Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 14/11/2003
Question posée en séance publique le 13/11/2003
M. Yves Détraigne. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, le débat national sur les énergies qui s'est déroulé au printemps dernier a clairement mis en évidence l'intérêt qu'il y a à engager notre pays dans une politique énergétique durable répondant notamment à des impératifs de diversification de l'offre, de respect de l'environnement et d'indépendance, par le développement des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles.
Il y a huit jours, en présentant en conseil des ministres son plan de lutte contre la pollution de l'air, Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a insisté sur la nécessité d'abaisser fortement les émissions polluantes des véhicules.
L'accroissement de la production des biocarburants est précisément un des moyens incontournables, pour notre pays, de répondre à ces impératifs.
Outre son intérêt évident pour le maintien d'une agriculture forte et pour l'occupation de notre espace rural, le développement des biocarburants constitue, en effet, aujourd'hui et pour plusieurs décennies encore, le principal moyen pour le secteur des transports routiers de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et, pour notre pays, de respecter les engagements qu'il a pris au travers du protocole de Kyoto.
Par l'importance des investissements et des emplois qu'elle représente, la production de biocarburants est aussi le moyen de développer une nouvelle filière industrielle au moment même où la France est confrontée à un véritable mouvement de désindustrialisation. C'est également un moyen de conforter l'avenir de notre industrie automobile, et on sait quel rôle important elle joue dans notre pays.
Alors qu'une directive européenne du 8 mai 2003 fixe aux Etats européens l'objectif d'incorporer 5,75 % de biocarburants dans leurs essences d'ici à 2010 et que des pays voisins, comme l'Espagne et l'Allemagne, mettent en place des politiques très volontaristes dans ce domaine, la France va-t-elle, monsieur le ministre, devoir se résigner à exporter sa matière première agricole pour la faire transformer à l'étranger et la réimporter en biocarburants ? Le Gouvernement a-t-il, au contraire, la volonté de favoriser le développement de cette filière, notamment par la mise en place d'une fiscalité adaptée à cette énergie renouvelable et beaucoup moins polluante que les énergies fossiles ?
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Réponse du Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 14/11/2003
Réponse apportée en séance publique le 13/11/2003
M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, il est clair que le développement des biocarburants fait partie de la stratégie de la France, et d'ailleurs de l'Europe, visant à la fois à garantir l'indépendance énergétique de notre pays et à lutter contre le CO2.
Il est non moins clair que nous ne sommes qu'au début d'une longue marche technologique pour rendre cette filière aussi compétitive que possible par rapport à d'autres filières qui ont aussi leurs mérites appliquées au domaine des transports terrestres.
Nous consacrons actuellement 175 millions d'euros de dépenses fiscales au développement des biocarburants, cette filière ne représentant que 1 % de notre consommation de fioul et de gasoil, soit 500 000 tonnes, alors que, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, nous devons atteindre 5 % en 2010.
L'écart entre ces pourcentages montre qu'il est nécessaire d'accélérer le développement de la filière.
Sur le plan commercial, nous envisageons d'introduire une obligation de consommer, pour partie, des biocarburants, mais ce qui entrave le développement de la filière elle-même, malgré ses mérites, est principalement la non-compétitivité relative des biocarburants par rapport aux autres sources énergétiques.
La tonne de CO2 « économisée » grâce aux biocarburants coûte actuellement près de 180 euros ; c'est beaucoup par rapport aux prix du « marché gris » qui est en train de se développer en Europe et où le permis d'émettre du CO2 s'échange à environ 40 ou 50 euros.
Un effort technologique doit donc être entrepris sur toute la filière des biocarburants, y compris sur la partie distribution.
Il suffit de chercher pour trouver, et, monsieur le sénateur, nous devrions donc rattraper assez rapidement notre retard, ce qui est en effet indispensable, car il nous serait tout à fait désagréable d'être contraints d'exporter des matières premières pour réimporter des produits finis afin de tenir nos engagements européens.
Mais, rassurez-vous, monsieur le sénateur, nous arriverons, je le pense, à développer une technologie compétitive qui ait des mérites à la fois sur le plan agricole, sur celui de la sécurité des approvisionnements et, bien sûr, sur celui de l'environnement.
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