 0,84 euro et 6 euros son non-retrait dans les deux mois, la Banque populaire du Centre facture 23,47 euros les frais de gestion de retour à la poste.
De même, les prélèvements automatiques pour régler électricité, gaz, téléphone, etc., qui tendent à se généraliser, sont très fortement taxés : leur mise en place est payante, jusqu'à 18 euros dans certaines banques.
Quant aux retraits d'espèces aux distributeurs automatiques des banques concurrentes, ils sont également facturés, de 0,82 à 1,12 euro selon les banques.
Le coût du porte-monnaie électronique oscille entre 7 et 12 euros par an pour les usagers comme pour les commerçants, et cela n'est peut-être pas étranger à son échec
Enfin, les frais de tenue de compte et de clôture de compte se généralisent, variant entre 12 et 105 euros selon l'établissement.
La loi du 20 novembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dite loi MURCEF, était en partie destinée à améliorer les rapports entre la banque et les usagers. Or la suspension pour dix-huit mois de la disposition relative aux conventions de compte remet en cause l'équilibre général de cette loi, au profit des établissements bancaires.
Dès lors, je me permets de vous demander, monsieur le ministre, si les banques doivent continuer à bénéficier dans notre pays d'un statut particulier tel qu'elles ne sont pas soumises aux obligations communes des prestataires de services prévues par le code de la consommation, en particulier l'obligation générale d'information, et à pouvoir modifier unilatéralement les termes d'un contrat aussi souvent qu'elles le veulent.
Le Gouvernement prévoit-il de proposer un dispositif législatif nouveau qui permettrait de contrôler et de protéger le consommateur contre la hausse anarchique des frais bancaires ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, les Français ont tout à fait raison d'être sensibles à l'évolution de leurs tarifs bancaires et, d'une manière plus générale, à celle de leurs relations avec les banques. Le Gouvernement y est attentif, notamment en ce qui concerne l'accès gratuit minimal des catégories les plus fragiles de la population aux services bancaires.
Au vu de récentes études statistiques comparatives et sans contester le moins du monde les chiffres précis que vous avez donnés sur telle ou telle catégorie de frais, monsieur le sénateur, il semble que la France se situe dans une fourchette normale. Les frais bancaires moyens y sont évalués à environ 100 euros par an et apparaissent plutôt inférieurs à la moyenne des pays européens : ils atteignent, en tout cas, le même niveau qu'en Allemagne ou en Espagne, par exemple.
Le code de la consommation impose de nombreuses obligations aux établissements bancaires en encadrant notamment les offres préalables de crédit et les délais de rétractation qui doivent être offerts aux consommateurs.
Pour l'ensemble de leurs prestations en matière de crédit, les établissements bancaires sont tenus d'informer leurs clients des tarifs applicables et de tout changement tarifaire trois mois avant son entrée en vigueur.
En cas de modification substantielle de la convention de compte de dépôt, les clients peuvent clôturer ou transférer leur compte dans un autre établissement sans frais. Cette mesure doit permettre aux consommateurs de faire jouer la concurrence dans les meilleures conditions.
L'application directe des obligations de la loi MURCEF que vous évoquez en matière de conventions de compte s'est révélée impraticable. C'est pourquoi le gouvernement de Lionel Jospin s'était trouvé dans l'incapacité d'en publier les textes d'application.
Nous avons choisi d'emprunter une voie pragmatique. Une charte relative aux conventions de compte de dépôt a été élaborée et signée solennellement par l'ensemble des établissements bancaires, en présence du le ministre des finances, le 9 janvier 2003. Cette charte renforce les droits des consommateurs auxquels, comme le Gouvernement, vous êtes attaché.
Dans ce document, les établissements bancaires et La Poste se sont engagés à proposer gratuitement à leurs clients des conventions de compte de dépôt écrites qui précisent la nature et le tarif des prestations fournies. Pour les nouveaux comptes, une convention est systématiquement proposée aux clients depuis le 28 février 2003. Pour les comptes déjà ouverts, les clients peuvent obtenir une convention sur simple demande depuis le 30 avril 2003.
Un premier bilan de l'effet de cette charte a été dressé en septembre 2003 par le Conseil national du crédit, instance de concertation entre les consommateurs et les banques, sous l'égide des pouvoirs publics. Il en ressort que les nouveaux clients signent effectivement une convention de compte de dépôt conforme à la charte, ce qui était l'objectif du législateur. Il n'en reste pas moins que l'information des anciens clients mériterait d'être renforcée : les établissements bancaires doivent renouveler leurs efforts de communication pour encourager la signature de convention de la part de la clientèle ancienne.
Le ministre des finances sera particulièrement attentif aux prochains bilans d'application de la charte.
Il est prévu que le délai de suspension de la loi MURCEF expirera en février 2005. Si, à cette date, les efforts des établissements bancaires n'ont pas été convaincants, le ministre des finances proposera le rétablissement d'une disposition législative garantissant les meilleures conditions de transparence et d'information, tout en assurant qu'elles sont également applicables.
Nous aurons donc, après février 2005, l'occasion d'examiner très précisément l'efficacité des dispositions prises par les établissements bancaires et nous envisagerons alors, le cas échéant, les mesures législatives qu'il serait nécessaire de proposer au Parlement pour répondre aux préoccupations dont vous avez fait état, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. André Vallet.
M. André Vallet. Monsieur le ministre, je suis satisfait d'apprendre que, en février 2005, prendra effectivement fin ce moratoire de dix-huit mois et que la loi s'appliquera alors pleinement, même si, de mon point de vue, celle-ci devrait être modifiée dans le sens que j'ai indiqué.
La comparaison que vous établissez avec les autres pays européens, monsieur le ministre, est incomplète. Il est des pays dans lesquels les comptes sont rémunérés, ce qui n'est pas le cas en France. Par ailleurs, ces comparaisons sont généralement le fait de groupements bancaires ; je ne suis donc pas persuadé de leur objectivité.
Vous avez précisé que, à partir du moment où des crédits sont demandés et accordés, un contrat est établi et une information fournie au client. C'est exact, mais il n'en va pas de même s'agissant des divers services auxquels j'ai fait allusion et dont la facturation est décidée unilatéralement par les établissements bancaires.
Monsieur le ministre, j'aimerais que le Gouvernement étudie ce problème qui, de mon point de vue, devient particulièrement important dans notre pays.
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