Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 11/03/2004
M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur la crise laitière. L'accord de Luxembourg entraîne la remise en cause des accords sur la fixation du prix du lait, cet abandon des outils de régulation du marché risque de se traduire par des variations du prix des produits industriels, et donc du lait, qui auront un effet négatif direct sur le revenu des éleveurs et la pérennité des exploitations. Les jeunes agriculteurs demandent l'application d'une clause de paix qui s'appuierait sur un prix équitable pour les producteurs sans anticipation des effets de la réforme, l'engagement des transformateurs sur un nouvel accord interprofessionnel et la mise en place de mesures pour la filière laitière. Concernant le prix du lait, les jeunes agriculteurs sont prêts à accepter un compromis se basant sur l'accord interprofessionnel de 1997 avec un lissage à 100 %. Enfin, ils demandent qu'une réflexion s'engage sur la base du rapport de M. Trede pour offrir des perspectives à une filière qui représente un tiers des exploitations et plus de 400 000 emplois. Ce travail devrait s'engager sur : un accord interprofessionnel prenant en compte davantage les produits de grande consommation, la maîtrise de production et la mise en marché. En conséquence, il lui demande quelles sont ses intentions en la matière.
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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 29/07/2004
La filière laitière française traverse actuellement une période de très forte inquiétude. Cette filière joue en effet un rôle essentiel non seulement, au sein de notre économie agricole, mais également pour nos territoires. Elle emploie 400 000 personnes, dont 300 000 au stade de la production. La France est le deuxième producteur européen, avec 23,5 millions de tonnes de lait de vache. Notre pays est un très grand exportateur de produits laitiers puisqu'il dégage un excédent de 2 milliards d'euros, soit le quart du solde de la balance commerciale agro-alimentaire. Ces performances sont notamment le résultat d'une démarcation des produits français, que ce soit grâce à de grandes marques internationales ou des appellations d'origine contrôlée de réputation mondiale. Depuis l'instauration des quotas laitiers, la filière a su conjuguer cette réussite économique et le souci d'aménagement harmonieux du territoire. La gestion des quotas laitiers mise en place en France constitue le résultat probant d'une concertation entre les autorités nationales et tous les acteurs de la filière dont est issu un corps de règles qui utilise les possibilités offertes par l'organisation commune des marchés (OCM) " lait et produits laitiers " pour s'adapter à ses spécificités. L'entrée en vigueur en 2004 des décisions prises à Berlin en 1999 et complétées le 26 juin dernier à Luxembourg va profondément modifier cette organisation commune de marché. L'accord obtenu à Luxembourg en juin dernier préserve - et la France y a veillé tout au long de la négociation - les principes essentiels de la PAC, et, en particulier, les outils de régulation économique des marchés (préservation des quotas laitiers jusqu'en 2015 notamment). Cet accord est donc plus favorable sur plusieurs points importants que l'accord de Berlin. La France a ainsi obtenu que la baisse des prix d'intervention, demandée par la Commission, soit réduite et ne concerne que le beurre, qui ne représente en France que 11 % de la transformation du lait. Elle a, en outre, obtenu que cette baisse soit compensée à 82 %, soit un taux supérieur aux compensations obtenues à Berlin. La baisse des prix d'intervention sur la poudre et le beurre, qui débutera au 1er juillet 2004, fera l'objet d'une compensation par une aide directe calculée sur la base du quota laitier détenu par chaque producteur. Cette aide directe sera totalement découplée de la production laitière à partir de l'année 2006. Les évolutions de la politique agricole commune constituent donc un bouleversement important pour une filière qui avait bénéficié jusqu'à présent d'un contexte économique relativement sécurisé. Alors même que les décisions prises pour réformer la PAC ne sont pas encore effectives, certaines d'entre elles ont déjà été anticipées par les marchés (baisse des prix notamment), générant ainsi de vives réactions des producteurs et de certains opérateurs. La filière laitière a donc des défis importants à relever, dont le plus immédiat est la renégociation de l'accord cadre interprofessionnel sur les modalités d'évolution du prix du lait. La dénonciation par les transformateurs de l'accord de 1997, qui avait assuré une stabilité largement appréciée, a ouvert une période incertaine. Il importe que l'interprofession laitière y trouve des solutions, notamment pour ce qui concerne la disparité de rémunération entre produits industriels et produits de grande consommation (PGC). Les négociations interprofessionnelles qui se sont tenues depuis la fin janvier ont permis d'aboutir, le 2 mars, à un accord provisoire (" clause de paix ") jusqu'à la fin juin 2004. Cette période transitoire devra être mise à profit par l'interprofession laitière pour élaborer un nouvel accord mieux adapté aux enjeux de la filière. Parallèlement à ces négociations interprofessionnelles, il est apparu indispensable de donner à la filière laitière française une meilleure visibilité sur son avenir. A cette fin, en novembre 2003, les corps d'inspection du ministère chargé de l'agriculture ont été chargés d'une étude prospective sur l'évolution en France de l'élevage laitier ainsi que des industries de transformation et de valorisation du lait. Ce rapport a été remis le 6 février et présenté le 10 février lors d'une table ronde qui réunissait l'ensemble des acteurs de la filière. Il a été bien accueilli par les participants et constitue une base de travail partagée pour l'élaboration d'un programme stratégique destiné à adapter la filière aux enjeux de la réforme de la PAC. Ce programme devra notamment analyser les conditions d'une meilleure maîtrise de l'offre, étudier une restructuration des industries et formuler des propositions en faveur des exploitations, notamment en matière de mise aux normes et de modernisation des bâtiments. Un ingénieur général du génie rural des eaux et forêts a été chargé d'animer les sept groupes de travail chargés d'élaborer ce programme. Ils concernent l'emploi, la maîtrise de l'offre au niveau français et communautaire, les mesures en faveur des exploitations, la restructuration industrielle, les relations avec la distribution, la promotion des produits laitiers, et la recherche-innovation. Ces groupes de travail seront conduits à l'échelon national, mais également régional, afin d'intégrer, le plus possible, à la réflexion et à l'analyse, les spécificités territoriales de la production laitière française. Ce programme stratégique doit être remis au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales avant la fin juin 2004. Dans l'immédiat un crédit de 20 millions d'euros a été engagé pour réaliser les premières réformes structurelles urgentes, tant pour les exploitations que pour les transformateurs.
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