Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 13/03/2003
Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur la situation financière de l'université de Paris-XII et l'insuffisance de moyens alloués à l'établissement pour l'année 2003 qui maintiennent l'université dans un état inquiétant de sous- encadrement en personnels enseignants chercheurs, administratifs et techniques. Cela a d'autant plus d'importance que de nombreux étudiants sont issus de milieux sociaux défavorisés. Devant l'urgence de la situation, la direction de l'université a organisé le 11 mars 2003 une journée d'information et de débat à laquelle étaient invités les parlementaires, des élus du Val-de-Marne et de Seine-et-Marne, des partenaires économiques et institutionnels de l'université, des personnels, étudiants et la presse. L'objectif étant de faire connaître la situation précaire dans laquelle se trouve cet établissement d'enseignement supérieur génératrice de difficultés importantes afin d'obtenir les moyens indispensables à la réussite des étudiants. Elle lui demande de dégager dans les plus brefs délais des compléments de crédits substantiels pour le fonctionnement et le recrutement de personnels enseignants chercheurs et IATOSS de l'université Paris-XII.
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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement scolaire publiée le 30/04/2003
Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 207, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, depuis l'automne dernier, l'inquiétude et le mécontentement de la communauté universitaire n'ont fait que s'amplifier, vous le savez. En effet, l'annonce et le vote d'un budget de l'enseignement supérieur en nette diminution par rapport à 2002, amputé, de surcroît, de 2 millions d'euros sur l'initiative de nos collègues de la majorité sénatoriale, ainsi que le gel de 234,41 millions d'euros qui vient d'intervenir, n'ont fait qu'accentuer la détérioration flagrante des conditions de fonctionnement des universités françaises.
Cette dégradation est telle, monsieur le ministre, qu'elle s'est traduite par la fermeture pendant une semaine de deux universités, celles de Toulouse-le-Mirail et de Paris XI, au mois de février dernier, afin de réaliser des économies.
Cette situation est inacceptable pour un pays développé au xxe siècle. La France se trouve parmi les derniers pays d'Europe pour le montant des crédits alloués à l'éducation nationale par rapport à son PIB.
La manifestation inédite en faveur des crédits de la recherche, à la tête de laquelle se trouvait Axel Kahn, a témoigné de l'inquiétude des chercheurs pour l'avenir. Tous les domaines sont concernés, le développement économique comme la santé.
Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je citerai l'exemple de l'université Paris XII Créteil, que je connais bien pour siéger au conseil d'administration. Le 11 mars dernier, devant l'urgence de la situation, le conseil d'administration a organisé une journée d'information sur la détérioration croissante des conditions d'accueil et d'enseignement des étudiants. Quatre cents étudiants et enseignants y ont assisté, ainsi que de nombreux élus du Val-de-Marne. Cet établissement, qui accueille aujourd'hui 27 000 étudiants - cet effectif n'a cessé d'augmenter ces dernières années, puisqu'à sa création, monsieur le ministre, l'université comptait 10 000 étudiants -, voit ses dotations en emplois diminuer pour 2003. En effet, alors que les calculs de dotation théorique en emplois d'enseignants et d'enseignants-chercheurs font apparaître un déficit de près de 300 emplois, les attributions pour 2003 ont été de quatre emplois, hors IUT et bibliothèques. C'est dérisoire !
Je sais, monsieur le ministre, que nous ne calculons pas le nombre d'étudiants de la même manière, car vous ne prenez pas en compte la formation continue, qui est pourtant appelée à se développer tout au long de la vie.
Par ailleurs, la dotation des emplois en personnels IATOS - ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers - est de sept emplois en 2003 contre onze en 2001. Or les calculs de dotation théorique reconnaissent un déficit de 140 emplois, hors IUT et bibliothèques.
De ce fait, on observe un accroissement des coûts salariaux pour les établissements dus notamment à l'augmentation des heures supplémentaires. Cela se traduit par une réduction des investissements.
Un grand journal du soir titrait, le jeudi 24 avril dernier : « L'académie de Créteil concentre les maux de l'école en banlieue. » Un rapport d'évaluation a été réalisé sur cette académie. Il fait suite aux importants mouvements de grève des enseignants de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne en 2000 et en 2001, et à la demande que j'avais adressée au conseil départemental de l'éducation nationale, au nom du conseil général du Val-de-Marne, de création d'un observatoire. Celui-ci s'est réuni deux fois et fut l'occasion de discussions très intéressantes.
L'université Paris-XII a la responsabilité d'accueillir en particulier les bacheliers du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne et d'une partie de la Seine-Saint-Denis, dont les résultats sont inférieurs de dix points à la moyenne nationale.
Cette université, construite en 1970, sera enfin terminée grâce à notre lutte acharnée avec les présidents d'université successifs et le conseil général. Elle abrite des pôles d'excellence de renommée nationale, comme, notamment, le CHU Henri-Mondor, le cursus AES, l'Institut d'urbanisme de Paris, les IUT de Créteil-Vitry et de Sénart-Fontainebleau, la faculté de droit.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que cette université, comme celles de Paris-VIII et de Paris-XIII, devrait bénéficier de crédits supplémentaires pour assurer la réussite des étudiants qui sont en moyenne 47 % à échouer au DEUG ?
Je sais que d'autres facteurs interviennent dans les résultats scolaires, et en premier lieu l'environnement social. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas supprimer de crédits.
Monsieur le ministre, un tel constat de pénurie appelle un plan d'urgence pour cette université, comme pour d'autres, d'ailleurs. Je vous demande que soit attribuée à l'université Paris XII une dotation supplémentaire importante afin de créer des conditions d'accueil et d'encadrement à la hauteur des besoins.
Monsieur le ministre, les représentants de l'université Paris-XII présents dans les tribunes et moi-même attendons avec impatience votre réponse. Je sais bien que vous ne pourrez pas nous donner aujourd'hui une réponse suffisamment approfondie, aussi souhaiterais-je qu'une rencontre ait lieu au ministère de l'éducation pour envisager quelles peuvent être les solutions.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Madame Luc, une fois de plus, vous posez une longue question, qui s'adresse d'ailleurs à Luc Ferry, dont je vous prie d'excuser l'absence. Je vous réponds donc à sa place.
Le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a pleinement conscience des besoins, en termes de moyens, de l'université Paris-XII - Val-de-Marne. Luc Ferry a dû vous le faire savoir. De fait, les chiffres ne sont pas défavorables, même s'ils ne disent pas tout.
Au cours de la période 1997-2001, les effectifs des étudiants ont augmenté de 9,5 %. Dans le même temps, le potentiel des enseignants a augmenté de 27,3 % - 184 emplois créés - et celui des personnels IATOS de 17,6 % - 55 emplois créés -, tandis que la dotation globale de fonctionnement progressait de 58 %, passant de 4 045 000 euros à 6 410 907 euros.
En outre, le contrat quadriennal de développement 2001-2004 conclu entre l'Etat et l'université prévoit un financement sur les quatre années de 22,6 millions d'euros, dont 8,8 millions d'euros au titre du fonctionnement, qui s'ajoute à la dotation globale.
Certes, je ne suis pas, je le répète, un spécialiste des chiffres universitaires - c'est Luc Ferry qui suit ces questions -, mais ils ne sont pas, me semble-t-il, défavorables. C'est dire que l'Etat a souhaité accompagner le développement de l'université et répondre à ses besoins, au-delà de la seule évolution de ses effectifs, pour rattraper le décalage, en termes de moyens, par rapport à l'ensemble des universités.
Malgré cet effort, et comme vous le souligniez, madame Luc, l'Etat et l'université n'y sont que partiellement parvenus. Deux facteurs peuvent l'expliquer : une augmentation des surfaces immobilières de 31 % entre 1997 et 2001 et, surtout, l'évolution de la structure de l'offre de formation, avec le doublement du nombre de diplômes professionnels proposés par l'université.
La professionnalisation des formations, évidemment souhaitable, requiert néanmoins des taux d'encadrement sensiblement plus élevés que pour les formations générales : elle est donc très consommatrice de postes et de crédits, alors même que les effectifs étudiants n'augmentent pas au même rythme.
Le prochain contrat de l'université devra permettre, dans le cadre du dispositif Licence-Master-Doctorat, de rendre plus cohérentes entre elles l'offre de formation et la politique des moyens de l'université.
C'est ainsi que l'Etat continuera d'apporter son meilleur soutien à l'université Paris XII - Val-de-Marne, à la situation de laquelle nous demeurons, bien évidemment, très attentifs. Je ne doute pas que M. Monteil, directeur de l'enseignement supérieur, sera prêt à recevoir les représentants des personnels de l'université, puisque vous en avez manifesté le souhait.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je connais bien les chiffres que vous avez cités, mais je crois qu'il faut vraiment prendre en compte les deux arguments suivants.
En premier lieu, l'université a été créée en 1970 pour 10 000 étudiants ; or ils sont maintenant 27 000. En second lieu, le plan d'évaluation qui a été établi par les inspecteurs généraux ne peut pas vous laisser indifférent et appelle des mesures.
La réponse que vous venez de me faire n'est pas du tout à la hauteur des besoins. Je suis déçue, je dois vous le dire, mais j'espère que vous accepterez la rencontre que je vous ai proposée.
Votre réponse ne permet pas de réaliser la politique universitaire que les enseignants et les étudiants appellent de leurs voeux, c'est-à-dire une politique ambitieuse de formation supérieure de la jeunesse qui crée de véritables conditions de réussite, chaque étudiant devant être capable - vous le dites vous-même - de s'adapter à plusieurs métiers au cours de sa vie.
Par ailleurs, à la suite du vote récent par la majorité sénatoriale de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République qui prévoit un droit à l'expérimentation régionale en matière de gestion des universités, la crainte est grande de voir se développer une France universitaire inégalitaire : à région pauvre, université pauvre !
Il faut souligner la levée « en masse » - vous le constaterez le 6 mai prochain - des enseignants, des aides-éducateurs et des surveillants contre la suppression de ces emplois, mais aussi celle des 130 000 personnels de l'éducation nationale, des assistantes sociales, des infirmières, des conseillers d'orientation, des personnels du Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, qui ne veulent pas être décentralisés pour ne pas briser les équipes éducatives qui sont déjà difficiles à constituer. Sans oublier la retraite à soixante-six ou soixante-sept ans promise aux professeurs des écoles ainsi qu'aux instituteurs ! (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.)
Notre inquiétude est donc grande, monsieur le ministre, pour l'avenir du recrutement des enseignants. Or l'on sait que, d'ici à 2010, la moitié des professeurs et le quart des maîtres de conférence, soit 16 000 enseignants-chercheurs, partiront à la retraite : les universités de banlieue risquent d'en pâtir.
C'est dire l'importance et les moyens qu'il faut donner aux IUFM. Celui de Créteil, par exemple, ne dispose même pas de locaux pour la formation des enseignants du second degré !
La volonté des enseignants, des aides-éducateurs, de tous les personnels de l'éducation nationale d'exiger les moyens d'une véritable politique de formation primaire, secondaire et supérieure s'exprimera, vous le savez, le 6 mai prochain dans toute la France, et nous serons avec eux dans la rue. Le président du conseil général du Val-de-Marne, M. Favier, qui a placé les collèges en toute première priorité dans la gestion des affaires du département, veut que l'effort tout à fait exceptionnel qui est fait par le département se poursuive au lycée et à l'université.
Voilà ce que je tenais à vous dire, monsieur le ministre.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
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