Question de M. BIZET Jean (Manche - UMP) publiée le 05/02/2003
M. Jean Bizet attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer sur la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral. L'article L. 164-4 du code de l'urbanisme exprime les fortes restrictions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 sur l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi : " littoral ", en prescrivant notamment des extensions d'urbanisation en continuité du bâti existant ou en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Depuis, une disposition nouvelle, introduite par l'article 109 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, stipule que, par dérogation, les constructions ou installations liées aux activités agricoles qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées " en dehors des espaces proches du rivage ". On aurait pu considérer que cette disposition pouvait constituer une avancée permettant de résoudre, en communes littorales, par exemple les travaux de constructions de bâtiments d'élevage résultant de la " mise aux normes ". Or, il apparaît que l'administration interprète de façon extensive le terme " proche du rivage " qui s'applique sur tous les espaces " visibles du rivage " et peut concerner des zones de plusieurs centaines de mètres, voire de kilomètres du rivage. La géographie du département de la Manche avec plus de 330 km de côte et la mise en place de productions animales spécifiques, telles que " l'agneau de pré-salé ", nécessitent de trouver une solution aux difficultés actuellement rencontrées pour la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral. Pour cela, il conviendrait que la restriction apportée par l'article 109 de la loi d'orientation agricole puisse être levée, sinon de manière absolue, du moins au profit des productions pour lesquelles cette proximité du rivage est nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique reconnue. Par conséquent, il lui demande quelle suite le Gouvernement entend réserver à cette proposition.
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Réponse du Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer publiée le 12/03/2003
Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 167, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Jean Bizet. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenu à attirer votre attention sur la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral.
Aux termes de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 sur l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi littoral », les possibilités de construction, en particulier de bâtiments d'élevage, sont limitées dans les « espaces proches du rivage ».
L'article L. 146-4 du code de l'urbanisme traduit ces fortes restrictions en prescrivant, notamment, l'extension de l'urbanisation en continuité du bâti existant ou en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement.
Depuis, une disposition nouvelle, introduite par l'article 109 de la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999, dispose que, par dérogation, les constructions ou installations liées aux activités agricoles qui sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées peuvent être autorisées « en dehors des espaces proches du rivage ».
On aurait pu considérer que cette disposition de la loi d'orientation agricole pouvait constituer une avancée permettant de résoudre, en communes littorales, par exemple, les travaux de construction de bâtiments d'élevage résultant de la « mise aux normes » pour les exploitations dont le siège est inclus au sein d'une zone urbanisée. Les nouveaux bâtiments pouvaient - croyait-on - être construits à l'écart des zones habitées et proches des parcelles de pâturage.
Or il apparaît que l'administration interprète de façon extensive l'expression « proches du rivage », qui s'applique sur tous les espaces « visibles du rivage » et peut concerner des zones à plusieurs centaines de mètres, voire plus, du rivage.
La géographie du département de la Manche, avec plus de 330 kilomètres de côte, et la mise en place de productions animales spécifiques, telles que « l'agneau de pré-salé », impose que soit trouvée une solution aux difficultés actuellement rencontrées pour la constructibilité des bergeries et abris en bordure du littoral.
La mise en place d'une AOC, appellation d'origine contrôlée, d'agneau de pré-salé suppose un pâturage effectif des prés-salés, espace du domaine public maritime recouvert lors des grandes marées de manière continue et obéissant à un cahier des charges impératif.
Il est nécessaire que les bergeries soient maintenues, renouvelées ou placées à proximité de ces prés-salés, c'est-à-dire à proximité du rivage, pour que la production d'agneau de pré-salé soit techniquement et économiquement envisageable de manière pérenne.
Il importe donc que des bergeries de dimension suffisante - 600 mètres carrés pour 300 brebis sans compter le stockage de fourrage pour l'hiver - puissent exister à proximité du littoral.
Pour cela, il conviendrait que la restriction apportée par l'article 109 de la loi d'orientation agricole puisse être levée, sinon de manière absolue, du moins au profit des productions pour lesquelles cette proximité du rivage est nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique reconnue.
Tout en étant conscients de la nécessité de préserver l'environnement, nous considérons qu'il est indispensable que soit envisagée une solution préservant l'existence d'une activité agricole dans les « espaces proches du rivage ». En effet, au-delà de la filière « agneau de pré-salé », c'est toute la pérennité de l'élevage sur les communes côtières de ce département qui est en cause.
Par conséquent, j'aimerais savoir quelle suite le Gouvernement entend réserver à cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Cette question importante a déjà été posée par un certain nombre de vos collègues, monsieur le sénateur, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, à propos du monde de la conchyliculture et de la mytiliculture, mais aussi à propos des sauniers, dont les abris ou bâtiments d'exploitation sont situés à proximité des rivages.
Le Gouvernement est conscient des problèmes auxquels sont confrontés également les éleveurs d'agneaux de pré-salé. Il est attaché au maintien de l'équilibre qui fonde la loi littoral, dont l'objectif est de concilier l'indispensable protection des espaces littoraux et le nécessaire développement économique de ces secteurs.
Les dispositions de l'article 109 de la loi d'orientation agricole, qui n'autorisent à implanter les installations classées agricoles, en discontinuité de l'urbanisation existante qu'« en dehors des espaces proches du rivage », ne font pas obstacle à l'installation des bergeries d'agneaux de pré-salé dans ces espaces.
En effet, les règles applicables aux agneaux de pré-salé prévoient que leurs bergeries doivent être situées à proximité des herbus. Ces constructions bénéficient en conséquence des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, qui tend à autoriser les activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau dans les espaces proches du rivage et même dans la bande de 100 mètres par ailleurs totalement inconstructible.
Leur implantation est en revanche limitée dans les espaces dits « remarquables », à l'intérieur desquels ne sont autorisées, aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, que des installations légères. Tout le débat porte, naturellement, sur ce qui peut être qualifié de léger ou non.
Le décret d'application de cet article est actuellement extrêmement sévère - c'est ce que vous avez noté - car il limite à 20 mètres carrés les locaux autorisés dans les espaces remarquables, ce qui est à l'évidence insuffisant pour permettre l'implantation de bergeries.
J'ai le plaisir, monsieur le sénateur, de vous indiquer que le Gouvernement a décidé de réexaminer ce décret, afin de permettre l'autorisation des installations indispensables aux activités économiques, sous réserve, naturellement, qu'elles s'intègrent dans l'environnement. Un travail interministériel est en cours, il doit aboutir très prochainement.
Le Gouvernement va donc saisir le Conseil d'Etat dans les semaines à venir. Nous espérons que le décret pourra être signé et promulgué avant l'été et que son contenu vous donnera satisfaction. Naturellement, monsieur le sénateur, si vous souhaitez, durant cette période préparatoire, réfléchir avec nous, nous vous associerons bien volontiers à notre travail.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Je vous remercie beaucoup, monsieur le secrétaire d'Etat, de l'annonce de la parution prochaine d'un décret.
J'attire toutefois votre attention sur le fait que toute absence de réponse aujourd'hui aura immanquablement des conséquences environnementales.
En tout cas, je prends note de l'invitation très aimable que vous venez de me faire.
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