Question de Mme ANDRÉ Michèle (Puy-de-Dôme - SOC) publiée le 28/01/2004

Mme Michèle André attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation ambiguë du don d'ovocytes en France. Le don d'ovocytes a été reconnu en France par la loi bioéthique n° 94-653 du 29 juillet 1994, gratuit, anonyme, au seul bénéfice des femmes en âge de procréer ; il ne peut être pratiqué que dans le secteur public ou privé sans but lucratif afin d'éviter les dérives mercantiles. En 1996, un décret a imposé une quarantaine par congélation de six mois des ovocytes pour des raisons techniques et psychologiques. Ce principe de prudence pose aujourd'hui unproblème aux centres français sérieusement concurrencés par des centres belges et espagnols, qui, eux, ne pratiquent pas la mise en quarantaine mais transplantent des embryons " frais ". Cette technique garantit un taux de succès quatre fois supérieur à celui des pratiques françaises. Ce constat pousse les femmes françaises dont la fécondité est défaillante vers les centres étrangers. Il convient de rappeler que, contrairement à la France où le don est gratuit et anonyme, les centres étrangers rémunèrent les donneuses. Ces dernières sont moins contrôlées qu'en France où la loi oblige à n'accepter que des femmes ayant une vie sociale stable et des enfants. Le risque sanitaire qui avait poussé à l'instauration du décret de 1996 semble aujourd'hui une mesure de protection exagérée. Au dire du Groupe pour l'étude de la fécondation in vitro en France ", aucun cas de contamination n'a jamais été rapporté dans le monde, les virus du sida et des hépatites ne sont pas présents dans l'ovocyte et les risques de contamination suite aux manipulations des différents matériels génétiques sont évalués à 1 sur 1 million. L'Institut de veille sanitaire, la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal, le Comité national d'éthique, les professionnels du secteur demandent aujourd'hui en conséquence que la mesure de mise en quarantaine soit arrêtée en abolissant le décret de 1996. Ils souhaitent le rétablissement de l'ancien système avec dépistage 45 jours avant le don. Une information et une acceptation expresses des receveurs sur ce risque purement théorique dont l'éventualité est plus qu'infime pourraient être instaurées. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir supprimer le décret de 1996 afin que les familles françaises touchées par des problèmes de fécondité ne soient pas contraintes au " tourisme médical ".

- page 918


Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 04/02/2004

Réponse apportée en séance publique le 03/02/2004

Mme Michèle André. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées et porte sur la situation ambiguë du don d'ovocytes en France.

Le don d'ovocytes a été reconnu par la loi de bio-éthique du 29 juillet 1994. Gratuit, anonyme, au seul bénéfice des femmes en âge de procréer, il ne peut être pratiqué que dans le secteur public ou privé sans but lucratif, afin d'éviter les dérives mercantiles.

En 1996, un décret a imposé une quarantaine par congélation de six mois des ovocytes pour des raisons techniques et psychologiques.

Ce principe de prudence pose aujourd'hui problème aux centres français, sérieusement concurrencés par des centres belges et espagnols qui, eux, ne pratiquent pas la mise en quarantaine mais transplantent des embryons « frais ». Cette technique garantit un taux de succès quatre fois supérieur à celui des pratiques françaises. Ce constat pousse les femmes françaises dont la fécondité est défaillante vers les centres étrangers.

Il convient de rappeler que, contrairement à la France, où le don est gratuit et anonyme, les centres étrangers rémunèrent les donneuses. Ces dernières sont moins contrôlées qu'en France où la loi oblige à n'accepter que des femmes ayant une vie sociale stable et des enfants.

Le risque sanitaire qui avait poussé à l'instauration du décret de 1996 semble aujourd'hui une mesure de protection exagérée. Au dire du groupe pour l'étude de la fécondation in vitro en France, aucun cas de contamination n'a jamais été rapporté dans le monde, les virus du sida et des hépatites ne sont pas présents dans l'ovocyte, et les risques de contamination suite aux manipulations des différents matériels génétiques sont évalués à un sur un million.

L'Institut de veille sanitaire, la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal, le Comité national d'éthique, les professionnels du secteur demandent aujourd'hui, en conséquence, que la mesure de mise en quarantaine soit arrêtée en abolissant le décret de 1996. Ils souhaitent le rétablissement de l'ancien système avec dépistage, huit jours avant le don. Une information et une acceptation expresse des receveurs sur ce risque purement théorique dont l'éventualité est plus qu'infime pourraient être instaurées.

J'estime que le décret de 1996 pourrait être abrogé, afin que les familles françaises touchées par des problèmes de fécondité ne soient pas contraintes au « tourisme médical ». Je souhaiterais savoir ce que compte faire M. le ministre.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Thérèse Boisseau, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Madame la sénatrice, vous interrogez M. Mattei sur l'état d'avancement de la révision des textes régissant le don d'ovocytes en vue d'une assistance médicale à la procréation, ou AMP.

Ce don d'ovocytes est soumis à des conditions réglementaires de sécurité sanitaire, édictées par un décret en Conseil d'Etat du 12 novembre 1996 ; il s'agit des articles R. 1211-25 et suivants du code de la santé publique. Ces conditions visent à s'assurer que la donneuse d'ovocytes n'est pas porteuse de maladies infectieuses telles que le VIH ou l'hépatite et ne risque pas de les transmettre à l'embryon et à la femme receveuse.

A cette fin, deux tests sont pratiqués à six mois d'intervalle, l'un au moment du don d'ovocytes, l'autre six mois après ce don. La congélation des ovocytes n'étant pas techniquement possible sans dommage pour ces derniers, il est procédé à la fécondation in vitro des ovocytes. Les embryons issus de cette fécondation sont ensuite cryoconservés pendant l'intervalle des six mois, dans l'attente des résultats du second test. Lors de celui-ci, le praticien vérifie que les résultats des analyses sont toujours négatifs en ce qui concerne l'infection au VIH et à l'hépatite.

Les professionnels de l'assistance médicale à la procréation font observer que les chances de grossesse à partir d'ovocytes donnés sont réduites d'au moins 50 % en raison des pertes embryonnaires au moment des cycles de congélation et de décongélation et d'une baisse des taux d'implantation. Ils réclament unanimement un changement de la réglementation qui conduit les femmes à recourir à ce don dans des pays limitrophes. Par ailleurs, ils mettent en avant l'absence observée de cas de contamination par ovocytes dans les pays qui n'appliquent pas la quarantaine indiquée et procèdent à l'implantation d'embryons « frais ».

Madame André, ces constatations ont amené M. le ministre à demander à la Commission nationale de médecine et de biologie de la reproduction et du diagnostic prénatal de se prononcer sur cette question. Son avis conforte l'analyse faite par les professionnels et recommande la révision de la réglementation actuelle.

Comme M. Mattei s'y est engagé lors de l'examen au Parlement du projet de loi relatif à la bioéthique, ses services ont élaboré à sa demande un projet de décret révisant ces dispositions. Le nouveau dispositif proposé supprime la quarantaine de six mois entre les deux tests et préconise la réalisation du deuxième test au début du traitement de la stimulation ovarienne, qui précède elle-même de quinze jours environ le prélèvement ovocytaire.

Ce nouveau dispositif devrait, sans compromettre la sécurité sanitaire, supprimer les pertes embryonnaires dues à la congélation, éviter à la donneuse les contraintes d'une stimulation en cas de tests positifs, et permettre en tout état de cause d'utiliser au mieux les dons d'ovocytes dans la prise en charge des couples infertiles.

Dans le cadre de l'information due aux couples demandant le bénéfice d'une AMP, les couples destinataires du don seront informés, comme c'est le cas actuellement, par l'équipe médicale pluridisciplinaire des conditions du don et des risques inhérents à ce dernier, notamment le risque viral et le risque génétique.

Le projet de décret indiqué, actuellement soumis pour examen au Conseil d'Etat, devrait donc très prochainement paraître et, je l'espère, répondre à vos attentes.

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse très complète, qui va dans le sens souhaité par les professionnels et qui pourra peut-être rendre service de façon très significative à des familles en attente de procréation.

M. Georges Mouly. Très bien !

- page 1087

Page mise à jour le