Question de M. OUDIN Jacques (Vendée - UMP) publiée le 26/02/2003

M. Jacques Oudin attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'insuffisance des informations entourant la réflexion engagée par le Gouvernement sur la politique des transports de la France. A l'occasion du conseil interministériel du 31 juillet 2002, le Gouvernement avait décidé d'engager une réflexion approfondie pour asseoir les bases d'une nouvelle politique des transports qui puisse concilier les intérêts stratégiques de la France comme territoire de transit au coeur des réseaux européens, la desserte équilibrée de nos territoires, mais aussi les contraintes financières tant de l'Etat que des collectivités territoriales. Cette réflexion a pris la forme de trois actions : un audit économique et financier de l'ensemble des projets d'infra-structures de transport envisagés, promis ou déjà engagés ; une étude prospective à long terme dans le cadre des réflexions menées par la DATAR ; et un débat d'orientation parlementaire qui doit être organisé dans le courant du printemps 2003. Les parlementaires, les élus locaux et les professionnels des transports sont attentifs aux orientations et aux décisions qui résulteront de ces travaux. Or, à l'heure actuelle, aucune information n'a été transmise concernant chacune de ces trois actions. Il souhaiterait que lui soit indiqué selon quelles modalités l'audit et l'étude prospective ont été engagés, sur quels types de consultations et d'analyses ils reposent et quelle place ils réservent à la consultation des collectivités locales. Concernant en dernier lieu le débat parlementaire sur les transports, il serait particulièrement heureux d'en connaître les modalités d'organisation.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer publiée le 12/03/2003

Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin, auteur de la question n° 192, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jacques Oudin. Monsieur le secrétaire d'Etat, à l'occasion du conseil interministériel du 31 juillet 2002, le Gouvernement avait décidé d'engager une réflexion approfondie pour asseoir les bases d'une nouvelle politique des transports qui puisse concilier les intérêts stratégiques de la France comme territoire de transit au coeur de réseaux européens, la desserte équilibrée de nos territoires, mais aussi les contraintes financières tant de l'Etat que des collectivités territoriales.

Cette réflexion a pris la forme de trois actions : un audit économique et financier de l'ensemble des projets d'infrastructures de transport envisagés, promis ou déjà engagés, qui a été remis aux parlementaires le 5 mars 2003 - je le précise -, après les journalistes ; une étude prospective à long terme dans le cadre des réflexions menées par la DATAR ; et, enfin, un débat d'orientation parlementaire, qui est prévu à l'Assemblée nationale le 13 mai et au Sénat le 21 mai.

Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, pour la qualité du travail accompli, non seulement par votre administration mais également par les rapporteurs de l'audit. Ce rapport, en effet, a au moins le mérite de souligner l'importance des besoins de financement du secteur des transports, d'ici à 2020. Chacun sait désormais que ces besoins ne faibliront pas.

Cependant, le financement sur le long terme des investissements des infrastructures de transports suppose une détermination claire des capacités financières de la France ainsi qu'une définition précise des modalités de financement. En conséquence, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, de m'apporter les précisions concernant les quatre points suivants.

Premièrement, est-il possible de disposer prochainement d'une amorce des comptes de transports conformément à ce que prévoit l'article 12 de la loi de finances rectificative pour 2002 du 6 août 2002, qui fait suite à un amendement que j'avais déposé ?

Deuxièmement, qu'en est-il des modalités et des garanties de l'affectation des recettes de péages au développement du réseau autoroutier ? Cette disposition était rendue possible avec l'adossement ; il faut envisager maintenant un autre système.

Troisièmement, est-il possible d'établir un système de péréquation pour assurer le financement des transports autoroutiers dont le trafic n'assure plus une rentabilité immédiate ? Comment remplacer le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables, le FITTVN, que le Sénat avait créé et qui a disparu ?

Enfin, quatrièmement, peut-on établir des règles claires concernant la participation financière des collectivités locales aux investissements autoroutiers et ferroviaires car une certaine reprise se fait parfois sentir ?

Ces quatre points soulèvent deux dernières questions. D'une part, comment se fera le partage des charges entre le contribuable et l'utilisateur ? D'autre part, quelles nouvelles recettes envisagez-vous alors que les affectations des recettes anciennes n'ont pas été respectées ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Je suis très heureux, monsieur Oudin, que vous ayez posé cette question, puisque, à la tête de l'association Transport, développemenent, intermodalité, environnement, TDIE, vous êtes de ceux qui, depuis le début, ont ouvert le débat dans notre pays, publiquement, au Sénat et ailleurs, sur l'ensemble de ces points.

Au moment d'ailleurs où je réponds à votre question sur l'audit, vos collègues MM. Haenel et Gerbaud rendent public le rapport qu'ils ont effectué dans le cadre d'une mission auprès du Gouvernement sur le fret ferroviaire, travail dont vous connaissez l'importance. Vous allez donc, dans quelques instants, prendre connaissance des conclusions de leur rapport et des propositions qu'ils formulent.

Je puis déjà vous dire, comme les études de l'association TDIE l'avaient montré depuis longtemps, que le rapport d'audit met en évidence les besoins de financement considérables du secteur des transports d'ici à 2010. Ce rapport pose d'ailleurs problème, car, dans certaines régions, ses conclusions, même si elles n'engagent pas le Gouvernement, suscitent un débat. Ce rapport démontre en effet que les ressources existantes ne peuvent suffire à satisfaire les besoins tant en matière de développement que de maintenance et d'entretien des réseaux. Ce sujet est bien connu dans les secteurs ferroviaire et autoroutier. Il reviendra donc au Gouvernement de revenir sur ce point lors du débat d'orientation parlementaire que vous avez évoqué.

En réponse à une question posée par votre collègue M. Amoudry la semaine dernière, M. Gilles de Robien a rappelé que lorsque l'on crée un schéma national d'infrastructures, il convient, dans le même temps, de prévoir son financement. C'est parce que cela n'avait pas été fait que nous avons dû procéder à cet audit, qui est en réalité la photo des promesses des schémas ou des études précédentes et qui permettra au Parlement et au Gouvernement d'effectuer de véritables choix, notamment en matière de financement.

Les auteurs de ce rapport d'audit proposent, comme vous l'avez évoqué, de créer, à partir du 31 août prochain, un peu sur le modèle allemand, une redevance sur le transport autoroutier, et non sur le transport routier, sur les routes à quatre voies et sur les autoroutes non concédées.

La difficulté est d'ailleurs plus grande en France qu'en Allemagne, puisqu'en Allemagne le réseau autoroutier est gratuit, tandis qu'en France une partie de ce réseau est concédée. Il importe donc de savoir si l'on peut s'appuyer, si cela a été décidé un jour, sur la totalité ou sur une partie du réseau. N'oublions pas que les dividendes autoroutiers pourraient rapporter environ cinq milliards d'euros sur vingt ans.

Mais ce n'est pas la seule piste. Les auteurs du rapport d'audit avancent également l'idée d'un rapprochement, pour les véhicules particuliers, de la TIPP sur le gazole de celle qui est perçue sur l'essence. Mais nous savons bien, en particulier dans nos régions, toute l'importance que les populations rurales accordent au différentiel entre le gazole et les autres carburants. Il s'agit donc là d'un sujet sensible, ce qui est compréhensible.

Maintenant, monsieur le sénateur, et j'espère que vous allez comme d'habitude nous y aider, il nous faut approfondir toutes ces pistes sous les angles techniques et juridiques.

Un groupe de travail a été constitué entre les différents ministères concernés. Deux éléments manquent encore dans la perspective du débat parlementaire, à savoir un rapport de votre collègue M. Henri de Richemont sur le cabotage maritime, qui vise également à améliorer la politique de transport, et une étude prospective que mène actuellement la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, sur les réseaux de transport à l'échelle régionale en termes d'aménagement du territoire et à l'échelle européenne.

J'aborde maintenant les questions plus spécifiques que vous avez posées, monsieur Oudin.

S'agissant des comptes transports que vous appelez de vos voeux en tant que rapporteur, je vous indique que nous devrions disposer, dans le courant de l'été, des éléments permettant de les présenter. Si nous n'en disposons pas au moment du débat parlementaire du printemps, nous utiliserons les chiffres les plus récents.

Concernant les deux points suivants que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, je souligne, en premier lieu, que nous devrons évidemment poser la question de la pérennité des ressources au regard de la réalisation du schéma d'infrastructures.

Vous connaissez trop le mécanisme des ressources affectées puis « désaffectées », si vous me permettez ce néologisme - je veux parler des ressources qui disparaissent - pour ignorer que si nous venions à créer dans ce pays une redevance affectée au schéma des infrastructures, il faudrait veiller à éviter qu'un ministère sur une rive de la Seine ne la remette pas un jour dans le pot global et qu'elle ne disparaisse du profit des infrastructures. Il y a là naturellement une réflexion à mener et nous avons déjà attiré l'attention de M. Francis Mer sur ce point.

Enfin, il me semble que, dans le secteur autoroutier, la règle est simple et claire. Pour ce qui est du ferroviaire, ne faut-il pas suivre une règle similaire ? C'est également une piste de réflexion que nous ouvrirons.

En tout état de cause, l'audit, avec ses qualités et ses défauts, est un document de travail destiné au Gouvernement et au Parlement qui a au moins le mérite de poser, comme vous l'avez fait à plusieurs reprises, la question du financement des infrastructures. Nous devons profiter du débat qui aura lieu au printemps pour prendre des décisions sur les bonnes infrastructures à réaliser en termes d'aménagement du territoire, sur leur mode de financement et sur la pérennité de ce dernier.

Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir posé une question qui, d'une certaine manière, cadre le débat que nous aurons au printemps prochain et ouvre déjà les pistes de réflexion.

M. le président. La parole est à M. Jacques Oudin.

M. Jacques Oudin. Je remercie M. Dominique Bussereau pour l'excellence de sa réponse.

Monsieur le secrétaire d'Etat, trois points sont essentiels pour la compréhension des débats.

Le premier concerne la clarté des schémas à long terme. Il est d'autant plus nécessaire de savoir où l'on va que les schémas de service, qui ont embrouillé tous les problèmes, ont été un apport très négatif.

Le deuxième point vise la clarté des financements. Comme vous l'avez dit, on a désaffecté des recettes. Ce faisant, on a quelque peu trompé l'opinion, les élus et le Parlement, d'où la nécessité d'apporter une clarté très nette dans ce domaine.

Enfin, le troisième et dernier point est la clarté sur le partage des charges entre Etat et collectivités territoriales, contribuables et usagers. Monsieur le secrétaire d'Etat, je pourrais vous citer des exemples pour vous montrer que les règles dans le domaine autoroutier ne sont pas si claires que vous avez bien voulu le dire. D'une façon générale, pour raisonner sur le long terme, il faut dissocier l'ambition collective des contingences financières du moment. En effet, si nous réduisons l'ambition que nous avons aux contingences financières, nous n'aurons plus d'ambition !

Ces conditions réunies, monsieur le secrétaire d'Etat, le débat parlementaire à venir sera le bienvenu.

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