Question de M. BÉTEILLE Laurent (Essonne - UMP) publiée le 28/02/2003
Question posée en séance publique le 27/02/2003
M. Laurent Béteille. Monsieur le garde des sceaux, si aujourd'hui en France environ 1 000 personnes meurent chaque année du fait de crimes ou d'assassinats, il faut encore et toujours rappeler que, dans le même temps, près de 8 000 personnes meurent dans des accidents de la circulation.
M. Raymond Courrière. Chirac s'en occupe : il va régler le problème !
M. Laurent Béteille. Parmi ces morts, on compte un quart de jeunes de moins de vingt-cinq ans, la route constituant la première cause de mortalité dans cette tranche d'âge.
A ces morts s'ajoutent plus de 25 000 blessés graves et handicapés à vie.
Il faut préciser que ce ne sont pas les conducteurs irresponsables qui paient ce tribut puisque 60 % des tués sur la route n'avaient commis aucune faute.
M. René-Pierre Signé. Il faut confier le dossier à Jacques Toubon !
M. Laurent Béteille. Il est donc temps de relancer dans notre pays une vraie politique de lutte contre la violence routière et, au-delà de la simple et nécessaire prévention, d'adresser aux auteurs de cette violence un message clair, celui d'une plus ferme répression.
Le Président de la République, dès son discours du 14 juillet, avait dénoncé le scandale de l'insécurité routière en se disant « absolument horrifié par le fait que les routes françaises sont les plus dangereuses d'Europe ». La réduction du nombre des accidents était devenue l'un des trois « chantiers » prioritaires de son quinquennat.
Lors de la cérémonie organisée en hommage aux cinq pompiers de Loriol tués en novembre dernier par un automobiliste roulant à une vitesse très supérieure à la vitesse autorisée, le chef de l'Etat s'était ému de ce qu'« une société civilisée ne peut tolérer sur ses routes des comportements barbares ».
En décembre dernier, M. le Premier ministre a dévoilé les grandes lignes de son plan de lutte contre la délinquance routière, en annonçant une série de mesures organisées autour de deux principes : l'automatisation et l'aggravation des sanctions.
Mme Nicole Borvo. Des peines, toujours des peines ! Et la prévention ?
M. Laurent Béteille. Parce que nous sommes attachés à la préservation de la vie et parce qu'il n'y a pas de fatalité en matière d'insécurité routière, je souhaite connaître, monsieur le garde des sceaux, le détail des mesures envisagées par le Gouvernement - notamment en matière d'aggravation des peines - qui figureront dans le projet de loi que vous avez, conjointement avec M. le ministre de l'équipement, des transports, du bâtiment, du tourisme et de la mer, présenté hier en conseil des ministres, et, éventuellement, la partie ultérieure de ce dispositif.
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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/02/2003
Réponse apportée en séance publique le 27/02/2003
M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez eu raison de parler de lutte contre la violence routière. L'expression n'est pas anodine : il s'agit bien d'une forme de violence des temps modernes de plus en plus répandue, et c'est pourquoi le « projet de loi renforçant la lutte contre la violence routière » porte cet intitulé, et non pas celui de « projet de loi pour la sécurité routière ».
Vous l'avez rappelé, la lutte contre la violence routière est un des objectifs majeurs que le Président de la République a fixé le 14 juillet dernier.
M. René-Pierre Signé. Ils ont tous des chauffeurs !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le comité interministériel et le colloque organisé par Gilles de Robien sur la sécurité routière qui se sont tenus ont favorisé une prise de conscience collective, à laquelle, je tiens à le souligner, les associations de victimes ont beaucoup contribué, en jouant notamment un très grand rôle de proposition : il faut mettre un terme à l'exception française qui veut que notre pays tolère que la route fasse 8 000 morts et 50 000 blessés par an, blessés parmi lesquels des femmes et des hommes qui passeront le reste de leur vie dans un fauteuil roulant ou sur un lit d'hôpital.
C'est pour remédier à cette situation que nous nous sommes mobilisés et que nous préparons des mesures non seulement de répression, mais aussi, bien sûr, de prévention.
L'aggravation des peines est prévue dans deux types de cas. D'une part, une conduite mettant en danger la vie d'autrui est susceptible d'entraîner un doublement de la peine. D'autre part, la réunion de deux circonstances aggravantes - parmi les six suivantes : alcool, stupéfiants, mise en danger délibérée d'autrui, délit de fuite, conduite sans permis ou grand excès de vitesse - peut entraîner un nouveau doublement de la peine.
Il s'agit évidemment d'une simple possibilité donnée aux magistrats. La peine pourra, à l'extrême, aller jusqu'à dix ans de prison.
Un autre point très important du projet de loi réside dans l'automaticité du traitement des délits, qu'il s'agisse du constat - qui relève de la police ou de la gendarmerie, donc du ministère de l'intérieur -, mais aussi du traitement judiciaire, par exemple en cas d'excès de vitesse constaté.
Nous allons mettre en place un système automatique, avec dépôt de caution lorsqu'il y a contestation de l'infraction, de façon que le respect de la règle devienne une nécessité : chaque conducteur aura alors la conviction qu'il ne peut pas jouer au petit jeu du « pas vu, pas pris ».
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le garde des sceaux !
M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est ainsi, monsieur le président, que nous épargnerons tant de vies gâchées ou perdues.
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