Question de M. POIRIER Jean-Marie (Val-de-Marne - UMP) publiée le 17/07/2003
M. Jean-Marie Poirier souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les conséquences de la décision du tribunal des conflits du 28 septembre 1998 relative aux recours contre les irrégularités commises avant et pendant une élection. Dans cette décision, le tribunal a estimé qu'il n'appartenait pas aux tribunaux judiciaires d'interférer dans les opérations électorales dont le contentieux relève du seul juge de l'élection, à savoir le juge administratif. Un juge judiciaire saisi en référé ne peut donc plus faire cesser les irrégularités commises avant ou pendant un scrutin (distribution de tracts diffamatoires, affichage en dehors des emplacements réservés, utilisation d'appels téléphoniques). Or, le juge administratif ne le peut pas davantage puisque les conditions procédurales des référés administratifs ne permettent pas le plus souvent de faire un recours pendant la période électorale. Il n'existe, en l'état actuel du droit, aucune voie de recours s'agissant des irrégularités commises avant ou pendant une élection par des personnes privées ou par des personnes publiques dont les actes ne peuvent pas être rattachés à un pouvoir leur appartenant. Le seul moyen de sanctionner ces irrégularités est donc un recours post électoral mais, lorsque l'on constate que la violation de nombreuses règles du code électoral n'entraînent pas pour autant l'annulation du scrutin, l'on peut craindre que la période préélectorale devienne une période de non-droit. L'article 3 du protocole additionnel du 20 mars 1952 de la convention européenne des droits de l'homme que la France a ratifié dispose pourtant que les parties à la convention s'engagent à organiser à des intervalles raisonnables des élections libres au scrutin secret dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif. L'absence de procédure d'urgence s'agissant d'irrégularités affectant la sincérité du scrutin paraît donc contraire aux obligations internationales de la France et par conséquent celle-ci pourrait faire l'objet d'une condamnation de la part de la Cour européenne des droits de l'homme. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement compte prendre afin de remédier à ce vide juridique.
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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 04/09/2003
L'honorable parlementaire fait référence à une jurisprudence du tribunal des conflits de 1998 qui affirme l'exclusivité de la compétence du juge administratif, au détriment de l'autorité judiciaire, pour apprécier la portée d'abus de propagande précédant la tenue d'élections politiques et considère qu'elle crée un vide juridique et place la France dans la situation d'être sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour la méconnaissance de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ses protocoles additionnels. Le Gouvernement ne partage pas cette analyse puisque les comportements décrits sont non seulement susceptibles d'être poursuivis et sanctionnés par le juge de l'élection, qui apprécie les conséquences d'actes de cette nature sur les résultats des scrutins en cause, mais qu'au surplus ils peuvent déclencher les procédures pénales habituelles prévues pour la répression des délits dans ce domaine (injure, diffamation, incitation à la haine...). Il convient d'ajouter que la loi du 30 juin 2000 ayant institué le référé administratif n'a pas exclu a priori son utilisation, dans la mesure où les conditions sont remplies, pendant la période électorale. Enfin, la pratique montre que les candidats ont toujours des velléités de faire prononcer des mesures conservatoires par le juge civil en matière de propagande électorale, souvent avec pour objectif inavoué d'influer sur le déroulement de la campagne et le scrutin, et que les juridictions judiciaires, méconnaissant leur incompétence dans ce domaine, acceptent parfois de faire droit à ces requêtes. Le vide juridique n'est donc pas avéré, à un point tel que la jurisprudence citée est unanimement partagée et reprise par les autres juridictions suprêmes : Cour de cassation, Conseil d'État et également Conseil constitutionnel pris en sa qualité de juge de l'élection (C.C., décision n° 93-1183 du 7 juillet 1993, A.N., Pyrénées-Orientales, 1re circ.). Le raisonnement suivi par les juges se comprend d'autant mieux lorsque sont en cause, dans les abus de propagande précédant les opérations électorales, des documents ou des décisions qui sont des préliminaires indispensables auxdites opérations et sont liés de manière consubstantielle au processus électoral (actions de propagande prévues par les textes électoraux, utilisation des sigles et appellations politiques, exposé des programmes et des opinions dans la presse, réunions, etc.).
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