Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 09/12/2003
M. Roland Courteau attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur l'annonce brutale de la fermeture de l'usine Formica à Quillan, dans l'Aude, telle qu'elle vient d'être faite par la direction du groupe Formica, entraînant, par voie de conséquence, quelque 150 suppressions d'emplois sur cette commune. Il lui indique que cette délocalisation de fait, qualifiée par cette même direction " de redéploiement d'activité, vers les autres usines de Finlande, Angleterre ou Espagne ", prend l'effet d'un véritable séisme social et économique à l'échelle d'une commune de 4 000 habitants et de l'ensemble de la haute vallée de l'Aude, déjà cruellement sinistrée par la disparition du secteur de la chaussure voilà quelques années et, plus récemment encore, de 41 emplois chez Huntsman. Face aux conséquences dramatiques au plan humain d'une telle dégradation économique, de surcroît dans un contexte départemental alarmant (Salsigne, Rouleau-Guichard, Micron Couleur, etc.), il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son sentiment sur la situation locale de Quillan où la fatalité n'est pas acceptable... et si elle entend mettre tout en oeuvre pour que l'Etat soit à même d'apporter une réponse d'envergure, en termes de développement d'un secteur cruellement frappé.
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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 17/12/2003
Réponse apportée en séance publique le 16/12/2003
M. Roland Courteau. Madame la ministre, en mon nom et au nom de mon collègue Raymond Courrière, je veux attirer votre attention sur un problème grave.
La fermeture annoncée de la société Formica àQuillan, dans l'Aude, va se traduire par la suppression de 149 emplois, qui s'ajoutent aux 41 de l'entreprise Huntsman. Et je ne cite pas celles des années précédentes, particulièrement nombreuses !
Le coup est d'autant plus rude que c'est le dernier pôle d'emplois qui disparaît, laissant complètement exsangue toute la partie sud du département. La ville de Quillan et son bassin d'emploi, jadis fleurons industriels de la haute vallée, sont ainsi frappés en plein coeur.
Après l'état de choc, voici maintenant venu le temps de la colère.
Car, une fois de plus, la sacro-sainte règle de la rentabilité et du profit, si chère aux actionnaires et aux fonds de pension, l'aura, semble-t-il, emporté sur toute considération d'ordre social. Si ce n'est une logique implacable, c'est en tout cas une nouvelle forme de la barbarie des temps modernes.
Qualifiée de « chronique d'une mort annoncée » par les syndicats, tant elle paraît avoir été pensée et organisée de longue date, la fermeture de la société Formica est inacceptable.
Madame la ministre, à l'échelle d'un bassin d'emploi de 4 000 habitants où l'économie a toujours reposé, pour l'essentiel, sur l'activité industrielle, le coup porté est le coup de grâce et prend l'ampleur d'un séisme social et économique comme peu de bassins d'emploi en auront connu. Il n'est donc pas possible de considérer que le groupe Formica ne pouvait répondre autrement qu'en faisant tomber le couperet. A ce propos, il faut savoir qu'une expertise économique a été demandée par les délégués du personnel.
Nul ne comprendrait que l'on ne s'oppose pas à une telle décision, dont l'annonce, selon les syndicats, ne semble d'ailleurs pas être conforme aux règles de procédure en vigueur.
Néanmoins, s'il advenait que l'irréversible se produise, alors, je le dis avec force, il faudrait impérativement veiller à ce que le groupe Formica ne s'exonère pas de ses responsabilités, de ses devoirs et de sa dette morale envers les salariés.
Dès lors, il deviendrait pour le moins évident que certaines activités du groupe seraient maintenues, tandis que toute solution alternative conduisant à des activités nouvelles sur le site même de l'usine devrait être retenue.
Oui, madame la ministre, dans cette configuration extrême, il faudra bien que les salariés et les syndicats soient fermement épaulés par l'Etat, dans les négociations qui suivraient, afin de contraindre ceux par qui le malheur arrive de présenter le meilleur plan social qui soit.
Il faudra bien également que des solutions de reclassement au cas par cas soient trouvées à l'échelon local, nombre pour nombre, et que puissent être négociés les départs à la retraite les plus nombreux possible pour les plus de cinquante ans, afin que nul ne reste au bord du chemin.
Troisième et dernier point, madame la ministre : ce bassin d'emploi, gravement sinistré, va devoir être l'objet de toute l'attention des pouvoirs publics.
En effet, la lente mais profonde dégradation, au fil des ans, de son tissu industriel nécessitera de toute manière, de toute évidence et de toute urgence la mise en oeuvre de dispositifs spécifiques et ciblés permettant de créer les conditions les plus favorables au redémarrage de cette zone. Il s'agit ni plus ni moins de restaurer son attractivité, car la question de son devenir se pose aujourd'hui en termes graves.
Dès lors, nous devons être précis et concrets dans nos propositions. Mes contacts fréquents avec le maire de Quillan et son équipe municipale m'autorisent à vous soumettre quelques-unes des pistes sur lesquelles ces élus ont engagé une importante réflexion.
A situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles, telle l'instauration d'une zone défiscalisée. Seules, en effet, des mesures fiscales et des aides exceptionnelles permettront l'installation sur ce territoire de nouvelles PME et PMI. A défaut, les friches industrielles s'installeront et perdureront, dans ce qui ne sera plus alors qu'un désert économique.
Sur ce point précis, des dispositions d'extrême urgence doivent être prises si l'on veut, par exemple, faciliter la reprise de l'entreprise Huntsman ou de certaines activités du groupe Formica.
De même, la mise en oeuvre de formations, sur le site même et en adéquation avec les besoins précis de ce bassin, répondrait au souhait formulé par le maire de Quillan et les élus locaux.
Enfin, dans un tel contexte de dégradation de l'emploi, du tissu industriel et de l'économie, je voudrais vous faire part, madame la ministre, de ma stupéfaction d'apprendre que certains services d'EDF, jusqu'alors installés dans la ville de Quillan, seraient prochainement transférés dans un département voisin.
C'est énorme ! C'est en tout cas le contraire de ce que l'on était en droit d'attendre d'une entreprise publique. Du coup, et a contrario, je suggérerais plutôt au Gouvernement de mettre à l'étude la possibilité de transférer vers cette ville des services publics nationaux délocalisés. Alors, nous pourrions saluer la solidarité de l'Etat !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le sénateur, la triste nouvelle de la fermeture du site de Formica à Quillan, dans l'Aude, m'a affectée autant que vous.
Maintenant, il appartient au groupe d'expliquer les raisons qui ont conduit à cette fermeture et d'apporter de réelles solutions aux problèmes des salariés. Je puis vous assurer que, dans ce cas comme dans les autres, l'Etat sera très exigeant sur les mesures d'accompagnement social et territorial.
Je crois savoir que dix-huit personnes pourront partir en préretraite. En revanche, les trente propositions de reclassement interne paraissent illusoires, car elles concernent des emplois à l'étranger. Il faut donc que le groupe apporte des moyens importants et réels en matière de reclassement, et cela doit faire l'objet de négociations dans l'entreprise, entre les salariés et la direction.
Je note au passage que, pour le plan voisin, dans l'usine chimique Huntsman, les salariés ont signé avec la direction un accord de méthode qui leur a permis d'obtenir des conditions satisfaisantes.
Par ailleurs, sur le plan territorial, j'ai conscience que cette partie de l'Aude souffre de nombreuses pertes d'emplois. Cette situation doit d'abord conduire l'entreprise à apporter des moyens de réactivation du bassin d'emploi. Une convention entre l'entreprise et l'Etat devra être élaborée pour définir ces moyens et leurs conditions d'utilisation. Bien évidemment, les élus locaux y seront étroitement associés.
Mais, au-delà, il est nécessaire que l'Etat, les collectivités locales et tous les acteurs concernés construisent ensemble un avenir industriel à ce bassin qui, très florissant au milieu du xixe siècle, traverse aujourd'hui des difficultés.
C'est dans ce but que le préfet a pris l'initiative de réunir dès cette semaine une table ronde avec les élus. L'Etat est donc réactif et présent sur le terrain, aux côtés des collectivités territoriales de la haute vallée de l'Aude.
S'agissant enfin du problème particulier d'EDF, que vous avez également évoqué, je puis vous assurer que je vais demander à mes services d'étudier cette question.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. J'ai pris acte des précisions que vous avez apportées, madame la ministre, notamment de la prochaine table ronde qui se tiendra sous l'égide du préfet. Mais j'ai également relevé, hélas ! que vous considériez implicitement que la décision de fermeture de l'usine était irréversible : terrible confirmation, oserai-je dire ; en tout cas, conséquence indirecte de la politique de non-intervention de l'Etat, et peut-être même du démantèlement de la loi de modernisation sociale.
L'objet de mon intervention est clair : obtenir que soit mis en place un dispositif d'envergure, à la mesure des conséquences de cette catastrophe. Certaines de nos propositions relèvent justement de la stricte compétence de l'Etat et du Gouvernement, et sont à même de répondre, au moins pour partie, à l'immense défi qui nous est lancé.
Dès lors, je souhaiterais, madame la ministre, que vous donniez des directives sur certaines de ces propositions et que les autres fassent l'objet d'études très poussées, et ce dans des délais rapides. Car le temps nous est compté si nous voulons enrayer le sentiment de désespérance !
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