Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - UMP) publiée le 11/09/2003

M. Serge Mathieu appelle l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur le récent constat qui a établi que en 1986, 58 % des documents de la Commission européenne étaient rédigés initialement en français, à peine 30 % l'étaient encore en 2001 (Les 4 Vérités, n° 408, 19 juillet 2003). Il lui demande les perspectives de son action ministérielle s'inspirant de ce constat accablant.

- page 2776


Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 08/01/2004

La place accrue prise par l'anglais dans les enceintes européennes est préoccupante. A la Commission, la difficulté ne tient pas tant à une érosion de l'usage du français - qui semble se stabiliser - qu'au renforcement de l'anglais face à toutes les autres langues officielles de l'Union européenne. Fondée sur ce constat, la stratégie française vise un triple objectif : faire respecter avec vigilance le régime linguistique en vigueur au sein des institutions européennes, favoriser la promotion de la diversité linguistique dont le français est le premier bénéficiaire, assurer la promotion de notre langue auprès des publics cibles des pays de l'élargissement. Il est tout d'abord indispensable de conforter les atouts dont le français dispose au sein de l'Union européenne. Nous nous employons à préserver son statut avantageux, notamment dans le cadre de la réforme du régime linguistique du Conseil de l'Union européenne, en veillant à conserver les régimes existants qui reconnaissent un statut privilégié au français (régime PESC, régime COREPER) et en limitant le plus possible les régimes sans interprétation. Notre langue bénéficie par ailleurs d'une présence enviable dans le secteur juridique. Les travaux de la Convention conduits pour une bonne part en français l'ont prouvé. Enfin, la promotion du français dans les institutions communautaires passe par la mobilisation et le renforcement de la coopération des administrations compétentes. Tous les trois mois, un groupe de travail interne au ministère des affaires étrangères se réunit autour du ministre délégué chargé de la coopération et de la francophonie afin de coordonner l'action des services et la stratégie en faveur de la langue française. D'autre part le ministère des affaires étrangères est en train, avec le ministère de la culture et en liaison avec le SGCI, de mettre en place un dispositif interministériel de veille sur les questions linguistiques qui réunira les principaux acteurs concernés au sein de l'administration française. Ce dispositif doit permettre de mieux répondre au développement du monolinguisme dans le fonctionnement quotidien des institutions, que ce soit notamment pour les délais de traduction des documents depuis l'anglais, la publication des appels d'offres, l'accès en français aux sites internet des différentes institutions, la procédure de recrutement ou le régime linguistique des agences. Le corollaire de ce renforcement de la veille est de dénoncer systématiquement les manquements et les entraves à la pleine application des dispositions linguistiques de l'Union européenne, ce que notre représentation permanente à Bruxelles s'emploie à faire systématiquement. En second lieu, notre promotion du français est partie intégrante de notre engagement en faveur de la diversité linguistique et culturelle. Nous ne défendrons pas le français seuls contre toutes les autres langues. Nous recherchons au contraire des alliés et assurons sa promotion en même temps que celle d'autres grandes langues au nom de notre combat pour la diversité linguistique et culturelle. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a obtenu que figure dans le projet de Constitution la reconnaissance explicite de la diversité culturelle et linguistique parmi les objectifs de l'Union européenne. Pour autant, la promotion du multilinguisme doit viser un objectif raisonnable. Il n'est pas envisageable, dans une Europe à vingt-cinq qui suppose la reconnaissance d'une vingtaine de langues et la possibilité de 420 combinaisons linguistiques, de prétendre défendre toutes les langues à la fois. La reconnaissance en droit d'un multilinguisme intégral entraînerait un unilinguisme de fait. Notre objectif est donc de favoriser l'émergence d'un régime linguistique rationalisé structuré à partir d'un nombre de langues limité, dans lequel le français confortera sa place de seconde langue la plus usitée. Cette stratégie est fondée sur la recherche systématique d'alliances, avec l'Allemagne notamment, dont l'élargissement renforcera le rayonnement de la langue. Le plurilinguisme dans les institutions européennes implique d'abord le plurilinguisme de la fonction publique communautaire. Nous avons obtenu que la maîtrise d'une seconde langue, en plus de leur langue maternelle, soit un critère de promotion des futurs fonctionnaires communautaires, ce qui constitue un pari sur l'avenir. Notre conception de la promotion de la diversité linguistique s'applique non seulement aux institutions communautaires, mais également aux politiques linguistiques de nos partenaires européens. Nous militons pour l'apprentissage obligatoire de deux langues vivantes étrangères dans l'ensemble des pays de l'Union, partant du constat, illustré avec succès en Espagne et en Italie, que l'enseignement d'une seconde langue vivante profite toujours au français. Le troisième axe de notre action vise à promouvoir la demande de français dans les pays de l'élargissement, en particulier auprès des futurs fonctionnaires européens issus de ces pays et des responsables issus du monde politique, de l'administration ou de la société civile en relation directe avec les instances européennes. Des actions spécifiques en direction des interprètes et des traducteurs pour lesquels nous souffrons d'un déficit sont également entreprises. Outre les crédits bilatéraux qu'elle consacre à ces actions (610 000 euros), la France a adopté en décembre 2002 un plan de soutien au français dans les institutions européennes avec la communauté française de Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg et l'Agence intergouvernementale de la francophonie qu'elle dote de 1,4 million d'euros par an et qui devrait encore monter en puissance. Ce plan finance chaque année la formation en français de 2 000 ressortissants des pays entrants amenés à travailler dans ou avec les institutions européennes. Il a aussi permis d'équiper 20 000 postes de travail d'un logiciel d'assistance à la rédaction en français. Par ailleurs, nos ambassades dans les pays d'Europe centrale et orientale consacrent entre 30 et 50 % de leurs crédits déconcentrés, soit plus de 10 MEUR, à des actions linguistiques dont la part est en forte progression chaque année pour accompagner l'élargissement. Il faut en outre compter avec l'action des instituts, centres culturels, alliances françaises et établissements d'enseignement français à l'étranger qui concourent à créer un environnement propice à la francophonie dans ces pays. L'année 2004 verra un accroissement des concours français et le lancement de nouvelles actions, notamment en direction des professeurs de français dans ces pays.

- page 64

Page mise à jour le