Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 06/04/2004
Mme Marie-Claude Beaudeau attire à nouveau l'attention de Mme la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées sur l'insuffisance des équipements pour les personnes handicapées (adultes et enfants) en Ile-de-France. Elle lui rappelle les conclusions du groupe d'étude constitué de la DRASS (direction régionale des affaires sanitaires et sociales), des DDASS (directions départementales des affaires sanitaires et sociales), des CDES (commissions départementales d'éducation spéciale) et de la CNAM (caisse nationale d'assurance maladie) mettant en évidence la situation dramatique du problème de l'accueil dans des structures en cas d'orientation ou quand les handicapés ou leurs représentants font le choix d'un placement en institution dans les départements franciliens. Les personnes concernées souffrent de façon majoritaire de polyhandicaps, de déficiences intellectuelles, de troubles psychiatriques, voire de multi-handicaps nécessitant des prises en charge particulièrement adaptées. Elle lui demande, devant une telle situation, de lui faire connaître les mesures d'urgence qu'elle envisage et leur financement pour la création et l'ouverture des équipements nécessaires à l'accueil des personnes handicapées.
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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 14/04/2004
Réponse apportée en séance publique le 13/04/2004
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors du colloque organisé, en mai 2003, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur le thème «Le handicap, un des trois chantiers du Président de la République », l' un des participants, et non des moindres, M. Debré, président de l'Assemblée nationale, déclarait : «Les places offertes dans les établissements ne sont pas assez nombreuses. Beaucoup d'enfants n'ont pas accès aux établissements spécialisés qui leur seraient nécessaires et restent sur des listes d'attentes. Les places en CAT ou ateliers protégés manquent. Des moyens financiers supplémentaires devront être dégagés ».
Vous le voyez, ce réquisitoire est sévère. Mais pour être complet, il convient d'ajouter trois éléments : premièrement, sur le plan national, la situation s'est dégradée d'année en année au cours de la dernière décennie ; deuxièmement, sur le plan francilien, cette situation fait apparaître un déficit en places encore plus marqué ; troisièmement, rien n'a été fait par les gouvernements ces dernières années pour corriger une telle situation, si ce ne sont des plans utopiques restés dans le domaine du virtuel.
Premier élément : la situation sur le plan national se dégrade. En se référant à la dernière statistique publiée par la DRASS, la direction régionale de l'action sanitaire et sociale, le nombre de places offertes en France métropolitaine pour l'enfance et la jeunesse handicapée est passé, pour les déficients mentaux, de 74 924 en 1995 à 68 774 en 2001 - qui est la dernière année où la statistique a été publiée. De 7 609 places en 1995, le nombre est passé à 7 102 pour les handicapés moteurs. Il est passé de 11 742 à 9 562 pour les déficients sensoriels. Ces chiffres, éloquents, vous le voyez bien, expliquent combien il est devenu difficile de se procurer des statistiques mises à jour en 2003. Elles n'existent pas. Le dernier document établi par l'observatoire régional de la santé en Ile-de-France date de 1998. Il n'a pas été actualisé concernant la jeunesse handicapée.
Deuxième élément : ceci expliquant cela, la situation francilienne sur laquelle je vous interpelle est encore plus grave. Mis à part le nombre de places pour polyhandicapés, qui s'est accru au cours de ces deux dernières années, dans tous les autres secteurs - troubles du comportement, handicapés moteurs, déficients sensoriels, déficients mentaux - ce nombre a diminué de 1995 à 2003, passant de 14 273 à 13 665.
Contrairement à ce qu'ont déclaré vos prédécesseurs, la situation se dégrade d'année en année depuis 1995. Est-ce pour cela que le secrétariat d'Etat aux handicapés cache les chiffres et ne publie aucune statistique réelle et transparente ?
Enfin, troisième élément que je soumets à votre réflexion - et que connaissent parfaitement les services de votre ministère - une telle situation conduit au désastre de l'émergence en Ile-de-France de centaines de situations dites « sans solution ».
Quel terrible mot, tant il évoque une expression honteuse pour un pays moderne et riche ! Je me fonde sur une note de la DRASS qui date de mars 2004, fondée sur le résultat des travaux de groupes de travail constitués à la demande des chefs de projet de la planification médico-francilienne du secteur des personnes handicapées.
Personne n'a encore évoqué ou publié ces chiffres. Ils sont accablants. Pour l'Ile-de-France, 790 enfants ayant une orientation non satisfaite, sont actuellement « sans solution », privés d'éducation, et restent à la maison. Tous les départements sont touchés, le record étant atteint par les Hauts-de-Seine avec 179 enfants. Tous les handicaps sont concernés, le pourcentage le plus élevé étant celui des polyhandicapés.
A ces 710 enfants « sans solution », il faut ajouter 548 jeunes Franciliens relevant de l'amendement Creton. Seulement 52 %, soit 286, sont accueillis en Ile-de-France. Ils souffrent de handicaps relevant de l'annexe 24 ; autrement dit, ce sont soit des autistes, soit des handicapés lourds pour 62 % d'entre eux.
Permettez-moi de vous faire remarquer que, sur ces 548 enfants, 192, donc 35 %, sont accueillis dans une autre région. L'Ile-de-France est donc bien une région défavorisée. En outre, 13 % d'entre eux, soit 70 enfants, sont accueillis en Belgique. Je vous rappelle à cet égard que le budget de ce pays est équivalent à celui de l'Ile-de-France alors que sa population est inférieure.
Je me permets également d'ajouter que le nombre d'adultes handicapés franciliens accueillis en Belgique s'élèverait à 664 - ce chiffre est certainement en dessous de la réalité -, dont 612 sont pris en charge en foyers par les conseils généraux franciliens, l'aide sociale finançant les prises en charge en centres d'aide par le travail, les CAT.
Je termine en vous citant un dernier chiffre encore plus accablant. Dans quatre départements franciliens, 885 personnes adultes ont été recensées comme étant « sans solution », quatre autres départements, - Paris, les Hauts-de-Seine, le Val-de-Marne, et le Val-d'Oise - prétendant ne pas pouvoir accéder aux informations.
Sur ces 885 personnes, 39 % devraient être accueillies dans une maison d'accueil spécialisée, une MAS, 14 % dans un foyer d'accueil médicalisé, un FAM, 9 % dans une MAS ou un FAM, et 38 % ont une orientation vers un foyer occupationnel. Autrement dit, en ce qui concerne les adultes, malgré les places créées dans le cadre des plans quinquennaux, la région est encore déficitaire de 525 places de MAS, de 161 places de FAM et de 833 places de foyers ouverts.
Si les jeunes relevant de l'amendement Creton étaient pris en charge par des structures du secteur adulte, la région serait malgré tout déficitaire de plusieurs centaines de places et ne pourrait pas répondre aux besoins des enfants accueillis en Belgique ou « sans solution ».
Que comptez-vous faire pour réduire dès 2004 ce déficit et le faire disparaître dans les deux années à venir ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État aux personnes handicapées. Madame Beaudeau, vous appelez mon attention sur l'insuffisance des équipements pour adultes et pour enfants en Ile-de-France.
Le Gouvernement est conscient des manques en matière d'équipement pour enfants et adultes handicapés, notamment dans cette région. C'est pourquoi l'effort de rattrapage a été poursuivi grâce au doublement des crédits alloués en 2003, dernière année du plan triennal 2001-2003 et du plan quinquennal 1999-2003.
Au titre du plan triennal en faveur des enfants, des adolescents et des adultes handicapés, c'est une enveloppe de 107,61 millions d'euros qui a été dégagée, permettant la création de 5 439 places nouvelles en services d'éducation spéciale et de soins à domicile - les SESSAD. A ce titre, 23,5 millions d'euros permettant la création de 1 178 places nouvelles en SESSAD ont été alloués à la région d'Ile-de-France.
Au titre du plan pluriannuel de création de places en MAS et en FAM pour adultes lourdement handicapés, 210,63 millions d'euros ont été alloués sur des crédits d'assurance maladie et ont permis la création de 5 960 places nouvelles en MAS et en FAM. La région d'Ile-de-France s'est vue attribuer 63,65 millions d'euros pour la création de 1 975 places. Une enveloppe de 99,59 millions d'euros a également été dégagée au plan national sur des crédits d'Etat pour créer 10 000 places de centres d'aide par le travail. Pour ce qui concerne l'Ile-de-France, ce sont 23,7 millions d'euros qui ont été attribués à la région permettant la création de 2 358 places.
L'enveloppe régionale pour l'Ile-de-France atteint en 2004 environ 990 millions d'euros contre 933 millions d'euros pour l'année 2003. Cette nouvelle enveloppe prévoit le financement de créations de places pour 23,5 millions d'euros, dont la moitié pour les enfants et les adolescents. En ce qui concerne les crédits d'État pour l'année 2004, 603 places nouvelles de centres d'aide par le travail ont été attribuées à la région d'Ile-de-France.
Il convient de souligner que ces crédits font l'objet d'une véritable déconcentration de gestion. Les services de l'Etat se voient affecter un objectif général décliné en priorités ciblées sur des publics comme les autistes ou les polyhandicapés, des structures telles que les instituts de rééducation, les SESSAD, ou la promotion de solutions innovantes comme l'accueil temporaire dont les familles ont tant besoin. Les services peuvent ainsi affecter les crédits au plus près des besoins et des réalités du terrain tout en s'inscrivant dans le respect des orientations nationales.
Enfin, je vous rappelle qu'un nouveau programme pluriannuel prévoyant entre 2005 et 2007 la création de 1 800 places par an en établissements et services pour enfants et adolescents handicapés, 7 500 places de MAS et de FAM, 4 500 places en services d'accompagnement et 8 000 places de CAT, a été annoncé à l'occasion de la présentation du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
La répartition régionale de ces crédits doit être déterminée au regard de l'évaluation des besoins, des projets à l'étude et des moyens affectés.
Dans le cadre de la répartition de ces moyens nouveaux, je veillerai à la pertinence de ces modalités de répartition régionale et j'accorderai une attention toute particulière à la situation de la région d'Ile-de-France qui continue, malgré les efforts importants déjà engagés, à afficher un réel retard d'équipement qui doit être comblé progressivement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Madame la secrétaire d'Etat je vous remercie de votre réponse. Je tiens à vous dire ce que vous savez déjà, c'est-à-dire que la loi sur l'égalité des chances concernant les personnes handicapées n'est pas encore adoptée, puisque la navette parlementaire n'est pas encore terminée. Il faut espérer que nous n'attendrons pas le vote de cette loi pour que les financements qui ont été dégagés puissent être utilisés.
Je peux vous confirmer que les projets déposés par les associations pour la création d'établissements en Ile-de-France existent. Ils sont déjà depuis plusieurs années dans les cartons, comme on dit familièrement, et il sera très facile de les sortir si on a la volonté politique de créer ces places d'accueil.
Dans votre réponse, vous reconnaissez le retard en équipement pour les personnes handicapées, qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes. Ce retard est bien réel, et il me semble que cette absence de places d'accueil en établissements est inhumaine ; c'est une question politique. Les familles et leurs associations veulent des réponses concrètes, durables et de qualité sur la création de ces places d'accueil pour leurs enfants ou pour les adultes dont l'orientation a été décidée.
Il n'est pas normal qu'autant d'enfants et d'adultes soient obligés de quitter la France pour être hébergés en Belgique. C'est un véritable scandale et nous pensons que la priorité doit être donnée aux familles qui souhaitent que leurs parents handicapés restent en France.
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