Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 25/12/2003
Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur les conséquences de la ruée vers l'or qui a suivi la découverte en 1992 d'une grande quantité d'or dans le département de la Guyane. De plus en plus, la forêt guyanaise subit l'éventration de ses fleuves, le rasage de l'écosystème par les boues, et une pollution au mercure du fait d'un orpaillage se développant et comportant de sérieuses menaces pour l'environnement et le devenir de la forêt guyanaise. Elle lui fait remarquer que le mercure semble utilisé pour amalgamer l'or. Pour un kilo d'or récolté, il faudrait utiliser 1,3 gramme/kilogramme de mercure. Elle lui demande de lui confirmer que, selon les estimations officielles, il y aurait actuellement 12 tonnes de mercure rejetées chaque année. Elle lui demande également de lui faire connaître son avis sur l'existence grave de la contamination d'espèces animales et notamment les poissons qui, faut-il le rappeler, constituent la principale source d'alimentation des populations de Guyane. Elle lui demande de lui confirmer l'existence d'intoxications au mercure qui se traduiraient par des atteintes neurologiques sévères chez l'homme et des malformations chez les foetus. On noterait également dans certains villages indiens la naissance d'enfants sans anus, avec des membres en moins et que certains d'entre eux pourraient mourir paralysés. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'elle envisage pour arrêter une pollution qui semble vouloir s'étendre et décider sans attendre une étude épidémiologique sur la santé des populations concernées, ainsi que la publication par ses services des mesures prises pour préserver le monde vivant, animal, végétal d'une pollution créée artificiellement pouvant provoquer de véritables ravages dans le plus grand département français que constitue la Guyane.
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Transmise au Ministère délégué à l'industrie
Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 01/04/2004
La contamination des populations par le mercure en Guyane et dans le bassin amazonien en général constitue un problème grave et complexe. Cette question fait l'objet depuis 1997 d'un vaste programme d'étude pluridisciplinaire, mené notamment par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et l'Institut des vaisseaux et du sang (IVS), et coordonné par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Les résultats de ces travaux montrent que le risque sanitaire induit par le mercure ne se situe pas au niveau de la qualité des eaux consommées, mais plutôt dans la transformation du mercure métal en méthyl-mercure, plus facilement assimilable dans la chaîne alimentaire, marquée par un processus d'amplification biologique très élevé chez certaines espèces de poissons carnivores. Or, ces poissons constituent la base du régime alimentaire des populations amérindiennes. Outre les mesures de prévention et de réduction des consommations de mercure sur les chantiers d'orpaillage engagées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, des actions locales d'information et d'éducation sanitaire visant à réduire l'exposition des populations concernées par le mercure sont actuellement conduites par la direction départementale de la santé et du développement social. L'activité des exploitations minières en Guyane, y compris celles pratiquant l'orpaillage, est strictement encadrée par des arrêtés préfectoraux pris au titre du code minier, qui fixent en particulier les prescriptions à respecter pour la protection de l'environnement et l'utilisation du mercure. Au nombre de ces mesures figurent notamment l'interdiction de rejet de mercure dans l'environnement et l'obligation d'utiliser une " retorte " ou tout autre dispositif permettant de récupérer les vapeurs de mercure en cas de distillation par amalgame sur les sites. Ces dispositions sont régulièrement contrôlées par le service en charge du secteur minier de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Compte tenu des techniques rudimentaires utilisées dans la première moitié du siècle dernier, les pertes en mercure ont été importantes sur les anciens chantiers d'orpaillage. Ces rejets représentent une source importante de contamination. D'après les études réalisées, le stock historique d'origine anthropique fixé dans les sédiments serait estimé à plus de 280 tonnes de mercure dispersées dans l'environnement, provenant surtout de la volatilisation du mercure dans l'atmosphère par chauffage à l'air libre sans protection de l'amalgame et du rejet dans les graviers du mercure métal usagé. Une autre source possible de contamination d'origine naturelle a cependant été identifiée par les travaux récents de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) pour expliquer les concentrations anormalement élevées en mercure relevées sur toute la profondeur des sols altérés, notamment dans le secteur du Haut-Maroni, dépourvu de toute exploitation d'orpaillage connue, ancienne ou récente. Ce mercure d'origine naturelle serait susceptible de se remobiliser par l'érosion des sols et le ruissellement ou lors de travaux de déforestation et d'excavation, qu'ils soient liés ou non à l'activité minière, puis réintroduit dans les écosystèmes par méthylation. Il convient également de souligner le cas des orpailleurs clandestins dont l'activité est facilitée par la difficulté des contrôles en forêt vierge. Les quantités de mercure utilisées sur ces chantiers clandestins ne sont évidemment pas connues. Pour lutter contre l'orpaillage illégal, de nombreuses opérations de gendarmerie - dites opérations Anaconda - sont menées depuis plusieurs années sur le terrain. Leur efficacité a été considérablement accrue depuis septembre 2002 par la modification du code minier qui prévoit désormais, sur décision du procureur de la République, la possibilité de détruire sur place le matériel des contrevenants. D'autres actions sont également prévues, en parallèle, en vue d'assainir les filières amont et aval qui favorisent l'apparition de l'orpaillage clandestin et entretiennent son activité à travers les ravitaillements logistiques, la fourniture de main-d'oeuvre, la mise à disposition de structures de vie et les capacités d'écoulement de la production aurifère illégale. Les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie étudient par ailleurs plusieurs autres mesures pour renforcer le dispositif réglementaire en vue de limiter les ventes et réduire l'utilisation du mercure. L'objectif visé est d'aboutir progressivement à une interdiction totale d'utilisation du mercure sur l'ensemble des chantiers miniers en Guyane au 1er janvier 2006. En contrepartie de cette interdiction et durant cette période transitoire, des mesures d'accompagnement et des aides financières, au travers du fonds de développement des petites et moyennes industries pour l'acquisition de matériels alternatifs performants n'utilisant pas de mercure pour la séparation de l'or des concentrés (tables gravimétriques vibrantes par exemple), ainsi que des formations pratiques sur les différentes techniques non polluantes de récupération de l'or, devront être proposées aux exploitants régulièrement autorisés.
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