Question de M. RAOUL Daniel (Maine-et-Loire - SOC) publiée le 05/03/2004

M. Daniel Raoul rappelle à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche que la création des IUP (instituts universitaires professionnalisés) il y a treize ans a marqué l'évolution de l'université vers la professionnalisation des études. On connaît le succès rencontré par ces instituts (plus de 50 000 étudiants) et l'appréciation des entreprises pour recruter les différents profils de ces filières. Les programmes de formation ont été élaborés en partenariat avec les entreprises ou leurs branches professionnelles qui siègent dans les différents conseils de ces instituts. Or, dans le cadre de la réforme LMD (licence, master, doctorat), la circulaire de décembre 2003 impose de réduire le cursus de formation de trois ans à deux ans. En effet, le recrutement qui se faisait à bac + 1 serait reporté après la licence (bac + 3) et par conséquent transformerait le cursus en master. A l'heure où l'on constate une désaffection des étudiants pour les filières scientifiques et technologiques, est-il souhaitable d'imposer un parcours généraliste jusqu'à la licence incluse alors qu'ils souhaitent avoir une formation plus finalisée et surtout découvrir les différents métiers via les stages, ce que ne permettra plus la réduction à deux ans du cursus ? Il lui demande quelle est la motivation de cette circulaire qui perturbe les universitaires mais aussi les branches professionnelles en raison du déséquilibre entre les enseignements professionnalisés et les enseignements universitaires fondamentaux.

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 14/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2004

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je suis heureux que vous puissiez me répondre en personne, car je sais que vous connaissez bien le problème des IUP, les instituts universitaires professionnalisés. En tout cas, j'ai le souvenir que vous en avez inauguré un dans notre région qui nous est familier à tous deux.

Il y a treize ans, la création des IUP a marqué une avancée décisive de l'université dans la voie de la professionnalisation de ses formations. Ces instituts accueillent aujourd'hui -rançon de leur succès - près de 50 000 étudiants. Ceux-ci, recrutés après un an d'enseignement supérieur, obtiennent après trois ans, à bac + 4, une maîtrise d'IUP et le titre d'ingénieur-maître que la majorité complète rapidement d'ailleurs, à bac + 5, par un DESS, diplôme d'études supérieures spécialisées. Forts de quatre ans d'une formation professionnelle de haut niveau, les diplômés des IUP participent à la vitalité des entreprises et peuvent prétendre, comme leurs collègues issus des grandes écoles, aux carrières les plus valorisantes.

La meilleure reconnaissance est celle des DRH , les directeurs des ressources humaines, qui se traduit dans les annonces de recrutement publiées par les revues professionnelles par des termes tels que « profils IUP souhaités. Ex. Compiègne ou ISTIA ».

Conçus avec les représentants du monde économique et social, gérés par des conseils où siègent à parité professionnels et universitaires, les IUP ont su s'adapter aux besoins d'un monde en perpétuelle évolution tout en veillant à conserver cette pensée libre, cette indépendance et ce recul sans lesquels une formation ne serait pas universitaire. Leur force, c'est de proposer des formations adaptées aux métiers visés, actuels ou en émergence. Leur force, c'est aussi une politique de recrutement sélective, des stages longs, des projets menés en lien avec l'entreprise et des méthodes propres à favoriser le développement de la capacité à analyser la complexité et à mobiliser les facultés d'adaptation.

Facteur de démocratisation, les IUP sont la preuve de la capacité de l'université à concurrencer, sur le terrain qui est le leur, écoles et instituts professionnels, publics ou privés.

Alors pourquoi, sous couvert d'harmonisation européenne, cette volonté des représentants du ministère de rayer de l'offre de formation les cursus professionnalisants longs. En effet, dans sa circulaire du 3 septembre 2003, M. Jean-Marc Monteil, directeur de l'enseignement supérieur, a clairement indiqué que les IUP devront se contenter d'assurer les deux dernières années du cursus, c'est-à-dire le mastère.

Pour les autres années, les étudiants devront suivre une licence généraliste pendant trois ans. Prétendre faire en un an et demi - car, par essence, la première année du mastère sera semi généraliste - ce que l'on faisait en quatre années, est une aberration. Pire, à l'endroit des étudiants, c'est une escroquerie. Pour le plus grand nombre d'entre eux, cette licence - accumulation de savoirs disparates et académiques glanés au gré de réorientations et de panachages sans objectifs - risque de n'être qu'un passeport pour le chômage.

Alors que le souhait des étudiants est d'entrer le plus rapidement possible en contact avec la vie de l'entreprise et ses métiers et qu'il existe à l'heure actuelle une désaffection à l'égard des filières technologiques et scientifiques, pourquoi diminuer cette offre de formation ? Pourquoi une telle volonté de démantèlement de l'existant ? Je n'ose penser qu'il s'agit de faire des économies. On sait bien, en effet, qu'une formation professionnalisante longue est plus chère qu'une formation généraliste.

Ce coup porté aux IUP ne serait-il pas, monsieur le ministre, le premier pas vers la disparition de toutes les formations professionnelles universitaires ?

En agissant de la sorte, l'Etat laisse le champ libre à des structures mercantiles qui ne manqueront pas de proposer des formations uniquement axées sur la rentabilité immédiate et l'exploitation de personnels formatés pour des missions temporaires. Ne serait-ce pas là le but inavoué du désengagement ? Ce serait bien dans l'air du temps, mais très grave pour notre pays.

L'université ne doit pas tourner le dos à la professionnalisation, qui a constitué une véritable évolution et a exigé beaucoup d'investissement de la part des universitaires et des industriels. Ceux-ci doivent pouvoir, dans le cadre européen dont ils ont largement su anticiper l'esprit, continuer à jouer tout leur rôle, avec les moyens nécessaires. Ils doivent être habilités à assurer pendant quatre ans la professionnalisation des cadres dont notre société a besoin.

Monsieur le ministre, quelle est la véritable motivation de cette circulaire, puisque les IUP avaient d'ores et déjà anticipé l'adaptation de notre système universitaire à la réforme LMD, licence - mastère - doctorat ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Fillon, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir bien voulu rappeler mon attachement aux IUP et aux filières universitaires professionnalisantes.

Vous avez vous-même rappelé que l'université est ouverte sur le monde. Plus que jamais, les échanges scientifiques et humains placent nos universités en concurrence, particulièrement sur le territoire de l'Union européenne.

C'est pour répondre à cette exigence d'ouverture et de concurrence qu'a été mise en oeuvre la réforme licence - mastère - doctorat, dont le processus s'inscrit dans la durée puisqu'il se déroule sous plusieurs gouvernements.

Cette réforme prend appui sur le processus de professionnalisation lancé depuis plusieurs années au sein des universités et sur la reconnaissance des équipes pédagogiques impliquées dans cette démarche. Les instituts universitaires professionnalisés ont pris toute leur place dans ce mouvement et s'intègrent de façon pleine et entière dans l'offre de formation LMD.

Les universités offriront désormais aux étudiants engagés dans les formations IUP des parcours de formation professionnalisés jusqu'au mastère, c'est-à-dire bac + 5. Il s'agissait d'une demande formulée autant par les étudiants que par les équipes pédagogiques, et à laquelle nous avons répondu.

Ces parcours seront organisés en 120 crédits après le grade de licence, en liaison étroite avec le monde professionnel. Les diplômes de mastère remis à l'étudiant à l'issue de sa formation porteront la marque de leur préparation au sein des IUP.

Par ailleurs, les équipes des IUP pourront concevoir, au sein de l'offre universitaire de licence, des parcours préparant les mastères professionnels en question. Ces formations seront accessibles à des étudiants de toutes origines et de tous établissements par l'aménagement de passerelles entre les niveaux.

Monsieur le sénateur, je veux vous rassurer : la mise en oeuvre de cette réforme n'affaiblira en rien la professionnalisation des universités. Au contraire, elle renforcera sa qualité, selon des modalités qui ont été définies dans le cadre d'une très large concertation avec les IUP, à la suite de la publication de la circulaire du 3 septembre 2003.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Monsieur le ministre, je voulais souligner que l'entrée en IUP se ferait, à la suite de la mise en application de cette circulaire, après la licence, ce qui fait perdre deux ans de formation professionnelle, même si les 120 unités de crédit permettent de conduire au niveau mastère. Pourquoi limiter l'admission en IUP au niveau bac + 3, alors que le recrutement aux niveaux bac + 1 ou bac + 2 était très satisfaisant ? Des mois de stage et de professionnalisation sont ainsi perdus.

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