Question de M. OUDIN Jacques (Vendée - UMP) publiée le 08/03/2003
M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur la levée du secret professionnel liant les commissaires aux comptes en application de l'article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Cet article a renforcé les pouvoirs des rapporteurs spéciaux des commissions des finances de chaque assemblée parlementaire. Ceux-ci bénéficient dorénavant pour l'examen et le contrôle des comptes des établissements et des entreprises publics de pouvoirs s'apparentant à certains égards aux pouvoirs des magistrats de la Cour des comptes. En particulier, " tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis. " Or, selon l'interprétation de certains commissaires, l'article 57 n'oblige que les organismes et services chargés du contrôle de l'administration et par conséquent ne délie pas les commissaires aux comptes de leur obligation de secret professionnel déterminée aux articles L. 225-240 et L. 225-241 du code de commerce. Les lois ne les déliraient de leur secret professionnel que vis-à-vis des magistrats de la Cour des Comptes. En conséquence, il lui demande que des éclaircissements lui soient apportés concernant les points suivants : l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 s'applique-t-il aux commissaires aux comptes et permet-il de les délier du secret professionnel auquel ils sont astreints en application du code de commerce ? si tel n'était pas le cas, quelles dispositions législatives seraient nécessaires pour assurer une totale transparence et un accès des rapporteurs spéciaux des commissions des finances à tous les documents comptables et financiers des établissements publics et des entreprises publiques et notamment les rapports des commissaires aux comptes de ces organismes ?
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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 07/05/2003
Réponse apportée en séance publique le 06/05/2003
M. Jacques Oudin. La transparence et le contrôle des comptes publics sont des fondements de la démocratie.
Dans cette longue marche que freinent de nombreux obstacles, un grand pas a été effectué avec la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, dont l'article 57 dispose que « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis », les destinataires ici visés étant les présidents, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des commissions des finances des deux assemblées.
Cela étant dit, cette disposition n'était pas nouvelle. En effet, l'article 31 de la loi de finances rectificative pour 2000 du 31 juillet 2000, qui modifiait l'ordonnance du 30 décembre 1958, avait déjà précisé que « les agents des services financiers, les commissaires aux comptes - j'y insiste -, ainsi que les représentants des autorités publiques de contrôle et de régulation, sont déliés du secret professionnel à l'égard des membres du Parlement chargés de suivre et de contrôler, au nom de la commission compétente, les entreprises et organismes visés au quatrième alinéa ci-dessus, un organisme gérant un système légalement obligatoire de sécurité sociale, les recettes de l'Etat ou le budget d'un département ministériel. » Cela ne présente aucune ambiguïté !
Or, monsieur le ministre, les commissaires aux comptes des entreprises publiques que j'ai été amené à contacter à l'occasion de contrôles que j'effectuais en tant que rapporteur spécial du budget des transports terrestres se sont refusés à me communiquer un certain nombre de renseignements, au motif que la compagnie nationale des commissaires aux comptes n'avait pas pris position sur la levée du secret professionnel tel que défini aux articles L. 225-240 et L. 225-241 du code de commerce.
A cet égard, j'ai en ma possession une lettre tout à fait étonnante de la société Deloitte-Touche-Tohmatsu, dont je vais vous lire un extrait :
« Notre confrère Ernst & Young a, pour le compte du collège que nous formions avec lui (...) saisi la compagnie nationale des commissaires aux comptes le 25 juillet 2002 au titre de l'interprétation à donner à l'article 57 de la loi organique, et nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse de la commission juridique. Cette dernière a encore récemment été relancée par notre confrère. Nous regrettons que ce contexte nous ait conduits à ne pouvoir répondre à ce stade qu'en partie à vos questions et reviendrons vers vous dès que la situation sera débloquée. »
Nous avons évoqué ce problème, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de sécurité financière. La position de la compagnie nationale des commissaires aux comptes est inacceptable au regard tant de la loi que du respect du Parlement. Le garde des sceaux nous avait indiqué que bon ordre serait mis à cette situation et que les instructions nécessaires seraient données aux commissaires aux comptes, en liaison avec le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, pour que les rapporteurs des commissions des finances puissent obtenir communication des informations qu'ils demandent.
Dans cette optique, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir quelle action le Gouvernement a engagée en vue d'une régularisation de la situation.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, nous allons essayer d'éclaircir cette affaire, elle aussi stratégique.
L'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances fait obligation au Gouvernement de transmettre « tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif (...) réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical » demandés par les rapporteurs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances dans le cadre de leurs missions de contrôle de l'exécution des lois de finances et d'évaluation de toute question relative aux finances publiques.
Le législateur organique a souhaité établir un régime très large de communicabilité des documents financiers et administratifs, sans pour autant porter atteinte au monopole que détient, en application des articles 39 et 47 de la Constitution, le Gouvernement pour préparer un projet de loi de finances, qui ne permet pas la communication de documents préparatoires afférents à un projet de loi de finances qui n'a pas encore été déposé.
Il résulte de l'article 57 de la loi organique que, a priori, les documents relatifs à une mission d'audit sont, dans leur ensemble, communicables aux rapporteurs des commissions des finances, sous réserve que soient satisfaites trois conditions.
Premièrement, la communication de ces documents doit être destinée à permettre l'accomplissement de la mission confiée aux commissions des finances par l'article 57 précité.
Deuxièmement, la communication de ces documents ne doit pas porter atteinte au secret qui protège certains sujets, tel le secret-défense, ou à la parution de certains marchés publics.
Troisièmement, la communication doit respecter le droit de propriété que pourrait détenir une personne privée sur les documents concernés.
M. le président. Tout est très clair ! (Sourires.)
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin. Monsieur le président, votre perspicacité est extraordinaire ! Quant à moi, honnêtement, je n'ai pas compris, monsieur le ministre ! Vous me dites que l'article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances s'applique sous réserve que soient satisfaites trois conditions. Or, en l'espèce, tel était bien le cas.
Quoi qu'il en soit, si l'on doit apporter des modifications au texte ou préciser l'interprétation qui doit en être faite, je souhaite que le Gouvernement clarifie les choses en prenant une circulaire, un décret ou un arrêté.
Voilà un mois, j'ai de nouveau adressé un questionnaire à une société nationale, laquelle se refuse à transmettre les documents demandés, en l'occurrence les procès-verbaux des conseils d'administration. Je trouve cette situation inacceptable, alors même que nous proclamons que la transparence des comptes publics est un préalable à leur redressement.
Monsieur le ministre, la discussion sur ce sujet n'est donc pas achevée. Nous la reprendrons en d'autres occasions.
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