Question de M. POIRIER Jean-Marie (Val-de-Marne - UMP) publiée le 05/02/2003

M. Jean-Marie Poirier rappelle à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer que, dans le débat relatif à l'opportunité d'un troisième aéroport, une donnée semble être occultée. Le régime du couvre-feu applicable à l'aéroport d'Orly entre 23 h 30 et 6 heures, conformément à la décision ministérielle du 4 avril 1968, fait l'objet de nombreuses dérogations. Aussi, le seuil fixé par l'arrêté ministériel du 6 octobre 1994 qui limite à 250 000 créneaux horaires la capacité de l'aéroport d'Orly est en passe d'être atteint notamment en raison de plusieurs infractions à cette restriction. Conformément au rapport d'activité 2002 de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (ACNUSA), des carences au niveau tant matériel qu'humain font perdre beaucoup de son efficacité à la procédure de sanction de ces infractions. Il lui demande s'il envisage d'augmenter le nombre d'agents assermentés et d'octroyer des moyens nouveaux pour que la procédure soit menée dans des délais raisonnables et que le droit soit respecté. Par ailleurs, la limite des 250 000 créneaux horaires étant essentiellement volontariste, l'aéroport d'Orly pouvant techniquement supporter 320 000 mouvements annuels sans remise en cause du couvre-feu, la tentation de revenir sur l'arrêté du 6 octobre 1994 ne risque-t-elle pas d'être grande en l'absence d'une capacité d'accueil, sur un autre aéroport, du développement prévisible du trafic aérien ? La levée de ce seuil aggraverait de façon insupportable la gêne subie par les riverains. Les directives de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) relatives au bruit soulignent en effet que la nocivité du bruit réside davantage dans sa répétition que dans le niveau sonore. Si la mission d'information parlementaire se prononçait, à l'issue de ces travaux, contre une troisième plate-forme aéroportuaire, il lui demande quelles sont les mesures envisagées pour absorber le développement du trafic aérien francilien tout en respectant la qualité de vie des riverains de l'aéroport d'Orly et si la limitation à 250 000 créneaux horaires autorisés par l'arrêté ministériel du 6 octobre 1994 sera maintenue.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer publiée le 12/03/2003

Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier, auteur de la question n° 166, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le secrétaire d'Etat, la pollution sonore engendrée par le trafic aérien autour de l'aéroport d'Orly est la hantise d'une grande partie des habitants du Val-de-Marne. Depuis dix ans, le nombre annuel de mouvements est supérieur à 210 000 alors que le décret du 26 avril 1994 a restreint la capacité d'accueil de cet aéroport à « environ 200 000 mouvements ».

Le 25 juillet 2002, vous avez rendu public un programme relatif « au développement durable des aéroports parisiens » tenant compte des contraintes environnementales et contenant des engagements précis, dont la constitution d'une mission d'information de l'Assemblée nationale chargée de se prononcer sur l'opportunité d'une troisième plate-forme aéroportuaire.

Je regrette que cette mission ait été limitée à l'Assemblée nationale. Je suis persuadé que d'autres assemblées y auraient volontiers participé.

La majorité des engagements pris sont déjà mis en oeuvre, comme le montre l'arrêté sur l'indice global du bruit. La diligence dont vous faites preuve mérite d'être saluée.

Cependant, la préoccupation des riverains d'Orly vient de s'accroître brutalement puisque diverses études convergentes, publiées au début de cette année, prévoient, sur la base d'une croissance annuelle de 6,1 %, un doublement du trafic aérien francilien d'ici à 2015.

En outre, certains développements récents sont venus renforcer ces inquiétudes. Le rapport public de 2002 de la Cour des comptes souligne ainsi que la création d'une troisième plate-forme aéroportuaire ne se justifie pas « financièrement » du fait de la possible augmentation de la capacité d'accueil de Roissy et d'Orly.

Dans ce débat, une donnée semble avoir été occultée. Le seuil fixé par l'arrêté ministériel du 6 octobre 1994, qui limite à 250 000 créneaux horaires la capacité de l'aéroport d'Orly, est en passe d'être atteint et le nombre de demandes de créneaux non satisfaites s'élève à 100 000.

La limite des 250 000 créneaux horaires étant essentiellement volontariste, puisque l'aéroport d'Orly peut techniquement en supporter davantage même avec le maintien du couvre-feu, la tentation de revenir sur l'arrêté de 1994 risque d'être grande en l'absence d'une capacité d'accueil sur un autre aéroport. La tentation sera d'autant plus grande qu'il semble irréaliste de pouvoir maintenir la situation actuelle par la simple augmentation de la capacité des appareils.

La levée du plafond actuel aggraverait de façon insupportable la gêne subie par les riverains. Quelles que soient les avancées technologiques relatives à l'émission sonore des aéronefs, celles-ci n'auront aucun effet sur les nuisances si le nombre des mouvements n'est pas impérativement maintenu.

Les directives de l'Organisation mondiale de la santé relatives au bruit soulignent que la nocivité du bruit réside davantage dans sa répétition que dans son niveau. Comme vous ne l'ignorez pas, monsieur le secrétaire d'Etat, le supplice de la goutte d'eau existe aussi du point de vue sonore !

Monsieur le secrétaire d'Etat, afin de concilier l'ensemble des intérêts inhérents au problème du développement du trafic aérien, le triptyque actuel « sécurité, capacité, environnement » doit devenir « sécurité, environnement et ensuite seulement capacité ». Vous vous êtes engagé dans cette voie.

Si la mission d'information de l'Assemblée nationale se prononçait, à l'issue de ces travaux, contre une troisième plate-forme aéroportuaire, quelles mesures envisageriez-vous afin d'absorber le développement du trafic aérien francilien tout en respectant la qualité de vie des riverains de l'aéroport d'Orly ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, il s'agit d'un problème important. Les populations riveraines de l'aéroport d'Orly, dans votre département du Val-de-Marne en particulier, s'inquiètent légitimement de la situation et cette question a déjà été posée avec beaucoup d'insistance à M. Gilles de Robien et à moi-même depuis le mois de mai. Je vous prie d'ailleurs d'excuser l'absence de M. Gilles de Robien, retenu.

En présentant le 25 juillet 2002 des orientations pour un développement durable des aéroports parisiens, il a tenu à rassurer les riverains de l'aéroport d'Orly en leur confirmant que les conditions d'exploitation actuelles ne sont et ne seront nullement remises en cause. Ainsi, le couvre-feu de minuit à six heures est maintenu et le nombre de créneaux horaires attribuables demeure limité à 250 000 par an, en vertu de la décision de 1994 de M. Bernard Bosson. Pour l'instant, nous sommes bien loin de ce chiffre.

Ces mesures sont strictement respectées. Il n'est délivré qu'un nombre extrêmement limité de dérogations au couvre-feu. Elles représentent, en moyenne, moins d'un vol par semaine et elles sont toujours motivées par des circonstances exceptionnelles, telles que les intempéries ou des événements perturbant sensiblement l'ensemble du trafic aérien.

Par ailleurs, aucun créneau n'est attribué par le coordonnateur indépendant, l'association COHOR, au-delà de la limite des 250 000 mouvements fixée en octobre 1994. Au cours des trois dernières années, la totalité des décollages et des atterrissages effectués à Orly s'est élevée à 242 000 mouvements en 2000, 219 000 en 2001 et 211 000 en 2002.

Monsieur le sénateur, il ne vous a pas échappé que, du fait de l'arrêt des vols d'Air Lib, environ 45 000 créneaux étaient disponibles. L'association COHOR a écrit à l'ensemble des compagnies aériennes présentes sur le site ou ayant déjà effectué des demandes, en fixant la date butoir du 18 mars pour solliciter des créneaux sur cette plate-forme, tout en restant dans la limite de 250 000 mouvements. Comme vous l'avez noté dans votre intervention, le nombre des créneaux attribuables - 45 000 - est très inférieur au nombre des demandes qui sont actuellement sur le bureau du coordonnateur - 100 000.

Les autres orientations qui ont été proposées le 25 juillet dernier s'adressent bien sûr à l'aéroport de Roissy, dont il convenait de mieux encadrer le développement d'activité. Mais certaines d'entre elles concernent aussi la plate-forme d'Orly.

Pour inciter les transporteurs aériens à diminuer sensiblement la gêne sonore, qui continue malgré la modernisation des appareils, le Gouvernement entend taxer plus lourdement les avions les plus bruyants. Il entend aussi faire respecter les trajectoires en créant des volumes de protection environnementale.

Des mesures concrètes ont déjà été prises dans ce sens ou le seront très prochainement. En particulier, la loi de finances rectificative pour 2002 relève très significativement le montant de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, dont les compagnies aériennes doivent s'acquitter.

Les dispositions qui sont prises pour assurer une réduction des nuisances sonores n'ont de sens que si leur application est strictement contrôlée et que les manquements sont dûment sanctionnés. Nous veillons donc, aux côtés de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA, à ce que le dispositif de sanctions soit mis en oeuvre sans faille. Il a fait ses preuves puisque, au cours des quatre dernières années, plus de 2 736 infractions ont été dressées à l'égard des compagnies aériennes représentant un montant d'amendes de plus de 9 millions d'euros.

Enfin, monsieur le sénateur, vous avez évoqué les travaux de la mission d'information parlementaire sur l'avenir du transport aérien français et de la politique aéroportuaire, plus généralement connue sous le nom de « mission sur le troisième aéroport ». Elle a pour objet d'examiner s'il faut ou non un troisième aéroport : si oui, selon quelles modalités, sinon, avec quelle répartition du trafic aérien futur entre les plates-formes existantes, mais surtout, naturellement, entre les plates-formes dans les régions.

Le Gouvernement a demandé à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale de constituer ce groupe de travail, avec vos collègues MM. Favennec et Gonnot. Il est vrai que ce groupe de travail aurait pu être étendu au Sénat ; mais nous trouverons d'autres occasions de demander à la Haute Assemblée une collaboration sur un sujet aussi essentiel.

Le groupe de travail doit remettre ses conclusions au Gouvernement au mois de juin ou au début du mois de juillet, soit à la fin de la session ordinaire du Parlement. Naturellement, elles donneront lieu à un débat dans les deux assemblées, à un dialogue avec le Gouvernement.

Pour terminer, je soulignerai que nous veillons également au suivi des trajectoires dans les départements qui entourent Orly, et qui ne se limitent pas au seul Val-de-Marne - je pense en particulier au département de Seine-et-Marne, que connaît bien mon collègue Christian Jacob, ou au département de l'Essonne -, dans lesquels les procédures d'atterrissage face à l'est ou face à l'ouest peuvent soulever des difficultés.

Nous travaillons à un meilleur respect des trajectoires, car nous sommes bien obligés de constater que, depuis qu'elles ont été modifiées, en mars dernier, des désagréments nouveaux, que nous veillons actuellement à corriger, sont apparus pour certaines populations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Poirier.

M. Jean-Marie Poirier. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie des assurances que vous venez de nous donner, qui montrent bien qu'une très large batterie de mesures est actuellement mise en place.

Il est évident que, si les dispositifs de contrôle et de sanction ne sont pas vraiment opérationnels et efficaces, nous connaîtrons toujours les dérives que nous constatons encore aujourd'hui et qui sont les principaux sujets de préoccupation, d'observation et je dirai même de « manie » des habitants de ces secteurs, qui passent leur temps à noter sur leurs petits carnets les avions qui s'écartent de leur trajectoire avant de venir en saisir la mairie, naturellement responsable de ce genre d'incidents.

Comptez sur nous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour être aussi vigilants et aussi attentifs aux progrès que les habitants.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je vous remercie, monsieur le président, de me redonner la parole. Je souhaite apporter brièvement une précision à M. Poirier.

Le Gouvernement souhaite que le dispositif de suivi des trajectoires soit public et accessible sur un site Internet. Pour l'instant, en raison de la situation internationale, ce n'est pas le cas, mais nous cherchons un système pour que les maires et les populations disposent d'une information en temps réel sur les trajectoires et leur respect. Ainsi, les maires pourront être immédiatement informés en cas de problème, par exemple en cas de changement de trajectoire, ou si un avion a volé trop bas ou a été obligé de se dérouter de façon qu'ils puissent immédiatement donner aux populations concernées les renseignements très précis qu'elles attendent.

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