Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 12/02/2003

Mme Michelle Demessine souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la situation des assurés sociaux qui exercent une activité professionnelle précaire, insuffisante au regard des conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières. En effet, les conditions d'ouverture du droit aux indemnités journalières sont définies par les articles R. 313 et suivants du code de la sécurité sociale et par l'arrêté d'équivalence du 21 juin 1968. Ceux-ci reposent sur des conditions de montants de salaires perçus et de durées de travail effectuées, variables selon les situations d'emploi. Or de plus en plus de salariés subissent des conditions d'emploi dont la précarité est telle qu'ils n'entrent plus dans les catégories définies par le code de la sécurité sociale. Cette exclusion d'une masse grandissante de travailleurs constitue une atteinte aux principes d'universalité et de justice qui sous-tendent la légitimité de notre système de sécurité sociale. Et, plus grave encore, elle plonge ces travailleurs, déjà soumis à la précarité du travail et des revenus par la nature de leurs contrats de travail, dans des tragédies financières dont très souvent leur foyer ne se remet pas. Considérant qu'il est tout à fait inéquitable que des assurés ne puissent prétendre aux indemnités journalières alors que leurs rémunérations perçues ont fait l'objet de prélèvements sociaux, elle souhaiterait connaître les dispositions particulières envisagées par le Gouvernement pour cette catégorie d'assurés afin qu'aucun assuré social ne soit sans ressources en cas d'arrêt de travail.

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Réponse du Ministère délégué à la famille publiée le 12/03/2003

Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, auteur de la question n° 175, adressée à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur la situation des assurés sociaux qui exercent une activité professionnelle précaire, insuffisante au regard des conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières. En effet, les conditions d'ouverture des droits aux indemnités journalières sont définies par les articles R-313 et suivants du code de la sécurité sociale et par l'arrêté d'équivalence du 21 juin 1968. Elles sont relatives à des montants de salaires perçus et à des durées de travail effectuées, variables selon les situations d'emploi.

C'est ainsi que, pour un salarié en contrat à durée indéterminée, le droit à indemnités journalières implique, dans le cas d'un arrêt de travail de moins de six mois, d'avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à mille quinze fois le SMIC horaire brut au cours des six mois civils précédant l'arrêt de travail ou d'avoir effectué deux cents heures de travail au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédant l'arrêt. Dans le cas d'un arrêt supérieur à six mois, ce droit est ouvert à la suite d'une cotisation sur un salaire au moins égal à deux mille trente fois le SMIC horaire brut pendant les douze mois civils précédant l'arrêt, dont mille quinze fois le SMIC horaire brut au cours des six derniers mois, ou après avoir effectué au moins huit cents heures de travail au cours des douze derniers mois civils, dont deux cents au cours des trois premiers mois. Excusez-moi d'être aussi complète, mais c'est la réglementation.

Pour un salarié exerçant une activité saisonnière ou discontinue, seule la condition des deux mille trente fois le SMIC horaire brut sur douze mois ou des huit cents heures de travail sur ces douze derniers mois est requise. Par l'arrêté d'équivalence du 21 juin 1968, les catégories d'emplois particuliers ont été intégrées sous les mêmes conditions en tant que bénéficiaires.

Si le salarié ne remplit pas les conditions requises à l'ouverture des droits à indemnités journalières lorsqu'il tombe en arrêt de travail, alors il n'aura pas droit à un revenu de compensation. Or, sans ce revenu, c'est l'équilibre financier de son foyer qui est mis en péril.

Malheureusement, ce cas de figure n'est plus rare aujourd'hui. Flexibilité de l'emploi aidant, de plus en plus de salariés subissent des conditions d'emploi dont la précarité est telle qu'ils n'entrent plus dans les catégories définies par le code de la sécurité sociale. Cette exclusion d'une masse grandissante de travailleurs constitue une atteinte aux principes d'universalité et de justice qui sous-tendent la légitimité de notre système de sécurité sociale. Mais, plus grave encore, elle plonge ces salariés et leur famille, déjà soumis à la précarité du travail et des revenus par la nature de leurs contrats de travail, dans des tragédies financières dont, très souvent, ils ne se remettent pas.

La généralisation de cette stratégie managériale de substitution des emplois stables par des emplois précaires trouve son origine dans un mode de gestion flexible de la main-d'oeuvre visant à externaliser sur les salariés les risques inhérents à l'activité de l'entreprise et aux marchés. Elle a pour effet de construire un « sous-salariat », à savoir un salariat qui, par sa position précaire dans son statut social, dans ses possibilités de travail, dans ses revenus limités, ne peut bénéficier des acquis sociaux qu'une société développée comme la nôtre est en mesure d'offrir, alors même qu'il contribue par son activité et par le prélèvement sur ses revenus à la création des richesses.

Considérant qu'il est tout à fait inéquitable que des assurés ne puissent prétendre aux indemnités journalières, alors que leurs rémunérations ont fait l'objet de prélèvements sociaux, je souhaite connaître les dispositions particulières envisagées par le Gouvernement pour cette catégorie de salariés, afin qu'aucun assuré social ne soit sans ressources en cas d'arrêt de travail.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Madame le sénateur, je voudrais tout d'abord vous transmettre les excuses de M. Jean-François Mattei, qui aurait souhaité vous répondre directement.

Pour ouvrir droit, et ce pour une durée de six mois, aux indemnités journalières de l'assurance maladie, l'assuré doit justifier, à la date de l'interruption de travail, soit d'un montant minimal de cotisations au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations perçues pendant les six mois civils précédents, soit d'au moins deux cents heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédents.

La législation actuelle subordonne donc le droit aux indemnités journalières maladie à la justification d'une activité professionnelle suffisante. Ce principe d'une condition minimale de travail avant ouverture des droits n'apparaît pas illégitime.

J'observe d'ailleurs que le minimum de deux cents heures d'activité requis pour une période de trois mois est faible. Il correspond à un peu moins de six semaines de travail à temps plein sur un trimestre, ou bien encore à l'équivalent de trois heures travaillées par jour et par semaine.

Enfin, il faut rappeler que ces règles sont d'ores et déjà aménagées pour les salariés exerçant une profession à caractère saisonnier ou discontinu, de façon qu'ils puissent valider les conditions de salaire ou d'activité sur une période plus longue de douze mois.

Par conséquent, il n'est pas envisagé de modifier ces règles.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, mais je ne peux pas être d'accord avec vous. J'illustrerai mon propos par un cas concret : il concerne le département du Nord, que je représente.

Depuis quelques années, le dynamisme de ce département ne cesse d'être vanté. L'INSEE note que, profitant de la croissance des dernières années, l'emploi total semble même y avoir progressé dans des proportions supérieures à de nombreuses autres régions de France. Je doute que cela continue avec tous les plans sociaux qui sont en cours.

Pourtant, l'Institut constate aussi que son taux de chômage - 13,5 % - est de loin supérieur à la moyenne nationale - 9,5 % -, que ce dynamisme économique masque un déclin confirmé des activités industrielles, pourvoyeuses de plus du quart des emplois du département, au profit des activités de services et du tertiaire en général, et que, parmi toutes ces activités, et pas simplement parmi les plus traditionnelles du département, de nombreuses filières d'emplois subissent les à-coups des politiques de gestion flexible. Cette situation générale, qui s'amplifie depuis le retour de la crise, freine la portée du dynamisme du département.

En bref, s'il apparaît dans le département du Nord que dynamisme économique et création d'emplois peuvent être associés positivement, cette corrélation se fait au prix d'une forte flexibilité de l'emploi subie par les salariés, notamment dans les métiers les plus en difficulté.

Chacun en conviendra, cela n'est ni une découverte ni une spécificité du département du Nord et, de ce côté-ci de l'hémicycle, nous n'avons jamais cessé de le répéter.

Mais, très concrètement, pour les salariés du Nord, les conséquences sont les suivantes : les filières d'emploi du nettoyage, de la santé, du textile, de l'habillement, de la sécurité, des services sociaux, du transport et de la logistique, des arts appliqués, de l'agriculture et du bâtiment et travaux publics s'illustrent par une gestion de la main-d'oeuvre qui fait de la flexibilité et de la précarité un outil. C'est ainsi que ces filières d'emplois « dynamiques » sont marquées par un chômage de longue durée prononcé et un recours majoritaire à toutes les formes précaires du travail - temps partiel imposé, missions d'intérim, contrats à durée déterminée inférieurs à trois mois, voire à un mois - afin de répondre aux « aléas du marché ».

Cette situation, qui conduit à faire supporter aux salariés les dysfonctionnements du marché, est totalement injuste et illégitime, d'autant que ces salariés ne possèdent pas les moyens d'influer sur la gestion de l'entreprise dans laquelle ils travaillent.

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