Question de M. BÉTEILLE Laurent (Essonne - UMP) publiée le 04/04/2003
Question posée en séance publique le 03/04/2003
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le garde des sceaux, l'émotion suscitée par des disparitions récentes d'enfants montre que la société française s'inquiète de plus en plus, et à juste titre, des risques qu'encourt la jeunesse.
La pédo-pornographie a été plus ou moins ignorée jusqu'au début des années soixante-dix et ne constituait pas alors un débat de société. Dans la foulée de mai 1968, elle a été légitimée par certains au nom de la libération sexuelle. Ce n'est qu'au cours des années quatre-vingt, que la pédo-pornographie a été reconnue comme une déviance condamnable, notamment grâce à l'adoption de la loi de juillet 1989 sur la protection de l'enfance. C'est alors que s'est produite, au début des années quatre-vingt-dix, l'explosion du numérique.
Dans les Etats développés, la progression exponentielle du taux de connexion aux réseaux et la diffusion des nouvelles technologies de l'information et de la communication transforment et élargissent cette délinquance, jusqu'à présent réservée à quelques-uns. En outre, la profusion des offres de connexion gratuite et anonyme facilite le passage à l'acte. Cela correspond à une évolution nouvelle de la pédophilie.
En effet, le trouble à l'ordre public qui caractérise ces infractions est amplifié par la possibilité que de tels contenus illicites circulent non plus sous le manteau, mais en présence d'un nombre tendanciellement illimité de témoins usagers de l'Internet.
L'impunité, ou le sentiment d'impunité, dont semblent bénéficier les auteurs de contenus illicites ne peut qu'altérer le degré de confiance des usagers de l'Internet dans la capacité opérationnelle des Etats à faire cesser les applications délinquantes des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
C'est la crédibilité de l'Etat et de la justice qui est jetée dans la balance.
C'est la protection des enfants et des adolescents, qui utilisent de plus en plus fréquemment et abondamment l'Internet, qui est en cause.
Monsieur le ministre, quel est aujourd'hui le dispositif français mis en place pour lutter contre la pédo-pornographie, via l'Internet ? Quelles sont les peines encourues par les détenteurs d'images et par les hébergeurs de sites pédo-pornographiques et prononcées contre eux ? Les dispositions législatives actuelles sont-elles suffisantes pour lutter efficacement contre cette nouvelle forme de criminalité ? Existe-t-il une réflexion politique et des outils juridiques pour mener efficacement cette lutte sur le plan international ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/04/2003
Réponse apportée en séance publique le 03/04/2003
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je partage votre sentiment : l'institution judiciaire doit mieux assurer la protection de l'enfance et il nous faut faire un effort en ce sens.
Internet est, certes, un espace de liberté, mais il est aussi un espace de risques. Depuis un certain nombre d'années, nous observons, en effet, une utilisation croissante de cette nouvelle technologie pour des activités à caractère criminel.
Quel est l'état du droit ?
Aujourd'hui, la législation permet déjà de réprimer sévèrement la fabrication et la diffusion d'images violentes ou pédo-pornographiques sur l'Internet, puisqu'elle prévoit un certain nombre d'amendes et jusqu'à cinq ans d'emprisonnement. J'ai donc donné instruction, à la fin de janvier 2003, aux procureurs de la République d'appliquer très strictement les textes existant et de poursuivre systématiquement.
Par ailleurs, nous avons suscité la mise en place, au sein des cours d'appel de Versailles et de Paris, de magistrats spécialisés dans la poursuite de ce type d'activité criminelle.
Dans le projet de loi que je présenterai en conseil des ministres le 9 avril prochain, je proposerai que les peines encourues par ceux qui créent où qui diffusent de telles images puissent être doublées.
Mais l'Internet est aussi un outil international, et il est donc indispensable de travailler à ce niveau-là. C'est la raison pour laquelle nous favorisons la coopération judiciaire entre magistrats et policiers. Il y a quelques semaines à Athènes, lors d'un colloque auquel je me suis rendu, policiers, magistrats et associations de défense des enfants ont travaillé sur ces sujets. Un certain nombre de conclusions ont déjà été tirées.
Au niveau du Conseil de l'Europe, une convention sur la cybercriminalité a été signée en 2001, et je vous proposerai, avant la fin de l'année, l'introduction de cette convention dans notre droit interne.
Enfin, je voudrais souligner le fait qu'un site interministériel nous permet aujourd'hui de répérer des sites pédo-pornographiques et d'enclencher immédiatement des poursuites pénales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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