Question de M. PEYRONNET Jean-Claude (Haute-Vienne - SOC) publiée le 17/10/2003

Question posée en séance publique le 16/10/2003

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je souhaite qu'il veuille bien répondre lui-même.

J'aimerais que vous nous expliquiez, monsieur le Premier ministre, les raisons qui justifient la précipitation avec laquelle vous voulez mettre en application le transfert de compétence du RMI-RMA - le revenu minimum d'insertion et le revenu minimum d'activité - voté par la majorité sénatoriale.

Le problème tient, d'une part, au gonflement inévitable du nombre des allocataires après la conclusion des accords de l'UNEDIC de décembre 2002 sur le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE, et, d'autre part, à votre décision de réduire ou de supprimer, selon les cas, les prestations d'allocation de solidarité spécifique, ou ASS, pour les chômeurs de longue durée.

J'ai bien compris qu'il y avait de l'idéologie là-dedans...

M. Jean-Patrick Courtois. De notre part, certainement pas !

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas que cela !

M. Jean-Claude Peyronnet. ... et que toute votre culture, issue de la contre réforme catholique, vous conduit à penser qu'il n'y a de rédemption que par le travail.

M. Jean-Patrick Courtois. Et c'est vrai !

M. Jean-Claude Peyronnet. Toutefois, si la loi Rocard sur le RMI instaure bien un droit de survie pour tous, celui-ci est tout de même issu de l'aide sociale.

Il est fort dommageable pour la dignité des bénéficiaires que vous préfériez ce type d'allocation charitable à l'allocation issue d'un travail !

J'ai bien compris aussi que faire sortir des bénéficiaires du système d'indemnisation du chômage présentait quelques avantages statistiques d'affichage, dont vous espérez un avantage politique.

J'ai bien compris enfin que l'urgence de confier le versement de l'allocation de RMI aux départements, en limitant la ressource aux 4,9 milliards d'euros que l'Etat y consacre - sans tenir compte du probable milliard supplémentaire qui proviendra des arrivées nouvelles, grâce à un système de vases communicants -, constituait un délestage des charges de l'Etat sur les finances locales, décelable d'ailleurs dans diverses dispositions du projet de loi sur les « responsabilités locales » que nous allons bientôt examiner.

Mesurez tout de même au passage, monsieur le Premier ministre, que les Français sont de moins en moins dupes de ce tour de passe-passe, mais que, hélas ! du coup, ils croient de moins en moins aux vertus de la décentralisation.

Cela étant, au bout du bout, il reste la technique, il reste les faits et l'impossibilité qui en résulte. La loi ne sera finalement votée qu'à la fin de 2003. Que doivent inscrire les départements dans leur budget pour 2004 ? Quand auront-ils une estimation validée des bénéficiaires ? Y aura-t-il compensation des frais de gestion, en particulier des 5 % réclamés par certaines caisses d'allocations familiales qui, pourtant, instruisaient jusque-là les dossiers gratuitement pour l'Etat.

Comment voulez-vous que les ASSEDIC, les caisses d'allocations familiales, vos services déconcentrés, les services des conseils généraux puissent se concerter suffisamment pour éviter une rupture dans les versements.

Monsieur le Premier ministre, cette précipitation est suspecte. Je vous saurais gré de bien vouloir nous rassurer sur vos intentions en différant la date de mise en oeuvre du nouveau dispositif au 1er janvier 2005, au lieu du 1er janvier 2004, entrant ainsi dans le droit commun que vous avez décidé.

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Réponse du Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité publiée le 17/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2003

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Il n'y a là aucune précipitation, monsieur le sénateur, mais la mise en oeuvre méthodique d'un projet gouvernemental qui consiste à donner une nouvelle orientation à la politique de traitement social du chômage afin qu'elle stimule au mieux la croissance.

C'est dans cet esprit que le Sénat a voté la réforme du RMI-RMA, dont l'Assemblée nationale sera saisie dans quelques jours.

Je voudrais, monsieur le sénateur, vous rassurer sur un premier point : aucun transfert de charges ne sera opéré sans l'octroi de ressources équivalentes aux départements - ce qui vaut aussi pour l'application de la réforme de l'allocation spécifique de solidarité - et cela pour une raison très simple, qui ne vous a d'ailleurs pas échappé, à savoir qu'il existe désormais une garantie constitutionnelle qui permet aux collectivités locales d'exiger que l'Etat assume la totalité des transferts de charges qu'il organise au profit des collectivités locales.

M. René-Pierre Signé. On connaît la chanson !

M. François Fillon, ministre. Pour ce qui concerne le RMI, nous allons d'abord nous fonder sur les dépenses effectives de 2003, dont le niveau est très élevé. Compte tenu de la conjoncture, le nombre de bénéficiaires du RMI est, en 2003, un des plus élevés qu'on ait connus depuis la création de cette allocation.

M. Bernard Piras. Encore un signe de la réussite de ce gouvernement !

M. François Fillon, ministre. De ce point de vue, la référence qui sera choisie devrait vous rassurer.

Par ailleurs, du fait de la limitation de la durée de l'ASS, les transferts éventuels devront être pris en compte par l'Etat dans le calcul du transfert de ressources aux départements.

Il n'est pas question pour le Gouvernement de reporter la mise en oeuvre de cette réforme au 1er janvier 2005. Nous avons besoin du revenu minimal d'activité et nous n'allons pas nous priver, en 2004, de cet instrument extrêmement important, qui permettra d'aider les chômeurs de longue durée à revenir vers l'emploi.

Il est vrai que le vote tardif de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, le débat sur les retraites ayant débordé dans le temps, va compliquer la tâche des départements. C'est pourquoi M. le Premier ministre et moi-même recherchons une solution pour adapter - mais il ne s'agira que de quelques semaines - le délai de mise en oeuvre de cette réforme.

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