Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - UMP) publiée le 28/03/2003
M. Jean-François Le Grand attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur le projet du département de la Manche de réalisation d'un réseau à haut débit de fibres optiques. En effet, de la même manière qu'une collectivité fait un choix technologique quand elle établit et exploite un réseau de télécommunications ou quand dans certains cas elle devient opératrice, une collectivité doit pouvoir intégrer dans une commande publique répondant à ses besoins propres un objectif d'aménagement du territoire, et par conséquent doit pouvoir fixer les technologies qui répondent le mieux d'une part à ses besoins propres et d'autre part à l'établissement d'offres de services haut débit sur le territoire concerné. En conséquence, il lui demande, dans le cadre de commandes publiques, quelles seront les possibilités ; pour les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération locale concernés, d'introduire des critères d'aménagement du territoire et de développement économique parmi les critères de choix des candidats.
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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 07/05/2003
Réponse apportée en séance publique le 06/05/2003
M. Jean-François Le Grand. Monsieur le ministre, vous avez reçu le texte de ma question, que je me bornerai ici à expliquer, eu égard à la complexité du langage technique employé.
L'article L. 1425-1 du code général des collectivités territoriales que tend à insérer l'article 1er A du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique autorisera les collectivités locales à devenir, selon certaines modalités, opératrices dans le domaine des télécommunications. Le département de la Manche, qui s'est engagé, comme beaucoup d'autres, dans une politique de réduction de la fracture numérique, a décidé de ne pas faire ce choix. Nous pensons en effet que cela ne relève pas des missions des collectivités territoriales.
Néanmoins, nous souhaitons investir sur ce marché, suffisamment pour qu'il puisse ensuite se développer de façon autonome. Nous nous inscrivons là dans une démarche d'aménagement du territoire : intervenir pour permettre le jeu de l'économie libérale tout en faisant en sorte qu'aucune zone ne soit définitivement écartée.
Or le principe de neutralité technologique, qui vaut toujours, vient contrarier quelque peu cette démarche. En effet, à la limite, l'application de ce principe sous sa forme actuelle nous conduirait à devenir opérateurs plutôt que d'investir pour que le marché s'exerce librement, dans la mesure où nous serions ainsi beaucoup plus sûrs d'aboutir.
Le principe de neutralité a certes des vertus. Il a notamment permis d'éviter de « préchoisir » un opérateur en retenant une technologie qu'il était le seul à utiliser. Toutefois, le paysage des télécommunications ayant profondément évolué, ce principe est aujourd'hui un peu obsolète et il convient de le toiletter afin de le rendre plus opérationnel. C'est la raison pour laquelle je souhaite que vous disiez que les collectivités sont autorisées à choisir des offres de services à haut débit en se fondant sur des critères d'aménagement du territoire ou de développement économique, et non plus sur le seul principe de neutralité technologique. Cette précision, sans remettre en question le code des marchés publics, faciliterait grandement la vie des collectivités et leur permettrait de mener une véritable politique d'aménagement du territoire, à laquelle on nous invite à chaque instant.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur et président d'un conseil général, la commande publique est effectivement un des outils dont disposent les collectivités territoriales pour stimuler le développement du haut débit sur leur territoire, dans les limites permises par le code des marchés publics.
A cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l'article 5 de ce code, les marchés conclus par les personnes publiques doivent avoir pour objet exclusif de répondre à leurs besoins.
Les besoins des personnes publiques peuvent être variés. Comme le rappelle l'instruction ministérielle du 21 août 2001 prise pour l'application du code, ces besoins peuvent concerner non seulement le fonctionnement propre de la collectivité, mais aussi ses activités d'intérêt général qui la conduisent à fournir des prestations à des tiers.
En matière de télécommunications à haut débit, les besoins des collectivités territoriales peuvent donc concerner les communications internes des collectivités mais aussi leurs communications externes avec des partenaires prédéfinis ou non, usagers de leurs services d'intérêt général.
Dans ce cadre, il appartient aux collectivités territoriales de définir les critères de choix des offres et leur pondération en fonction de leurs missions et de leurs priorités. Elles pourront ainsi mettre l'accent, par exemple, sur le coût du marché ou sur ses effets sur le développement économique et l'aménagement du territoire, sachant que les critères doivent être le reflet des besoins fonctionnels et économiques des collectivités ainsi que des exigences de réalisation - par exemple des délais -, et non pas de solutions techniques. C'est donc l'aménagement du territoire hors de la contrainte de la neutralité technologique.
Un document d'orientation pour l'achat public de services de télécommunications est disponible sur le site Internet du ministère délégué à l'industrie. Les collectivités territoriales peuvent utilement s'y référer pour la conception de leurs appels d'offres dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Je remercie M. le ministre d'avoir apporté une réponse aussi précieuse dans le cadre des marchés publics et aussi pertinente. En effet, ce qui est octroyé aux collectivités - c'est très clair - c'est non pas la liberté de tout faire, mais la possibilité d'apprécier une offre par rapport aux enjeux qui sont les leurs.
Monsieur le ministre, je vous remercie donc très sincèrement, au nom du département de la Manche, que j'ai l'honneur de présider, et, j'en suis persuadé, au nom de l'ensemble des collectivités qui sont confrontées à ce problème.
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