Question de M. BRANGER Jean-Guy (Charente-Maritime - UMP) publiée le 05/03/2004
M. Jean-Guy Branger attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'urgence qu'il y a maintenant pour notre pays de prendre les mesures d'application du règlement CE n° 2157/2001 et de transposition de la directive n° 2001/86/CE relatifs au statut de la société européenne ainsi qu'à l'implication des travailleurs. Ayant fait l'objet d'un accord entre les Etats membres de l'Union lors du sommet de Nice les 7 et 8 octobre 2000, ces dispositions tendent à créer, au plan européen, une personne morale unique dont le régime harmonisé permettra des fusions intracommunautaires, la création de holdings, de filiales communes, ainsi que le transfert d'un siège social d'un Etat membre à un autre. Cette société constituera un nouvel outil de droit commercial et un symbole politique fort, à l'heure de l'élargissement de l'Union. La participation des salariés, imposée par la directive, sera un préalable obligatoire à toute immatriculation de société européenne. Cette condition est nouvelle en droit des sociétés, elle se traduit par le principe de protection des droits des salariés à l'information et à la consultation à un niveau transnational, et par la création de nouveaux organes de négociation et de représentation des salariés. Convaincu de l'intérêt de ce nouveau statut, il a déposé au mois de janvier dernier avec un collègue sénateur, une proposition de loi sur la société européenne visant à la mise en oeuvre concomitante dans notre ordre juridique national du règlement et de la directive avant la date limite du 8 octobre 2004. Il lui rappelle que certains Etats, comme l'Allemagne ou le Danemark, ont déjà beaucoup progressé dans cette voie en adaptant dès à présent leur droit commercial pour lui permettre d'accueillir plus souplement la future société européenne. La France, qui dispose quant à elle d'un large éventail de formes sociales, n'aura pas à opérer de réforme totale de son droit des sociétés, tout au plus quelques adaptations. Encore faut-il le faire. De plus, en droit social, l'ensemble du travail reste à effectuer. Devant ce calendrier resserré, comment le Gouvernement entend-il opérer pour atteindre cet objectif dans les meilleurs délais.
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Réponse du Secrétariat d'Etat aux Affaires étrangères publiée le 14/04/2004
Réponse apportée en séance publique le 13/04/2004
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux sur l'urgence pour notre pays de prendre dès maintenant les mesures d'application du règlement n°2157/2001/CE et de transposition de la directive n°2001/86/CE relatifs au statut de la société européenne ainsi qu'à l'implication des travailleurs.
Je me permets de rappeler que la société européenne a fait l'objet d'un accord entre les Etats membres de l'Union lors du sommet de Nice les 7 et 8 octobre 2000. Un règlement et une directive communautaires en ont résulté.
L'objectif de ces textes est de créer, sur le plan européen, une personne morale unique, dont le régime harmonisé permettra des fusions intracommunautaires, la création de holdings, de filiales communes, ainsi que le transfert d'un siège social d'un Etat membre à un autre. Cette société constituera un nouvel outil de droit commercial et un symbole politique fort, à l'heure de l'élargissement de l'Union.
La participation des salariés, imposée par la directive, sera un préalable obligatoire à toute immatriculation de société européenne. Cette condition est nouvelle en droit des sociétés, elle se traduit par le principe de protection des droits des salariés à l'information et à la consultation à un échelon transnational, et par la création de nouveaux organes de négociation et de représentation des salariés. C'est pourquoi votre ministère est concerné au premier chef par la nécessaire transposition de la directive.
Convaincu de l'intérêt de ce nouveau statut, j'ai réuni un groupe de réflexion constitué autour d'entrepreneurs, d'universitaires et d'avocats, dont la consultation m'a permis de déposer au mois de janvier dernier, avec mon collègue JeanJacques Hyest, sénateur de la Seine-et-Marne, une proposition de loi sur la société européenne visant à la mise en oeuvre concomitante dans notre ordre juridique national du règlement et de la directive.
L'Union impose la date limite du 8 octobre 2004 pour que soient introduites dans les droits nationaux les dispositions relatives à la société européenne. Certains Etats, comme l'Allemagne, le Danemark ou le Royaume-Uni, ont déjà beaucoup progressé dans cette voie en adaptant dès à présent leur droit commercial pour lui permettre d'accueillir plus souplement la future société européenne. La France, qui dispose quant à elle d'un large éventail de formes sociales, n'aura pas à opérer de réforme totale de son droit des sociétés, tout au plus quelques adaptations, ce qui devrait grandement simplifier le travail du législateur. Encore faut-il le faire. De plus, en droit social, l'ensemble du travail reste à effectuer et il est très important.
Devant le calendrier resserré qui est le nôtre, comment le Gouvernement entend-il opérer pour que nous puissions, nous aussi, adopter à temps les mesures nécessaires à l'entrée en vigueur de la société européenne, et ainsi offrir à l'économie française un outil de développement performant dans un contexte fortement concurrentiel ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur l'entrée en vigueur, le 8 octobre 2004, du règlement n°2157/2001/CE relatif au statut de la société européenne et de la directive n°2001/86/CE le complétant en ce qui concerne l'implication des travailleurs dans la société européenne.
Les mesures d'adaptation du droit des sociétés nécessitées par l'entrée en vigueur du règlement font l'objet d'une étude approfondie par les services de la Chancellerie.
Simultanément, deux propositions de loi émanant, d'une part, de M. Mariani et, d'autre part, de vous-même, en collaboration avec M. Hyest, ont été déposées au Sénat.
Le texte vise à créer un régime nouveau dans lequel les fusions intracommunautaires, la création de holdings et de filiales communes pourront être réalisées sans se heurter à la barrière que constituent aujourd'hui les différences de contraintes juridiques. Pour ce faire, les sociétés prendront la forme de la « société européenne », dont les caractéristiques seront harmonisées à l'échelon communautaire.
Le mode de transposition de la directive relative à la participation des travailleurs sera prochainement déterminé. Vous avez raison de noter qu'il s'agit d'un préalable à toute immatriculation de société européenne au registre du commerce et des sociétés. Il conviendra, en particulier, de prévoir explicitement le mode de représentation des salariés actionnaires dans les sociétés concernées.
En ce qui concerne le droit des sociétés, l'entrée en vigueur du texte implique des modifications du droit français applicable aux sociétés anonymes. Elle suppose la création d'un régime spécifique de la société européenne, puisque le règlement laisse des options aux Etats membres quand il ne renvoie pas au régime de la société anonyme.
Les propositions de loi qui ont été déposées contribuent utilement à la procédure de transposition. En particulier, elles font des suggestions pratiques prévoyant un régime spécifique et certaines adaptations du droit national au règlement.
Il convient donc de poursuivre les travaux engagés en ce sens. Toutefois, certains points n'ont pas encore été traités dans ce cadre, qu'il conviendra en conséquence de compléter.
Cela est nécessaire pour assurer l'effectivité du règlement qui renvoie à une législation nationale spécifique à la société européenne - délais, procédures, autorités compétentes - pour différentes dispositions telles que la convocation de l'assemblée générale ou le signalement du siège social fictif, et Dieu sait si c'est important pour l'installation !
Par exemple, en cas de maintien du siège statutaire et de l'administration centrale d'une société européenne dans deux Etats membres différents, malgré une demande de régularisation, nous devons organiser un mécanisme de liquidation de la société et prévoir un recours juridictionnel contre la constatation de cette infraction au règlement.
De même, il nous faudra prévoir des dispositions d'ordre législatif pour assurer l'efficience des textes, par exemple, en cas de non-respect de la procédure de fusion.
Enfin, nous devrons nous déterminer sur l'option relative à l'opposition au transfert de siège pour des raisons d'intérêt public. Il s'agit notamment de prévenir des transferts de siège en période suspecte, c'est-à-dire juste avant le dépôt de bilan, qui pourraient entraîner un changement de droit applicable préjudiciable aux salariés et aux créanciers. Les risques de délocalisation frauduleuse liés notamment à l'application combinée du règlement sur la société européenne et du règlement sur les procédures d'insolvabilité ne sont pas négligeables.
Tous ces travaux sont donc en cours et, après cette phase de conception, une concertation avec les parties concernées devra être menée avant de procéder aux évolutions législatives nécessaires pour doter la France de ce nouvel instrument juridique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger.
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis heureux de vous retrouver à ce poste ; je vous remercie de votre réponse et je compte sur vous pour être notre interprète auprès du Gouvernement.
Une partie de votre réponse est constituée d'une partie de ma question, cela meuble, mais ce n'est pas percutant. (M. Gérard Delfau sourit.)
M. Charles Gautier. Peut mieux faire !
M. Jean-Guy Branger. En revanche, la question posée, elle, est percutante. Pourquoi ? Parce que nous prenons du retard. Le Sénat ne voudrait pas qu'une directive et un règlement de cette importance soient traités, comme cela a déjà été le cas, par la voie d'ordonnances, empêchant ainsi toute discussion.
Or ce sujet est important, il s'agit d'une véritable révolution ne serait-ce qu'en raison de l'intéressement des travailleurs. D'autres Etats progressent beaucoup plus vite que nous et lorsque les sièges sociaux seront installés en Grande-Bretagne - où ils sont très en avance en la matière - au Danemark ou en Allemagne, croyez-vous qu'ils reviendront en France ?
Ce serait dommage, car notre droit fiscal est intéressant. Par conséquent, utilisons-le et adaptons la société anonyme !
J'ai réuni un groupe de travail avec des grands cabinets parisiens, parce qu'il faut y travailler, mais je souhaite que le Gouvernement montre sa volonté d'aboutir. Cela ne se fera pas par l'opération du Saint Esprit.
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