Question de M. VINÇON Serge (Cher - UMP) publiée le 05/03/2004
Question posée en séance publique le 04/03/2004
M. Serge Vinçon. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Marcel Debarge. Ils sont complices !
M. Serge Vinçon. Monsieur le ministre, le phénomène dit des « marges arrière », qui consiste à faire payer aux producteurs la mise en rayon de leurs produits, a pris une ampleur inquiétante dans la grande distribution.
M. Gérard Larcher. Exact !
M. Serge Vinçon. Ces rémunérations que récupèrent les distributeurs sur leurs fournisseurs à travers des contrats de coopération représentent, dans bien des cas, des pratiques abusives.
Les fournisseurs sont contraints d'en passer par là sous peine de voir leurs produits déréférencés.
Le paiement à 90 ou même à 120 jours, avec les conséquences que l'on sait sur la trésorerie des entreprises et des exploitations, est également une pratique abusive.
Ces délits ont fait l'objet de 400 contraventions relevées par les agents de la direction des fraudes depuis la mi-mai 2002.
L'engagement pris, il y a plus d'un an, par les distributeurs de stopper l'évolution des marges arrière n'a donc pas été respecté.
M. Gérard Larcher. Exact !
M. Serge Vinçon. Un grand distributeur a ainsi augmenté de 25 % ses marges arrière entre 2001 et 2003.
L'an dernier, les agriculteurs, souhaitant établir la vérité sur les prix des produits frais, avaient lancé une vaste opération de contrôle, appelée opération « PAC 40 », dans toute la France. Il s'agissait de faire un panel de relevés de prix de quarante produits frais.
Il en résulte que, entre les prix payés à la production et ceux qui sont réglés par le consommateur, les montants ont été parfois multipliés par huit, voire par plus de onze.
M. Gérard Larcher. Exact !
M. Serge Vinçon. Tels sont les résultats des 1 001 relevés effectués dans soixante-douze départements en une année.
Pour les producteurs, les gains de productivité et les efforts de qualité ont ainsi été confisqués.
Les consommateurs sont également pénalisés puisque ce système fait les affaires de la seule grande distribution. D'ailleurs, les Français se sont bien rendu compte que les prix de beaucoup de produits ont augmenté.
Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de renforcer les contrôles dans la grande distribution, de sanctionner plus sévèrement ces pratiques illégales, d'exiger la publication des condamnations, afin que le consommateur en soit informé...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Serge Vinçon ... et afin que la marge consentie aux producteurs ne soit pas altérée ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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Réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 05/03/2004
Réponse apportée en séance publique le 04/03/2004
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, la réponse est oui. A question claire, réponse claire !
Vous avez rappelé tout ce que nous faisons dans ce domaine. Nous continuerons à agir sur le plan professionnel quand c'est nécessaire et, lorsque des condamnations seront prononcées, les décisions seront publiées, comme cela a déjà été le cas dans un certain nombre de procès précédents.
Cela étant dit, le sujet est complexe et je crois que votre question mérite que j'élargisse la réponse.
Il n'y a pas de producteurs sans distributeurs. Il n'y a pas de distributeurs sans une production. Certes, les distributeurs peuvent s'adresser à plusieurs producteurs, les producteurs ayant peu de distributeurs lorsqu'il s'agit de produits communs,...
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut aussi des clients !
M. Francis Mer, ministre. Les clients sont des clients des distributeurs !
M. Jacques Mahéas. Il faut augmenter leur pouvoir d'achat !
M. Francis Mer, ministre. Le problème consiste dès lors à établir une relation stable et équitable entre le producteur, le distributeur et, bien sûr, le consommateur.
Cela implique de déterminer où se « logent » les marges qui générent la somme des valeurs ajoutées permettant de passer de l'acte de production à l'acte de consommation final, qui est le vôtre comme le mien.
Dans ce contexte, l'organisation actuelle peut faire l'objet de pratiques plus ou moins légales ou illégales, et vous avez relevé la tendance de certains distributeurs à abuser de leur pouvoir sur les producteurs.
Il y a a contrario des producteurs qui sont suffisamment puissants pour imposer leur volonté aux distributeurs.
M. René-Pierre Signé. C'est le système libéral...
M. Francis Mer, ministre. Il y en a d'autres, le plus grand nombre bien sûr, qui n'ont pas la puissance, commerciale, financière et en termes d'offre, pour convaincre le distributeur que c'est une faveur que fait le producteur au distributeur que de lui offrir ses produits à distribuer.
Nous sommes là dans le cas des producteurs de taille moyenne ou petite auxquels vous faites référence. Or il est de notre devoir, de notre responsabilité et de l'intérêt de l'activité économique en France de veiller à ce que les petits et moyens producteurs aient aussi leur place au soleil et donc de leur assurer la marge dont ils ont besoin, au-delà du service rendu par le distributeur, pour amener ces produits au consommateur final.
Le dossier étant complexe, il n'existe pas de solution simple.
M. René-Pierre Signé. Et l'explication est obscure !
M. Francis Mer, ministre. La réflexion est en cours : M. Renaud Dutreil a, vous le savez, précisé voilà quelques mois dans une circulaire ce qu'il entendait par « gestion des marges arrière ».
Peut-être le résultat sera-t-il décevant. Nous en tirerons alors les conséquences.
Ce dossier est, je le répète, important pour tout le monde, y compris pour le consommateur, puisqu'à la clé il y a aussi le partage de la marge entre le prix de production et le prix de vente final. Il est normal que le partage de cette marge se traduise par une baisse des prix.
M. René-Pierre Signé. Cela s'appelle noyer le poisson !
M. Francis Mer, ministre. J'en profite pour vous rappeler que, quelles que soient les affirmations de certains, le pouvoir d'achat, au sens statistique défini par l'INSEE, n'a pas baissé en France...
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Francis Mer, ministre. .... et que le ménage statistique, qui n'a bien sûr pas d'existence réelle, a vu, l'année dernière, son pouvoir d'achat augmenter de 1,2 %.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure s'il vous plaît !
M. Francis Mer, ministre. Il est évident que le prix de certains produits augmente, mais celui d'autres produits baisse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Didier Boulaud. Ca, c'est nouveau !
M. René-Pierre Signé. Pour comprendre ça, il faut sortir de l'ENA !
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