Question de M. DÉTRAIGNE Yves (Marne - UC) publiée le 01/05/2003
M. Yves Détraigne appelle l'attention de M. le ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur l'avenir du forum mondial de l'éducation pour tous. En effet, malgré toute l'importance qui doit être accordée à l'éducation en raison de ses nombreuses répercussions politiques, sociales et économiques, le rapport d'étape réalisé par l'Unesco souligne la baisse de l'aide bilatérale globale pour l'éducation, et notamment de l'aide française, en diminution de 22 % entre 1990 et 2000. Conscient des contraintes budgétaires actuelles de notre pays, il s'inquiète toutefois des répercussions à terme négatives des baisses de crédits en faveur de la coopération éducative et il rappelle que, pour être efficace, celle-ci doit pouvoir s'appuyer sur la volonté politique des Etats. Par conséquent, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour relancer l'action de la France en matière de coopération internationale pour l'éducation.
- page 1448
Réponse du Ministère délégué à la coopération et à la francophonie publiée le 03/07/2003
L'honorable parlementaire appelle l'attention du ministre délégué à la coopération et à la francophonie sur la menace que fait peser la baisse de l'aide bilatérale au développement sur la réalisation des objectifs retenus au Forum mondial sur l'éducation réuni à Dakar en 2000. Les récentes analyses montrent qu'effectivement, dans un grand nombre de pays, la scolarisation progresse aujourd'hui à un rythme qui ne permettra pas d'atteindre l'enseignement primaire universel en 2015. C'est particulièrement le cas pour l'Afrique subsaharienne où actuellement plus de la moitié des enfants en âge d'être scolarisés n'ont pas accès à l'école ou la quittent prématurément, venant ainsi grossir le flot des adultes analphabètes. Cette situation de sous-scolarisation persistante compromet sérieusement la mise en oeuvre de politiques efficaces de lutte contre la pauvreté et représente aujourd'hui l'un des obstacles majeurs au développement économique et social, au renforcement de la bonne gouvernance et à la stabilité politique du continent africain. De toute évidence, la réalisation de la scolarisation universelle constitue pour l'Afrique un défi majeur. Pour le relever, elle devra scolariser en 2015 près de 180 millions d'enfants. Les pays africains francophones, quant à eux, auront un effort particulièrement lourd à consentir, puisqu'ils devront, à l'horizon 2015, scolariser 71 millions d'enfants, alors qu'ils en scolarisaient 23 millions en 1985 et 34 millions en 2000. La nécessaire extension de la couverture des dispositifs éducatifs implique une mobilisation accrue de ressources (construction de classes, recrutement d'enseignants...) qui dépasse les capacités de financement des pays concernés, particulièrement des plus pauvres, rendant indispensable le recours à l'aide extérieure. Les ressources budgétaires additionnelles offertes par le processus d'allègement de la dette (initiative pour les Pays Pauvres Très Endettés) constituent un début de réponse au problème du financement des politiques de développement de l'éducation. La communauté internationale (conférence de Monterrey de mars 2002, sommet du G8 de Kananaskis en juin 2002), en plaçant l'éducation au coeur des politiques d'aide au développement, a pris l'engagement d'augmenter l'aide publique au profit de la scolarisation universelle. La récente initiative Fast Track (procédure accélérée pour l'Education Pour Tous) adoptée par le comité de développement de la Banque mondiale d'avril 2002 permet aux pays présentant des programmes sectoriels convaincants et réalistes d'accéder à des financements extérieurs additionnels. Selon cette initiative, l'atteinte de l'objectif de l'Education Pour Tous en 2015 implique une aide extérieure annuelle d'environ 2,9 milliards de dollars américains, dont 2,1 pour la seule Afrique Subsaharienne. Dans le cadre de cette initiative, que la France préside en 2003, dix pays (Burkina-Faso, Guinée, Guyana, Honduras, Mauritanie, Nicaragua, Niger, Gambie, Mozambique, Yemen) sont d'ores et déjà concernés pour un montant d'environ 300 millions d'euros sur trois ans. Toutefois, les estimations actuelles montrent que la plupart des systèmes éducatifs de l'Afrique subsaharienne se caractérisent par des coûts unitaires élevés, incompatibles avec la réalisation de l'objectif de scolarisation universelle pour 2015, et qu'il convient en conséquence de faire un effort de rationalisation et d'optimisation de la dépense publique. Force est de constater que la recherche d'une plus grande efficience dans l'allocation et l'utilisation des ressources consacrées à l'éducation est un enjeu tout aussi essentiel que l'augmentation du volume de ces ressources. L'appui financier international doit donc être très étroitement lié à la mise en oeuvre de profondes réformes structurelles, certes difficiles et coûteuses sur les plans social et politique, mais indispensables à l'élévation des performances des systèmes en terme d'accès, d'équité et de qualité. La France a contribué activement, tant au plan diplomatique que technique, à la mise en place de l'ensemble de ces initiatives récentes visant à accroître les financements extérieurs en faveur de la scolarisation universelle. L'aide publique au développement française a certes baissé de 1994 à 1997, mais depuis s'est stabilisée pour connaître un redressement, suite au récent engagement du Président de la République de faire passer cet effort public de développement de 0,37 % du PIB à 0,5 % en cinq ans, puis à 0,7 % en dix ans. Convaincue des effets positifs de l'éducation sur la croissance économique, la réduction des inégalités, la santé, la démographie, mais aussi sur la démocratie et la paix, la France s'est également engagée à accroître la part de son aide publique au développement allouée à l'éducation. Selon les dernières statistiques disponibles du comité d'aide au développement de l'OCDE, en 2001, elle consacrait 24 % de ses engagements au secteur de l'éducation, se plaçant ainsi au premier rang des pays donateurs. La coopération française s'est engagée dans un effort profond de renouvellement de ses modes d'intervention, notamment par un repositionnement de ses projets (environ vingt-cinq projets en cours dans une vingtaine de pays pour près de 35 millions d'euros d'engagement sur la période 1999-2002) et une évolution qualitative de son assistance technique (environ 250 agents, soit un effort budgétaire annuel de 21,2 millions d'euros), afin de mieux s'insérer dans ce nouveau paysage éducatif. Les interventions en matière d'infrastructures (constructions scolaires...) financées sur dons de l'Agence française de développement représentent, quant à elles, 34,1 millions d'euros sur la période 1999-2002. L'universalisation de l'école primaire est aujourd'hui l'objectif principal de la coopération éducative française qui entend faire porter ses efforts sur deux questions essentielles : celle de l'efficience des ressources nationales et extérieures allouées au secteur éducatif, et celle de l'impact des politiques éducatives sur le développement économique et social (particulièrement en termes de réduction de la pauvreté et des inégalités). D'autre part, la France, dans le cadre de l'initiative Pays Pauvres Très Endettés, amorce actuellement un effort supplémentaire exceptionnel d'allégement de la dette bilatérale, estimé à 3,7 milliards d'euros sur une dizaine d'années, qui, sous la forme de contrats de désendettement-développement (C2D), doit bénéficier en priorité aux secteurs sociaux, particulièrement au secteur éducatif. Elle entend poursuivre dans cette voie de l'aide-programme, en expérimentant en 2004 le financement, sur le Fonds de solidarité prioritaire, de programmes sectoriels d'éducation dont les premiers bénéficiaires pourraient être les pays élus à l'initiative Fast Track.
- page 2147
Page mise à jour le