Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 16/01/2004
Question posée en séance publique le 15/01/2004
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous assistons, depuis quelques mois, au développement d'un mouvement de protestation des chercheurs, qui atteint aujourd'hui une ampleur sans précédent.
Le lancement de la pétition « Sauvons la recherche », le 7 janvier dernier, en constitue le point d'orgue.
A l'heure actuelle, plus de douze mille responsables d'équipes ou de laboratoires et de jeunes chercheurs de tous horizons ont signé cette pétition.
Pour souligner l'exceptionnelle gravité de la situation et l'urgence de la mise en oeuvre de mesures de sauvegarde de la recherche fondamentale, bon nombre de directeurs d'unités et d'équipes se sont engagés à quitter leurs fonctions s'ils n'étaient pas entendus, considérant qu'ils ne pourraient plus mener à bien leurs missions, faute de personnels qualifiés et de crédits suffisants.
L'erreur consisterait à ne voir dans cette démarche que de l'agitation ; c'est le signe d'une colère réelle tant le contraste est grand entre le discours et la réalité.
M. Raymond Courrière. C'est clair !
M. Ivan Renar. Le texte de la pétition relève l'état inquiétant de la recherche en France : désespérance des jeunes chercheurs souvent contraints de s'expatrier, situation financière désastreuse de nombreux organismes de recherche, menace à terme pour la recherche appliquée, qui s'appuie sur la recherche fondamentale.
Dans l'immédiat, les signataires souhaitent que le nombre de postes offerts aux jeunes chercheurs pour les concours de 2004 soit augmenté de façon significative afin d'enrayer la fuite des cerveaux. Ils demandent aussi que les sommes dues aux organismes de recherche soient versées. En outre, ils proposent la mise en place prochaine d'assises nationales de la recherche, leur référence historique étant le colloque de Caen de 1956, qui donna l'élan à une ambitieuse politique de recherche conduite deux ans plus tard par le général de Gaulle, convaincu qu'il en allait de la grandeur de la France.
M. Guy Fischer. Ils l'ont oubliée !
M. Ivan Renar. J'imagine, madame la ministre, que vous êtes convaincue que la France a besoin d'une recherche vigoureuse et que l'investissement en faveur de la recherche fondamentale est indispensable pour l'avenir de la France et de l'Europe.
De plus, la recherche, c'est aussi la production de la connaissance, une aventure intellectuelle qui témoigne de la jeunesse et de la vitalité d'une nation. Faute de s'en souvenir, le Gouvernement prend le risque que la France soit bientôt exclue de domaines où, aujourd'hui, le Japon et les Etats-Unis et, demain, la Chine et l'Inde régneront sans partage.
Madame la ministre, comptez-vous entendre le cri de vos collègues chercheurs ? Comptez-vous créer les conditions de l'attractivité pour que les jeunes qui ont la passion de la recherche puissent l'assouvir ? Entendez-vous retenir la proposition d'organiser rapidement des assises nationales de la recherche et, au-delà, un grand débat national sur la place de la recherche et de l'innovation dans notre société ?
Un célèbre chercheur en poésie, Jean Cocteau, disait : « En amour, ce ne sont pas les déclarations qui comptent, ce sont les manifestations. » Puisse-t-il vous inspirer !
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Réponse du Ministre délégué à la recherche et aux nouvelles technologies publiée le 16/01/2004
Réponse apportée en séance publique le 15/01/2004
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée. (« C'est un festival ! » sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le sénateur, je suis très heureuse de pouvoir aborder cette discussion avec vous, car nous partageons votre souci de rendre la recherche prioritaire. Quelqu'un a dit : « C'est un festival ! » Or le fait d'aborder le problème de la recherche est une bonne chose. En effet, partager le même objectif politique n'est pas fréquent.
Je vous remercie, Monsieur Renar, de porter ce message avec moi. Nous avons de l'ambition, nous avons de grands projets, en particulier à l'échelon international, et nous avons choisi de les soutenir. Nous savons, en effet, à quel point la recherche est liée aux progrès scientifiques et technologiques. Elle implique aussi une mobilisation, l'envie de faire de la science et de s'y engager. Bien entendu, nous devons accompagner ces envies et travailler encore.
Notre réflexion ne date pas de la pétition que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. L'état de la recherche n'est pas satisfaisant et voilà des mois que nous oeuvrons en la matière. Des documents circulent déjà. Maintenant, il faut élaborer des réponses complémentaires. Je rencontre des chercheurs à chaque instant, en particulier dans les régions : j'en vois demain matin, demain après-midi. Nous travaillons ensemble et nous proposerons les évolutions indispensables.
Simplement, nous n'avons pas toujours les mêmes visions. Si je parle de postes d'accueil d'un autre type qu'une fonction statutaire, c'est parce que je pense que l'on n'est pas chercheur à vie. Si un chercheur s'engage très jeune dans la recherche, il doit avoir la possibilité de mener une carrière. Il faut donc prévoir des passerelles et favoriser la mobilité.
Si je souhaite augmenter l'attractivité de la recherche pour les jeunes à la fois par des mesures financières et par la reconnaissance de leur activité, c'est justement pour les attirer et éviter qu'ils ne partent à l'étranger, même si cela est important.
S'agissant de la recherche fondamentale et de la recherche appliquée, je voudrais simplement signaler que j'ai eu le grand bonheur de remettre récemment la médaille d'or du CNRS à M. Albert Fert, qui a conduit une recherche du plus haut niveau sur le spin de l'électron. Par le biais du partenariat, il a associé Thalès à ses travaux pour que, dans la mémoire de nos ordinateurs, cette découverte fondamentale accompagne l'innovation et notre performance dans ce domaine.
Je crois que nous partageons de nombreux objectifs : nous sommes mobilisés pour construire notre avenir autour de cette priorité qu'est la recherche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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