Question de M. BADRÉ Denis (Hauts-de-Seine - UC) publiée le 04/06/2003
M. Denis Badré attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire concernant l'état d'avancement au niveau européen des travaux portant sur la reconduction du dispositif de la TVA à 5,5 % pour les travaux d'entretien réalisés par des professionnels dans les locaux d'habitation de plus de deux ans. Après quatre années de mise en oeuvre, ce dispositif fiscal a un bilan très positif aussi bien pour l'emploi que pour les bénéfices dégagés et la santé de l'ensemble des entreprises artisanales du bâtiment. Ce dispositif qui devait prendre fin le 31 décembre 2002, a été prorogé d'un an. En effet, l'ensemble des partenaires européens ont fait connaître leur accord de principe pour que l'autorisation de réduire la TVA à 5,5 % prévue dans la directive européenne du 22 octobre 1999, soit reconduite d'un an. La ministre déléguée à l'industrie avait indiqué en octobre 2002 que la question de la pérennisation de la mesure serait discutée dans le cadre de négociations qui interviendront en 2003. En conséquence, il lui demande si les travaux de la Commission européenne ont débuté et, le cas échéant, si l'état d'avancement des négociations permet d'être optimiste quant à la pérennisation de cette mesure.
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Transmise au Secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation
Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 25/06/2003
Réponse apportée en séance publique le 24/06/2003
M. Denis Badré. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question concerne le taux de TVA applicable aux travaux dans le bâtiment, et s'adresse bien sûr, au premier chef, aux ministres chargés de la consommation et de l'artisanat, des finances ou encore des affaires européennes, mais aussi, en définitive, à tout le Gouvernement, car il est clair que, sur un tel sujet, la solidarité gouvernementale ne peut que s'exercer.
J'en parlais avec M. Gournac à l'instant, dans sa commune du Pecq-sur-Seine, dans mon département, dans tout le pays, les entreprises du bâtiment s'inquiètent de savoir à quelle sauce elles seront mangées dans les semaines ou dans les mois qui viennent.
Marché unique oblige, la TVA est un impôt à régime communautaire. Ce régime est défini par la directive du 16 décembre 1991, bien connue de tous les spécialistes, et assortie de l'annexe H, elle aussi bien connue. L'article 29 fixe les conditions dans lesquelles les Etats peuvent mettre en oeuvre un taux réduit de TVA.
Pour le moment, les marges de manoeuvre à l'intérieur de ce cadre sont très faibles parce que, depuis les origines, la Commission de Bruxelles souhaite que l'Union européenne adopte un régime commun de TVA et veut donc toujours aller plus loin dans la voie de l'intégration en la matière.
Nous nous y opposons.
Vous vous en souvenez, monsieur le président, j'ai signé un rapport sur le système commun de TVA en Europe dans lequel j'écrivais que le passage à un tel système serait prématuré. La mise en oeuvre trop rapide d'un régime de TVA trop européen se retournerait en effet contre l'Europe, car les disparités sont encore trop fortes : les consommateurs comme les Etats se révolteraient contre ce lui leur serait imposé, ce qui ferait régresser la cause européenne.
Pour l'heure, la Commission prend, en quelque sorte, en « otages » toutes les demandes de passage à taux réduit en refusant tant que les Etats n'accepteront pas le régime commun de toucher à quoi que ce soit et en tout cas à l'annexe H, qui définit la liste des biens et services susceptibles d'être taxés au taux réduit.
On en voit l'illustration avec les cédéroms éducatifs, chers au Président de la République, qui s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet en relevant à juste titre qu'il n'était pas normal que ceux-ci soient taxés au taux plein alors que les livres éducatifs étaient taxés au taux réduit. En 1991, les cédéroms éducatifs n'existaient pas, mais la Commission est arc-boutée sur sa position.
On ne touche donc à rien, sauf à utiliser l'article 29 de la directive de 1991, qui prévoit qu'à titre dérogatoire et temporaire on peut, dans certaines conditions, passer au taux réduit, à titre expérimental par exemple. Cela a été fait pour la floriculture en 1997. Surtout, c'est sur cet article 29 qu'est fondée l'expérimentation sur trois ans lancée en octobre 1999 pour certains services à haute intensité de main-d'oeuvre afin de faire apparaître si le passage au taux réduit encourage ou non l'activité.
Chaque Etat a eu le droit de proposer trois services pour tenir lieu de support à cette expérimentation. Je l'ai dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, je déplore que le gouvernement de l'époque n'ait pas retenu la restauration au titre de ces services, ce qui nous aurait évité bien des ennuis par la suite !
M. Alain Gournac. Ah oui !
M. Denis Badré. Cela dit, le gouvernement de l'époque a, comme nous l'y avions pressé, retenu les travaux dans le bâtiment, et il a eu raison.
Il était prévu qu'au bout de trois ans un bilan des effets du passage au taux réduit, notamment en termes de relance de l'activité, serait dressé. L'échéance aurait normalement dû être le mois d'octobre 2002, mais la Commission n'est pas du tout pressée de tirer le bilan puisqu'elle devra ensuite rouvrir l'annexe H.
La conclusion logique, si le bilan s'avérait positif, serait en effet l'élargissement de l'annexe H à tous les services pour lesquels les bienfaits du taux réduit seraient apparus. A nous dès lors de rappeler à la Commission que l'Europe, c'est aussi nous ! Demandons-lui donc de faire le bilan de l'expérimentation lancée il y a trois ans afin que nous sachions quelle appréciation elle porte sur celle-ci.
Pour les travaux dans le bâtiment, nous pensons, nous, que le bilan est positif : il apparaît en effet que, grâce au passage au taux réduit de la TVA, 50 000 emplois environ ont été créés par an dans le secteur du bâtiment, qui joue, à travers ses PME, un rôle très important dans la vie locale.
Par ailleurs, nous avons pu constater que des travaux représentant près de un milliard d'euros par an qui étaient effectués « au noir » le sont maintenant dans des conditions transparentes. C'est bon pour les recettes de TVA et c'est bon du point de vue de l'éthique à laquelle nous sommes tous attachés.
Il faut donc que la France fasse son propre bilan et qu'elle le fasse connaître à Bruxelles, comme il faut que Bruxelles fasse le bilan de l'expérimentation sur trois ans du passage au taux réduit de TVA sur divers services à haute intensité de main-d'oeuvre.
Madame la ministre, je souhaite en somme que vous leviez l'incertitude qui pèse sur les entreprises de travaux dans le bâtiment en confirmant que le bilan est positif et que le système du taux réduit sera donc pérennisé. Il faut répondre à l'attente légitime des entreprises du secteur mais aussi des consommateurs, qui se demandent s'il vaut mieux se lancer très vite dans des travaux qui seront peut-être mal faits, ou attendre et prendre le risque de perdre le bénéfice du taux réduit.
On ne sait pas où l'on va, et c'est la pire des choses. Madame la ministre, aidez-nous à sortir de cette incertitude, aidez-nous à mieux nous faire entendre à Bruxelles pour que le bilan soit enfin fait et que, sur la base de ce bilan, des décisions fortes soient prises : des décisions fortes pour l'emploi, fortes pour l'activité et fortes pour notre tissu local !
MM. José Balarello et Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Badré, je réponds certes en lieu et place de M. Renaud Dutreil, mais, si les mesures que vous attendez seront fortes pour l'économie et pour l'emploi, elles le seront aussi pour l'environnement.
MM. Denis Badré et Alain Gournac. Absolument !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Des travaux d'isolation phonique et thermique ont pu être exécutés dans les logements grâce au taux réduit de TVA : c'est aussi extrêmement important, pour se protéger contre le bruit, monsieur Gournac, comme pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, particulièrement importantes lorsque les installations de chauffage sont mal faites ou les appartements mal isolés.
Comme l'a indiqué M. Badré, l'expérimentation de la TVA à taux réduit dans le secteur du bâtiment était prévue jusqu'au 31 décembre 2003.
La France a présenté un rapport circonstancié sur l'impact de la baisse de la TVA dans ce secteur riche en emplois : plus de 1 milliard d'euros de hausse de chiffre d'affaires par an et création de 40 000 emplois. La baisse de taux, qui de surcroît a été très largement répercutée au consommateur final, a ainsi permis de redynamiser le secteur et entraîné de nombreuses créations d'emplois.
La Commission a rendu public, le 2 juin dernier, un rapport d'évaluation sur cette expérimentation mise en oeuvre par neuf Etats membres.
Ce rapport, inexplicablement, n'est guère favorable à une pérennisation de l'application du taux réduit de TVA. En effet, la Commission considère que, pour être pleinement efficaces, les baisses de TVA auraient dû être intégralement répercutées sur les prix payés par les consommateurs, ce qui, selon elle, n'a pas été le cas.
De plus, la Commission a rencontré des difficultés pour isoler les effets spécifiques de cette mesure, dans le contexte de la reprise intervenue à la fin des années quatre-vingt-dix, contexte qui était en lui-même favorable aux créations d'emplois, notamment dans les services. Par ailleurs, les effets attendus de réduction de la sphère de l'économie souterraine sont, là encore selon elle, très difficilement mesurables.
Le commissaire Frits Bolkestein, en charge de la fiscalité, a toutefois assuré à M. Renaud Dutreil, lorsqu'il l'a rencontré le 2 juin dernier, qu'il proposerait à la Commission d'autoriser les Etats membres à opter pour la TVA à taux réduit dans le secteur du bâtiment, et ce à titre définitif.
Cette question doit être examinée début juillet par la Commission européenne. La négociation se poursuivra au Conseil européen, qui doit se prononcer sur ce sujet à l'unanimité. Son résultat n'est donc pas acquis à l'avance.
M. Renaud Dutreil a donc prévu de rencontrer plusieurs partenaires européens dès la rentrée pour les convaincre de l'intérêt de cette proposition de directive, dont l'objectif de « moderniser, simplifier et appliquer de façon plus uniforme le système commun de TVA » n'est, vous l'avouerez, guère contestable.
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Mme la ministre a démontré qu'elle connaissait le sujet aussi bien que ses collègues plus directement concernés, et j'en suis très heureux, car ce sujet doit être connu de l'ensemble des membres du Gouvernement, du nôtre, mais aussi des gouvernements des autres Etats de l'Union européenne.
Vous disiez, madame la ministre, que la position de la Commission était inexplicable. J'ai essayé, au cours de mon intervention, de démontrer que, si la Commission se refuse à toucher au régime actuel, c'est pour forcer les Etats membres à passer au régime commun, ce qui serait, certes, très européen mais aussi très prématuré.
Il nous faut donc parvenir à gérer le calendrier et à faire en sorte que, dès maintenant, nos entreprises puissent exercer leur activité dans un contexte qui leur permette de le faire normalement.
Il faut donc réfuter l'analyse de la Commission et démontrer que les conditions dans lesquelles le passage au taux réduit s'est fait ont été très satisfaisantes.
Il faut rappeler que la TVA est un impôt à la consommation : c'est le consommateur qui doit intégralement bénéficier de la modification du taux. Parce qu'il paye moins cher, le consommateur va consommer plus et permettre à l'activité économique de se développer. A travers une augmentation de la consommation, on obtient donc une augmentation de l'activité, et cela dans tous les domaines.
C'est pourquoi il faut réfuter l'argument de Bruxelles et faire connaître le bilan. Je suis heureux de voir que vous avez confirmé les chiffres que j'avançais sur l'augmentation du chiffre d'affaires et sur la réduction du travail au noir. Il faut faire connaître ces chiffres. M. Dutreil saura, j'en suis sûr, convaincre ses collègues que, sur un sujet comme celui-là, qui est un sujet politique, il faut que le gouvernement français se fasse le porteur de l'anxiété et des préoccupations d'un secteur qui est vital pour notre économie et arrive à rendre cette anxiété contagieuse afin que les gouvernements des autres pays de l'Union, où le problème se pose d'ailleurs exactement dans les mêmes termes, se joignent à nous.
La pression doit être suffisamment forte pour que le Conseil, sur proposition de la Commission, prenne une décision. Il faut donc la convaincre au départ.
Il convient de rappeler inlassablement que l'Europe, c'est nous, et non pas la Commission. C'est parce que nous exprimons nos besoins, nos attentes, nos problèmes, que l'Europe avancera.
Le problème doit être résolu : il faut pérenniser le régime du taux réduit de TVA. C'est légitime, juste, équitable ; c'est nécessaire pour notre économie et pour notre pays. J'ajoute incidemment que nous devrions, dans les mêmes conditions, faire avancer le dossier de la restauration, qui se pose exactement dans les mêmes termes.
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