Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 12/02/2003
M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur les conditions d'application de la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive. En effet, les dispositions de ce texte imposent la réalisation de fouilles archéologiques pour les opérations d'aménagement, de construction d'ouvrages ou de travaux susceptibles d'affecter le patrimoine archéologique. S'il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause les objectifs fort louables du texte en matière de préservation du patrimoine, il n'en demeure pas moins que les obligations ainsi créées ont pour conséquence d'alourdir les formalités administratives, de retarder les travaux et d'augmenter le coût des investissements. De plus, l'INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives), chargé de réaliser le diagnostic-fouille ainsi que d'arrêter et de percevoir la redevance est dans l'incapacité de faire face à ses missions faute de dotation budgétaire pour 2003. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour mettre fin à cette situation de blocage administratif qui immobilise l'action des collectivités locales, tant sur le plan de la procédure que de l'incidence économique.
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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 26/03/2003
Réponse apportée en séance publique le 25/03/2003
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 174, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Michel Doublet. Les dispositions de la loi du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive imposent la réalisation de fouilles pour les opérations d'aménagement, de construction d'ouvrages ou de travaux susceptibles d'affecter le patrimoine archéologique.
Il ne s'agit ici en aucune façon de remettre en cause les objectifs fort louables du texte en matière de préservation du patrimoine. Il n'en demeure pas moins qu'il résulte des obligations ainsi créées un alourdissement des formalités administratives, des retards dans les travaux et une augmentation du coût des investissements.
Une enquête réalisée auprès des maires de Charente-Maritime corrobore parfaitement ce constat, et je voudrais, me faisant le relais des élus, évoquer quelques cas concrets qui mettent parfaitement en relief leur vécu sur le terrain.
Une commune rurale de mon département, qui devait réaliser la deuxième tranche d'une zone artisanale, a signé, conformément aux textes, une convention avec l'INRAP, l'Institut national de recherches archéologiques et préventives pour le diagnostic archéologique, ce qui a eu pour conséquences le blocage des zones concernées - retard de six mois - et des moins-values au budget 2002 de la commune. Alors que l'INRAP a été créé dans le courant de l'année 2002, on demande à la commune de régler la redevance sur son budget de 2002. Celui-ci étant voté au début de l'année, elle ne pouvait que difficilement prévoir les crédits nécessaires à ces opérations effectuées en fin d'année !
Une autre commune rurale avait un projet de lotissement, et seize parcelles avaient trouvé preneur. Or, compte tenu des lenteurs administratives, 25 % des acheteurs potentiels ont abandonné. Par ailleurs, il faut répercuter le coût des fouilles. Or les prix du marché étaient garantis quatre-vingt-dix jours ; ils devront être actualisés.
Je terminerai cette énumération, non exhaustive, par le cas d'une commune ayant un projet de deux lotissements. Le 14 août 2002, le préfet de région a transmis à la commune l'arrêté et la convention d'intervention avec l'INRAP, laquelle est toujours en attente. Les archéologues devaient intervenir au début de 2003. A sa demande, le maire a reçu le responsable départemental de l'archéologie, qui lui a montré une « vague photo aérienne », désignant un site éventuel à 500 mètres du lieu d'implantation du projet, sans aucune explication. Cette procédure est jugée déplorable par le maire. Celui-ci estime qu'il serait souhaitable que les élus soient informés en amont de tout projet dans les zones communales sensibles.
Voilà, monsieur le ministre, la réalité du terrain.
Cette situation ne saurait perdurer, d'autant que l'INRAP, chargé de réaliser le diagnostic-fouille, ainsi que d'arrêter et de percevoir la redevance, est, à ce jour, dans l'incapacité de faire face à ses missions, faute de dotation budgétaire pour 2003.
Un tel blocage administratif paralyse l'action des collectivités locales, tant dans sa procédure que du point de vue de l'incidence économique auprès des entreprises et des particuliers, qui attendent l'accord de l'INRAP pour engager leur action propre.
Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre pour remédier à cette situation particulièrement préjudiciable ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, l'archéologie préventive est, vous le savez, un élément fondamental de notre politique en faveur du patrimoine : elle permet de mieux connaître notre histoire et l'histoire naturelle de nos terroirs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'INRAP est placé sous la double tutelle du ministère de la culture et du ministère en charge de la recherche.
Conformément à la convention de Malte, signée par la France en 1994, la loi du 17 janvier 2001 a donné à cette activité le fondement juridique dont elle était jusque-là dépourvue.
Cependant, dès son entrée en vigueur, en février 2002, cette loi a soulevé une série de critiques. Celles-ci portent notamment sur la difficulté du dialogue entre un Etat qui prescrit, un INRAP qui exécute et des aménageurs qui payent. Elles portent également sur la complexité du mode de calcul de la redevance payée par les aménageurs, son montant étant jugé trop élevé par certains, particulièrement lorsqu'il s'agit de petites communes rurales.
C'est dans ces conditions que le Parlement a voté, en décembre dernier, une réduction de 25 % de la redevance, alors même que la surestimation du rendement de cette redevance avait placé l'INRAP, dès la fin de l'année 2002, dans une situation budgétaire très difficile.
Nous sommes dans une impasse, et il faut en sortir.
Pour cette raison, le Gouvernement présentera au Parlement, avant l'été, un texte modifiant certains aspects de la loi du 17 janvier 2001.
Naturellement, le nouveau dispositif réaffirmera l'attachement du Gouvernement à l'archéologie préventive et à sa place dans le domaine de la recherche.
Les modifications porteront bien entendu, sous réserve de leur approbation par le Parlement, sur trois points.
Il s'agit tout d'abord de l'instauration d'une concertation accrue entre l'Etat, l'INRAP et les aménageurs, en ce qui concerne tant le coût des opérations que les délais. Vous avez très justement, monsieur le sénateur, mis en évidence le caractère pernicieux de la situation, compte tenu des délais successifs qu'impliquent la prescription, les sondages, puis les travaux.
Il s'agit ensuite de l'atténuation, voire de la suppression du monopole de l'INRAP pour la réalisation des travaux.
Il s'agit enfin de la réforme du financement de l'archéologie préventive. Celle-ci continuera d'être financée essentiellement par les travaux d'aménagement mais un dispositif de mutualisation, permettant d'alléger le poids financier de ces travaux, sera mis en place.
Deux hypothèses sont actuellement à l'étude.
Selon la première, le monopole public serait conservé, mais avec une large ouverture aux services archéologiques agréés des collectivités territoriales. Un certain nombre de départements disposant de services archéologiques ne demandent qu'à les développer. Une forte mutualisation permettrait, dans cette hypothèse, une diminution sensible du coût des fouilles pour chacun des opérateurs.
Dans la seconde hypothèse, l'INRAP ne garderait que le monopole de la recherche et de la réalisation des diagnostics. Les fouilles, en revanche, pourraient être réalisées non seulement par l'INRAP et par les services archéologiques des collectivités locales mais aussi par des entreprises privées. Le choix de l'opérateur se ferait après une mise en concurrence sur la base d'un cahier des charges défini par l'Etat. Cette mise en concurrence concernerait tant le coût de l'opération que les délais de sa mise en oeuvre. Un fonds de péréquation permettrait de subventionner les aménageurs impécunieux ; je pense, là encore, aux petites communes.
Le choix entre ces hypothèses sera arrêté à l'issue de la concertation actuellement en cours. Il s'agit en effet, avant de saisir le Parlement, de s'assurer que toutes les parties intéressées ont été consultées. Cela devrait permettre de se prémunir contre les déboires qu'a suscités la loi du 17 janvier 2001.
Cependant, sans attendre l'entrée en vigueur effective de ces dispositions, j'ai demandé aux préfets d'encadrer l'activité de prescription de l'Etat.
Par ailleurs, des mesures d'urgence ont été prises pour permettre à l'INRAP de poursuivre ses activités en attendant qu'un budget équilibré puisse être établi. Cet institut fonctionne depuis le 1er janvier 2003 sur la base de crédits mensuels, les douzièmes provisoires. La situation, de toute évidence, n'est pas indéfiniment tenable. Aucun recrutement nouveau ne peut intervenir dans ce contexte, mais aucun contrat de travail n'a été interrompu avant son terme.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je suis susceptible de porter à ce jour à votre connaissance. Je compte naturellement beaucoup sur la mobilisation de la représentation nationale au moment où nous serons en mesure de lui proposer le texte modifiant les dispositions de la loi du 17 janvier 2001.
M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces informations. Les mesures que vous avez évoquées et qui devraient être prochainement soumises au Parlement vont tout à fait dans le bon sens.
Puisque vous avez fait appel à la mobilisation des parlementaires, sachez que vous pouvez compter sur la mienne. C'est en effet un dossier qui me tient particulièrement à coeur car, en tant que président de l'association des maires de mon département, je mesure quotidiennement combien ce problème leur cause de préoccupations. Je pense que votre réponse va d'ores et déjà les rassurer.
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