Question de M. FORTASSIN François (Hautes-Pyrénées - RDSE) publiée le 30/01/2004
Question posée en séance publique le 29/01/2004
M. François Fortassin. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.
Monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur l'ampleur du déficit de la sécurité sociale. Selon le rapport du Haut Conseil pour l'assurance maladie, le niveau et la dynamique des dépenses de l'assurance maladie la placent en situation de grave difficulté. Son déficit de 11 milliards d'euros aujourd'hui passerait à 29 milliards d'euros en 2010 et à 66 milliards d'euros en 2020.
Malheureusement, il faudra en arriver à augmenter une fois de plus la contribution sociale généralisée, la CSG. Or cette solution ne me paraît pas satisfaisante, car elle ne permettra pas de résorber le déficit, la CSG alimentant depuis fort longtemps un panier percé.
Certes, le vieillissement de la population participe de ce déficit. Toutefois, ce n'est pas la seule raison. Pour ma part, je pense qu'il serait nécessaire de prendre les mesures draconiennes qui s'imposent en responsabilisant l'ensemble des acteurs de la santé.
Je pense notamment aux patients. La surconsommation de médicaments représente 16 milliards d'euros remboursés en 2002 par la sécurité sociale, soit 260 000 euros par médecin et par an. Est-il normal que les Français soient les champions du monde pour la consommation de psychotropes, alors que la France est, que je sache, le pays du bien-vivre ? Chaque jour, 350 personnes sont hospitalisées et, chaque année, 10 000 décès sont dus aux accidents provoqués par cette surconsommation de médicaments.
Est-il acceptable que les industries pharmaceutiques consacrent à peine plus de 10 % de leur budget à la recherche et près de 40 % à la promotion, alors qu'il s'agit d'argent appartenant à la collectivité nationale ?
Est-il acceptable que les firmes pharmaceutiques exercent des pressions insupportables sur les 23 000 visiteurs médicaux - nombre en constante augmentation d'ailleurs depuis dix ans - afin qu'ils visitent les seuls praticiens ayant un fort potentiel de prescription et leur donnent une information axée essentiellement sur les bienfaits des médicaments et non sur leurs inconvénients ?
M. René-Pierre Signé. Oh là là ! Que ne faut-il pas entendre !
M. François Fortassin. Est-il acceptable que, sous couvert de formation et de congrès, les lobbies de l'industrie pharmaceutiques organisent des voyages, hier sur les plages des Caraïbes, aujourd'hui, plus modestement, vers les golfs de Deauville ou d'ailleurs, en échange de quoi les prescriptions médicales augmentent sans que l'on se préoccupe ni de leur coût ni de leur efficacité ?
M. René-Pierre Signé. C'est faux !
M. François Fortassin. Vous pouvez bien m'écouter, monsieur Signé.
M. René-Pierre Signé. Oh non !
M. François Fortassin. Est-il acceptable qu'aucune législation n'impose aux laboratoires des essais comparatifs entre anciens et nouveaux médicaments ni aucun contrôle sur la véracité du coût de la recherche concernant ces nouveaux médicaments, plus onéreux ?
Au moment où l'une de leurs molécules vedettes tombe dans le domaine public, les laboratoires lancent un nouveau médicament, presque identique à l'original, ce qui permet d'obtenir un nouveau brevet pour vingt ans ! On comprend mieux pourquoi la promotion des génériques n'a pas encore atteint les objectifs recherchés.
M. le président. Votre question !
M. François Fortassin. Monsieur le ministre, il convient de redonner un véritable sens à l'éthique en matière de soins. Que comptez-vous faire pour responsabiliser l'ensemble des acteurs et pour faire cesser ces pratiques d'un autre temps et d'une très grande opacité, pour ne pas dire plus ?
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Réponse du Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées publiée le 30/01/2004
Réponse apportée en séance publique le 29/01/2004
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez eu parfaitement raison...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... de dire que nous sommes les meilleurs en matière de consommation de médicaments. En effet, chaque Français avale en moyenne une boîte de médicaments par semaine. Nous sommes donc bien, et de loin, les champions du monde dans ce domaine !
M. René-Pierre Signé. Parce que nous sommes stressés !
M. Didier Boulaud. Avec la grippe du poulet, ce sera bien autre chose !
M. Jean-François Mattei, ministre. Or ces comportements, qui ne sont pas justifiés, se révèlent coûteux pour l'assurance maladie et même, vous l'avez souligné, dangereux.
M. René-Pierre Signé. Ce qui est dangereux c'est de trop réduire la consommation de médicaments !
M. Jean-François Mattei, ministre. En effet, les médicaments ont des effets secondaires et des effets iatrogènes.
On peut certes agir sur les prix, mais cela ne suffit pas. On peut aussi, comme nous l'avons fait avec succès, expliquer qu'il n'est pas utile de prescrire systématiquement des antibiotiques pour soigner un simple mal de gorge.
M. René-Pierre Signé. C'est faux ! C'est comme ça qu'on voit apparaître des rhumatismes articulaires chez certains patients !
M. Jean-François Mattei, ministre. La baisse de la prescription d'antibiotiques est non seulement une source d'économie considérable, mais elle permet également de diminuer la résistance aux antibiotiques de certaines bactéries, donc de réduire le risque d'infections nosocomiales.
M. René-Pierre Signé. Ce que vous dites est très grave !
M. le président. Taisez-vous, monsieur Signé !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je ne suis pas gêné, monsieur le président, par quelqu'un qui se plaît à intervenir à tout moment. D'ailleurs, je ne l'entends que vaguement.
M. René-Pierre Signé. Je suis médecin, comme vous !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je le sais, mais vous devriez retourner à vos bouquins ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Et vous, à vos malades !
M. Didier Boulaud. M. Signé a sûrement exercé plus longtemps que vous, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. Nous pouvons agir sur les ventes de médicaments de trois façons.
La première consiste à intervenir auprès des industriels. S'il est vrai qu'ils doivent faire connaître leurs médicaments, ils y consacrent souvent des moyens excessifs. C'est la raison pour laquelle le projet de loi de financement de la sécurité sociale a prévu une augmentation de la taxe sur la publicité des médicaments. Dans le même esprit, nous avons tenu, et c'est une innovation, à améliorer la formation des visiteurs médicaux.
La deuxième façon d'agir sur la vente de médicaments consiste à encourager la formation médicale continue et à informer les médecins, dans le cadre de la réforme de la commission de la transparence, sur les nouvelles molécules, grâce au fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique, le FOPIM.
Enfin, il faut bien entendu impliquer les patients. C'est la raison pour laquelle M. Leclerc a déposé un amendement visant à parmettre au FOPIM de soutenir des actions incitant les patients à se montrer plus sages dans leur consommation de médicaments.
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