Question de Mme CERISIER-ben GUIGA Monique (Français établis hors de France - SOC) publiée le 11/02/2004
Mme Monique Cerisier-ben Guiga appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur la création de la chaîne internationale d'information (CII) dont le projet a été proposé au Gouvernement par le député Pierre Brochand et que la presse présente comme ayant recueilli son approbation. Tous les observateurs de la position de la France dans le rapport de forces international s'accordent sur le fait qu'être privée d'une chaîne de télévision d'information puissante, destinée à l'audience internationale, est un handicap pour la France. Aucune ligne de crédit du budget 2004 n'est affectée au financement de cette chaîne. Or, ne serait-ce que pour voter les crédits nécessaires à son financement (entièrement public), il faudra, à tout le moins, une loi rectificative de finances. De plus, la représentation nationale ne pourra se satisfaire d'une loi technique votée à la sauvette sur un sujet d'une telle importance. En effet, il semblerait que le Gouvernement ait décidé de créer une société nouvelle de télévision constituée à 50 % d'une entreprise publique et à 50 % d'une entité commerciale privée, TF1, société nouvelle entièrement financée sur fonds publics, sans consultation du Parlement, sans consultation du CSA, sans appel d'offres public. Elle lui demande quand le Parlement sera consulté sur la création de cette chaîne, son statut juridique et son mode de financement. Elle lui demande aussi si la Commission européenne a été saisie de ce projet, qui n'est pas sans poser problème au regard de la législation européenne sur la concurrence. Elle lui demande enfin comment la nouvelle entité atteindra une qualité rédactionnelle en adéquation avec les objectifs affichés, en l'absence de rédactions internationales dignes de ce nom dans les deux chaînes mères, avec un budget de 70 millions d'euros, soit le tiers du budget de RFO.
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Réponse du Ministère délégué à la famille publiée le 03/03/2004
Réponse apportée en séance publique le 02/03/2004
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, j'ai souhaité faire part au Gouvernement de mes préoccupations relatives à la création de la chaîne internationale d'information, dont le projet lui a été proposé par le député Bernard Brochand et que la presse présente comme ayant recueilli son approbation.
Mes préoccupations sont, au reste, partagées par de nombreuses personnes connaissant bien le secteur de l'audiovisuel international, ainsi que par les Français qui vivent à l'étranger, dont je suis l'un des représentants au Sénat et qui ont un lien avec la France par le biais de la radio et de la télévision.
Tous les observateurs de la position de la France dans le rapport de forces international s'accordent sur le fait que, pour notre pays, le fait d'être privé d'une chaîne de télévision d'information puissante destinée au public international est un lourd handicap.
Aucune ligne de crédit du budget de 2004 n'est affectée au financement de la nouvelle chaîne. Ne serait-ce que pour voter les crédits nécessaires à son financement, qui sera entièrement public, il faudra à tout le moins une loi de finances rectificative.
Quoi qu'il en soit, sur un sujet d'une telle importance, la représentation nationale ne pourra se satisfaire d'une loi technique votée à la sauvette. Pourtant, il semble que le Gouvernement ait décidé de créer une société nouvelle, constituée à 50 % par une entreprise publique et à 50 % par une entité commerciale privée, TF1.
Cette société nouvelle serait donc entièrement financée sur fonds publics sans consultation du Parlement ni du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, et sans appel d'offres public.
Quand le Parlement sera-t-il consulté sur la création de cette chaîne ? Quels seront son statut juridique et son mode de financement ?
J'aimerais également savoir si la Commission européenne a été saisie de ce projet, qui n'est pas sans poser des problèmes au regard de la législation européenne sur la concurrence.
Je demande, enfin, comment la nouvelle entité atteindra une qualité rédactionnelle en adéquation avec les objectifs affichés, en l'absence de rédactions internationales dignes de ce nom dans les deux chaînes mères, France Télévisions et TF1, avec un budget de 70 millions d'euros, soit le tiers de celui de RFO. Il est clair qu'un tel budget est trop faible pour une chaîne internationale d'information.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je voudrais d'abord vous présenter toutes les excuses de mon collègue Jean-Jacques Aillagon, qui, ne pouvant malheureusement pas être présent ce matin, m'a chargé de vous transmettre les éléments de réponse qui suivent.
Comme vous le savez, à l'issue d'une consultation publique organisée de manière transparente par la direction du développement des médias, M. le Premier ministre a chargé un parlementaire en mission, M. Bernard Brochand, député des Alpes-Maritimes, d'étudier les propositions faites par les opérateurs.
Compte tenu des conclusions de cette mission, le Premier ministre a décidé de retenir le projet de chaîne française d'information présenté conjointement par les groupes TF1 et France Télévisions.
Ces deux groupes se proposent de constituer à parité une société anonyme qui sera chargée de l'édition et de la diffusion de la future chaîne. Cette société serait financée par une subvention de l'Etat et par des recettes commerciales. La subvention attendue de l'Etat atteindrait environ 70 millions d'euros en régime de croisière.
Vous semblez considérer que ce budget est bien modeste. Sachez qu'il a été étudié avec beaucoup de rigueur ! Le Gouvernement a le souci de ménager les finances publiques et sera attentif à ce que ce projet soit réalisé au plus juste coût. L'implication des deux principaux groupes de télévision français est, à cet égard, un gage de professionnalisme et de gestion rigoureuse.
Le Gouvernement a décidé d'engager auprès de la Commission européenne les démarches nécessaires à la validation de cette subvention au regard de la réglementaire communautaire des aides d'Etat ; ces démarches sont en cours. Bien entendu, lorsque les autorisations auront été obtenues, les procédures budgétaires nécessaires au déblocage de la subvention seront scrupuleusement respectées et le Parlement jouera pleinement son rôle, conformément aux règles en vigueur.
Je tiens à préciser que la chaîne ne jouira pas d'un statut juridique spécifique. Comme toute chaîne établie en France, elle sera conventionnée par le Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il ne sera donc pas nécessaire de soumettre à la délibération du Parlement un projet de loi particulier pour sa création.
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je vous remercie de cette réponse, monsieur le ministre, mais je ne peux pas dire qu'elle me satisfasse.
Le seul point positif que je retiens est d'apprendre que cette chaîne sera soumise à la règle générale de contrôle par le CSA. En effet, dans un premier temps, il était question qu'elle n'y soit même pas soumise.
Toutefois, le fait que le Parlement ne soit pas consulté dans les formes - car il ne l'a pas été - sur la création d'une chaîne dont dépend l'image de la France à l'étranger me paraît tout simplement inconcevable.
La Constitution de la Ve République donne beaucoup de latitude à l'exécutif mais, cette fois, on va vraiment au-delà de ce que des parlementaires peuvent accepter !
Pour le reste, sur de très nombreux points, mon désaccord est total.
Vous me dites que 70 millions d'euros constituent une juste somme. Il suffit, pour se convaincre du contraire, de constater la mauvaise qualité des programmes de RFO, dont le budget atteint pourtant le triple de ce montant. D'ailleurs, toutes les chaînes d'information internationales existant dans le monde disposent de budgets annuels qui dépassent les 200 millions de dollars. Dès lors, on ne peut pas croire un instant que l'on pourra mettre sur pied une chaîne d'information internationale française avec une somme aussi ridicule que 70 millions d'euros !
En outre, je le répète, cette subvention n'a pas été inscrite au budget de 2004, ce qui signifie que le Parlement ne l'a pas votée.
De surcroît, quand on voit l'entreprise de décervelage de la population française à laquelle se livrent TF1 et France 2, il est permis d'imaginer le pire ! Quand un journal télévisé destiné à la population française se compose d'au moins vingt minutes de faits divers, contre cinq petites minutes - et en comptant large ! - de politique intérieure, à laquelle on ne comprend d'ailleurs rien parce que cette espèce d'« information-TGV » ne laisse place à aucune explication, et deux ou trois minutes d'informations internationales, tout aussi incompréhensibles, on peut effectivement parler de « décervelage » !
Comment, alors, penser que ces deux chaînes seront susceptibles d'élaborer une information internationale sérieuse à destination d'un public international exigeant ? Je suis désolé de le dire, mais, dans l'état actuel des choses, nos chaînes de télévision hexagonales ne sont pas le bon support pour une information française à vocation internationale.
M. Jean-Claude Peyronnet. Tout à fait !
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