Question de M. FOURNIER Bernard (Loire - UMP) publiée le 07/03/2003
M. Bernard Fournier appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur les conséquences dramatiques des délocalisations de petites et moyennes entreprises dans les pays de l'Est et du Maghreb. La faiblesse des coûts de production entraîne une hémorragie d'emplois et d'investissement qui frappe tout à fait violemment les zones rurales. Pour exemple, il tient à lui signaler que sur le territoire de la communauté de communes qu'il préside, celle du pays de Saint-Bonnet-le-Château, une usine est partie pour la Pologne en mars 2001, une grande entreprise a préféré l'Argentine en novembre 2002, et une PME d'origine locale hésite à revenir sur le territoire où elle fut fondée... au bénéfice du Maroc. Dans ce dernier cas, il relève que les services de l'ambassade auprès du royaume du Maroc vantent les bénéfices des implantations d'entreprises françaises outre-Méditerranée et se transforment ainsi en véritables VRP des intérêts marocains. Les indispensables accords de coopération entre la République et nos partenaires et amis ne doivent aucunement être remis en cause, à condition que les démarches de nos services consulaires ne soient pas " agressifs ", et que bien sûr les investissements des entreprises françaises réalisés dans ces pays n'entraînent pas la désertification de nos campagnes qui souffrent déjà d'énormes difficultés pour être attractives. Un code de bonne conduite s'avère tout à fait nécessaire pour préserver les intérêts de chacun : lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter sur un territoire rural, les collectivités doivent pouvoir l'aider avec les mêmes " armes " que celles dont disposent les autres pays à condition que les missions économiques de nos ambassades ne viennent pas détruire, comme c'est le cas dans la communauté de communes précitée, des mois et parfois des années de négociation. Il le remercie de lui indiquer quels sont les conseils et moyens que le Gouvernement pourrait lui diligenter pour rétablir un peu d'équilibre dans cette guerre à l'implantation qui n'ose pas dire son nom.
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Réponse du Secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation publiée le 09/04/2003
Réponse apportée en séance publique le 08/04/2003
M. Bernard Fournier. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question est délicate. N'y voyez sutout pas des relents de protectionnisme qui seraient archaïques, mais plutôt les interrogations angoissées des élus locaux et des forces vives du monde rural qui ont bien de la peine à faire jeu égal avec leurs concurrents dans la marche vers la globalisation des économies.
Je veux attirer votre attention sur les conséquences dramatiques que revêtent les délocalisations de petites et moyennes entreprises, notamment vers les anciens pays de l'Est ou du Maghreb. La fiscalité et la faiblesse du coût de la main-d'oeuvre de ces pays entraînent une hémorragie d'emplois et d'investissements qui frappe à titre principal, et violemment, nos zones rurales.
Il ne s'agit pas d'un fantasme, mais d'une réalité cuisante. Je tiens à vous exposer l'expérience que je viens de vivre en qualité de président de la communauté de communes du pays de Saint-Bonnet-le-Château. J'ai dû déplorer le départ d'une usine pour la Pologne en mars 2001. Quelques mois plus tard, une grande entreprise a renoncé à s'implanter pour se délocaliser en Argentine. Ces jours-ci, une PME d'origine locale hésite à revenir sur le territoire où elle fut fondée, lui préférant le Maroc.
Dans ce dernier cas, le plus sensible à mes yeux, je relève que les services de notre ambassade auprès du royaume du Maroc vantent avec zèle les bénéfices des implantations d'entreprises françaises outre-Méditerranée et se transforment ainsi en véritables VRP des intérêts marocains.
A mon sens, si les accords de coopération de la France avec ses partenaires et amis ne doivent aucunement être mis en cause, c'est à la condition que les démarches de nos services consulaires ne soient pas agressives et, bien sûr, que les investissements des entreprises françaises réalisés dans ces pays n'entraînent pas la désertification de nos campagnes, qui souffrent - est-il besoin de le rappeler - d'énormes difficultés pour être attractives.
Laissons aux organismes consulaires locaux le rôle de promouvoir leur pays. Il me semble qu'un code de bonne conduite est nécessaire pour préserver les intérêts de chacun. Lorsqu'une entreprise souhaite s'implanter sur un territoire rural, les collectivités locales doivent pouvoir l'aider avec les mêmes armes - si vous me permettez l'expression - que celles dont disposent les autres pays.
Par ailleurs, les missions économiques de nos ambassades ne doivent aucunement entrer en conflit avec les intérêts des territoires fragiles de la France, comme c'est le cas dans ma communauté de communes, ce qui revient parfois à balayer des mois, voire des années de négociation.
Je vous remercie donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de bien vouloir me donner votre sentiment sur ce problème et de m'indiquer les conseils et les moyens que le Gouvernement pourrait donner aux élus locaux pour rétablir un peu d'équilibre dans cette guerre à l'implantation qui n'ose pas dire son nom.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, votre question aborde plusieurs sujets. Le premier porte sur le développement des zones rurales, auquel le Gouvernement, vous le savez, est très attaché. M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, présentera devant le Parlement un projet de loi important en la matière qui doit ouvrir de nouvelles perspectives au monde rural.
Par ailleurs, le développement du monde rural est une préoccupation constante dans nombre de décisions gouvernementales. Encore récemment, j'ai réformé le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC, afin que les subventions soient davantage dirigées vers le monde rural, en particulier vers les communes ou les communautés de communes de faible taille.
En ce qui concerne les délocalisations, je rappellerai que les missions économiques de la France à l'étranger n'ont évidemment pas pour mission de promouvoir les opérations de délocalisation. En revanche, elles ont pour tâche de soutenir nos entreprises, notamment les PME, dans leur développement à l'international. Ce soutien comprend une information économique générale sur la situation économique des pays et des informations plus ciblées, telles les études de marchés ou les listes de prospects.
Il relève également de la compétence de ces services d'informer les entreprises françaises qui se développent à l'international des conditions dans lesquelles elles peuvent s'implanter. Un certain nombre de documents existent en ce sens pour différents pays, en particulier ceux qui sont proches de la France.
Il est vrai que le Maroc fait partie des pays auxquels la France entend apporter un soutien particulier et on peut le comprendre : le Maroc comme d'autres pays situés de l'autre côté de la Méditerranée doivent se développer, sous peine de poser à la France des problèmes de nature différente. Notre sort est lié et si le Maghreb se développe sur le plan économique, la France y trouvera son compte.
Mais cela ne règle pas le problème que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, j'en suis tout à fait conscient. La compétition mondiale impose d'être le meilleur dans son secteur : pour survivre, chaque entreprise doit être la meilleure.
A l'évidence, cela ne signifie pas seulement avoir les coûts les plus bas, car, à cet égard, la France ne peut rivaliser avec nombre de pays. Elle se doit donc de créer une valeur ajoutée. Tous les outils que nous mettons en place ont pour objet de stimuler la création, le développement et la transmission des entreprises.
Voilà quelques jours, je défendais ici même le projet de loi pour l'initiative économique. Ce texte devrait permettre, notamment, de mieux drainer l'épargne des territoires ruraux vers les PME locales. Ces ressources financières pourraient être beaucoup mieux utilisées qu'on ne le fait aujourd'hui pour développer les entreprises.
Je suis conscient que cela ne suffit pas. Le Gouvernement souhaite diminuer les charges sociales qui pèsent sur le coût du travail, notamment le travail le moins bien rémunéré.
Au 1er juillet prochain, le sixième SMIC - on compte en effet six SMIC en France, mais cela devrait disparaître - sera revalorisé de 5 %. Dans le même temps, des baisses de cotisations patronales permettront de compenser cette hausse. Il est important que le coût du travail puisse être maîtrisé de façon que la compétitivité des entreprises françaises ne soit pas pénalisée.
La création de richesse repose d'abord sur la capacité de nos entreprises à inventer de nouveaux produits, à rechercher de nouveaux marchés, de nouvelles techniques de marketing. La France est obligée d'être leader dans cette course à la modernisation. C'est une loi d'airain, mais cette situation ne dépend pas de nous : elle est due à l'économie globalisée. Avec le plan « Innovation » présenté par Mme Nicole Fontaine et Mme Claudie Haigneré le Gouvernement montre combien il est sensible à cette question.
Enfin, nous faisons tout pour simplifier la vie des entreprises, car la paperasserie représente un fardeau pour nombre d'entre elles. En réduisant les contraintes qui pèsent sur les entreprises, on facilitera leur développement.
Je sais que les mutations sont difficiles et que les populations éprouvent des difficultés à comprendre le phénomène des délocalisations : celles-ci s'inscrivent dans une logique qui, bien souvent, dépasse l'entendement de nos concitoyens, car elles renvoient à des phénomènes économiques complexes et non maîtrisés par l'Etat. Cependant, il faut bâtir des stratégies gagnantes et, fort heureusement, la quasi-majorité des PME françaises sont capables de maintenir des productions en France. Elles partagent parfois la production avec d'autres pays d'implantation, mais elles conservent une partie importante de la création de valeur ajoutée dans notre pays.
Je ne doute pas que, dans le ressort de votre communauté de communes, monsieur le sénateur, des projets naîtront. Je suis à votre disposition pour les accompagner et pour vous apporter toute l'aide dont l'Etat peut disposer aujourd'hui.
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des propos que vous avez tenus et de la bonne disposition du Gouvernement à l'égard des zones rurales. Les élus ruraux attendent beaucoup de ce projet de loi relatif au développement rural, car ils sont inquiets ; vous l'aurez compris au travers de mon intervention.
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