Question de M. COINTAT Christian (Français établis hors de France - UMP) publiée le 12/06/2003
M. Christian Cointat demande à M. le ministre des affaires étrangères de bien vouloir lui faire connaître si le principe de l'interdiction de la propagande figurant à l'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger lui paraît conforme aux dispositions de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, à l'article 1er et à l'article 3 du protocole n° 1 à cette convention et aux articles 17 et 19 du pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 relatifs à la liberté d'expression des électeurs et des candidats ou listes. Il lui expose que l'article 3 de ce protocole s'applique à l'évidence à l'élection du CSFE ; en effet, selon les décisions du Conseil constitutionnel des 16 et 20 avril 1982 et n° 99-187 L du 6 octobre 1999, le régime électoral du CSFE relève précisément des règles relatives à l'élection du corps législatif qu'est le Sénat. Il lui demande de bien vouloir lui faire savoir comment le libre choix et l'expression libre des électeurs prévus par ces textes pourraient être garantis s'ils ne peuvent bénéficier d'une campagne électorale leur permettant de confronter démocratiquement les opinions des listes en présence. Il lui demande également comment les dispositions de l'article 8 de la convention de 1950 et de l'article 17 du pacte de 1966 prévoyant le droit de chacun au respect de sa vie privée et de sa correspondance et interdisant les immixtions arbitraires dans ces deux domaines pourraient être respectées, alors que pendant plusieurs années, même l'envoi aux électeurs de correspondances sous pli fermé par les listes ou candidats et les réunions privées étaient considérées par certains postes comme interdites à l'étranger. Il lui rappelle également les dispositions de l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Piermont c. France, du 27 avril 1995, selon lesquelles " si un Etat contractant peut assujettir " " la liberté de discussion politique " à certaines " restrictions " ou " sanctions ", il appartient à la Cour de statuer en dernier lieu sur leur compatibilité avec " la liberté d'expression ". La Cour décide qu'" un juste équilibre " doit " être ménagé entre, d'une part, l'intérêt général commandant la défense de l'ordre et le respect de l'intégrité territoriale et, d'autre part, la liberté d'expression d'un ressortissant d'un Etat de la Communauté ". Elle déclare admissibles les actes de propagande d'un tel ressortissant dès lors que son intervention s'inscrit dans le cadre d'un débat démocratique, qu'il n'est pas tenu de propos séditieux et que le Gouvernement n'a pas démontré que les prises de position de la requérante aient causé des troubles. Or, il lui expose que ces dispositions internationales ont, en vertu de l'article 55 de la Constitution, " une autorité supérieure aux lois " internes. II lui expose enfin que le Conseil d'Etat n'a jamais eu à statuer sur de tels moyens qui n'ont jamais été soulevés devant lui à l'occasion des différents contentieux des élections au CSFE et qu'il n'a jamais soulevé d'office. Le Gouvernement entend-il prendre des mesures législatives ou réglementaires pour clarifier le droit ?
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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 16/10/2003
L'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative au Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE) interdit effectivement toute propagande à l'étranger autre que " l'envoi ou la remise aux électeurs, sous pli fermé, des circulaires et bulletins de vote des candidats, effectués par les soins des postes diplomatiques ou consulaires concernés, et l'affichage de ces documents à l'intérieur des locaux des ambassades et des consulats et, en accord avec le pays concerné, dans des bureaux ouverts dans d'autres locaux ". Ces restrictions, fondées à l'origine sur la volonté du législateur de préserver la souveraineté des Etats étrangers sur le territoire desquels se tiennent ces élections, se trouvent toutefois assouplies désormais par la jurisprudence, qui tolère l'utilisation de sites Internet pour les candidats à cette élection lors des campagnes électorales. Tel fut d'ailleurs le cas le 1er juin 2003, lors du renouvellement partiel du CSFE dans les circonscriptions électorales d'Afrique et d'Amérique. Cela étant, le problème est bien réel et il est vraisemblable qu'un assouplissement des dispositions restrictives contenues dans la loi de 1982 permettrait à la fois d'obtenir des taux de participation moins décevants lors des futures élections au CSFE, et de mettre en conformité notre réglementation avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966. Mais il convient aussi de considérer la liberté d'expression des électeurs et des candidats ou listes dans sa totalité, sans la limiter à son application dans les pays de l'Union européenne pour lesquels s'imposent les dispositions de la Convention et les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. Dans cette perspective, la commission temporaire chargée de la réforme du CSFE a émis un certain nombre de propositions en matière de propagande électorale qui pourraient utilement faire l'objet d'un approfondissement par la commission permanente des lois et règlements du Conseil supérieur des Français à l'étranger. Dans le même esprit, les propositions de modifications de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 que souhaiteraient présenter les membres du CSFE, dans le respect des dispositions prévues par la convention de Vienne sur les relations consulaires, seront naturellement examinées avec la plus grande attention.
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