Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 15/01/2003

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation sur la mise en oeuvre problématique du porte-monnaie électronique Monéo. Actuellement, c'est un produit commercial conçu pour le seul bénéfice des banques qui ne rend que peu de services au consommateur. Les problèmes se posent à trois niveaux : les banques, facturent Monéo au consommateur alors qu'elles disposent avec ce nouveau mode de paiement de nouvelles sources de revenus qui leur échappaient jusqu'alors ; le niveau de sécurisation de la puce est inconnu à l'heure actuelle. De plus, en cas d'utilisation frauduleuse de Monéo, des frais disproportionnés sont imputés au seul consommateur ; dans l'état actuel des choses, le terminal Monéo informe la banque via ses intermédiaires privés sur toutes les habitudes de consommation de la vie quotidienne. Se constituent ainsi des fichiers non protégés qui peuvent donner lieu à toutes les dérives. Elle lui demande quelles mesures compte prendre le Gouvernement vis-à-vis des banques afin que Monéo à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays de l'Union européenne, soit gratuit, sécurisé et respectueux de la vie privée des consommateurs.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 12/03/2003

Réponse apportée en séance publique le 11/03/2003

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la question n° 144, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je désire appeler l'attention du Gouvernement sur la mise en oeuvre du porte-monnaie électronique Moneo.

Dans sa conception actuelle, le système Moneo est certes bénéfique pour les banques, mais ne l'est pas du tout pour les populations. Or, pour susciter l'intérêt des utilisateurs, un porte-monnaie électronique doit, d'une part, présenter des avantages par rapport au porte-monnaie traditionnel et, d'autre part, ne pas être une source de risques disproportionnés.

Or Moneo est payant et il crée des risques supplémentaires d'atteinte à la vie privée ainsi que des risques financiers non négligeables en cas de perte, de vol ou de fraude.

Alors que les porte-monnaie électroniques sont gratuits en Autriche, en Norvège, aux Pays-Bas, en Espagne et en Suisse, Moneo coûte entre 5 et 12 euros par an, ce qui ne me semble pas acceptable, car cela signifie que Moneo va faire fructifier au seul profit des banques les euros qui circulent de main en main chaque jour, soit de 25 à 30 milliards d'euros par an.

Par ailleurs, l'informatisation des petits paiements entraîne l'accroissement du volume des données informatiques qui peuvent être nominatives. Ces données sont détenues, traitées et conservées par des personnes privées, dans des conditions qui mériteraient que la protection de la vie privée soit mieux garantie. De ce point de vue, le produit Moneo reste donc perfectible.

Enfin, en cas de rechargement frauduleux de la puce Moneo, l'utilisateur supportera la franchise de 150 euros, à laquelle il faut ajouter les sommes - jusqu'à 100 euros - directement perdues sur le porte-monnaie. En outre, si la puce Moneo est installée sur une carte bancaire employée à l'insu de son détenteur, la note est doublée puisqu'il faut compter les 150 euros de franchise de la carte bleue, soit au total 400 euros !

Je tiens à souligner que le fait que Moneo soit développé par les établissements bancaires empêche le développement de produits concurrents plus attractifs pour les utilisateurs, comme le serait un produit anonyme et disponible dans tous les lieux de vente.

Madame la ministre, quelles mesures compte prendre le Gouvernement à l'égard des banques afin que Moneo, comme les porte-monnaie électroniques utilisés dans les autres pays de l'Union européenne, où l'utilisation des chèques et des cartes bancaires est largement harmonisée, soit gratuit, sécurisé et respectueux de la vie privée des utilisateurs ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Madame la sénatrice, l'introduction sur le marché de ce nouveau système de paiement suscite effectivement de nombreuses interrogations de la part des utilisateurs, qu'il s'agisse des commerçants ou des consommateurs.

Il appartient, bien sûr, aux pouvoirs publics de veiller à ce que le développement de cette innovation ait lieu dans le respect des règles de protection des consommateurs.

Par ailleurs, la facturation par les banques de l'utilisation du porte-monnaie électronique Moneo correspond à la fourniture à leur clientèle d'une prestation de service spécifique.

En tout état de cause, seuls les consommateurs qui auront expressément demandé à leur établissement de crédit à bénéficier de ce service seront équipés de Moneo et ils auront donc à en supporter le coût. Les consommateurs qui feront le choix de ne pas s'équiper de Moneo pourront bien entendu continuer d'effectuer en espèces leurs achats de petits montants.

Autrement dit, Moneo n'a pas vocation à supprimer les espèces, et chaque consommateur choisira d'adopter ou non le paiement par carte pour ses petites dépenses.

Moneo procure des garanties non négligeables en termes de protection des porteurs. D'une part, Moneo appartient à la nouvelle génération de cartes à puce, qui bénéficie des dernières avancées technologiques en matière de sécurité des transactions. D'autre part, le porte-monnaie électronique Moneo étant assimilé à une carte de paiement au sens de l'article L. 132-1 du code monétaire et financier, les dispositions de la loi relative à la sécurité quotidienne concernant la protection des porteurs de cartes de paiement lui sont applicables. Ainsi, en cas de perte ou de vol, et avant la mise en opposition, si des rechargements ont été effectués frauduleusement, la perte financière supportée par les titulaires de carte sera plafonnée à cent cinquante euros. Dans ce cas, le solde restant disponible sur la carte sera effectivement perdu, la perte pour le consommateur étant au plus de cent euros, montant maximal que peut contenir Moneo.

Enfin, la protection de la vie privée des porteurs de cartes Moneo est en effet une autre question fondamentale à laquelle il convient d'être particulièrement attentif. La société BMS indique que les données enregistrées à l'occasion des transactions réalisées ne servent qu'à la surveillance des flux et à la détection de la fraude, et ne comprennent aucune information nominative. Le détail des paiements effectués n'est pas communiqué aux établissements bancaires des porteurs : ils ne sont informés que des opérations de rechargement des cartes, qui apparaissent en débit sur les comptes de leurs clients.

En tout état de cause, je puis vous assurer, Madame Borvo, que le Gouvernement attache la plus grande importance à ce que les consommateurs soient informés au mieux sur le fonctionnement du porte-monnaie électronique. Nous entendons continuer à suivre ces évolutions avec une particulière vigilance.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, vous n'avez bien sûr pas répondu à mon attente s'agissant de la gratuité !

Pour ce qui est de la sécurisation, je prends note de vos propos selon lesquels Moneo peut être assimilé à une carte de paiement.

Cependant, la technique du porte-monnaie électronique devrait assurer la non-traçabilité des opérations par un autre intervenant que l'usager. Le risque d'un croisement des informations existe, alors qu'il devrait être nul et que le respect de la confidentialité devrait être garanti.

J'ajoute que cette carte, comme les cartes téléphoniques, ne devrait pas avoir de date limite d'utilisation, et qu'il conviendrait que seule la responsabilité du gestionnaire soit engagée dès lors que le problème ne résulte pas d'une faute de l'utilisateur.

Bien entendu, personne n'est obligé d'utiliser Moneo, mais les banques font le « forcing », si je puis employer cette expression, et proposent en outre une option liée aux cartes bancaires. J'estime que cette option devrait être supprimée, afin que les usagers puissent décider de façon beaucoup plus sereine d'utiliser ou non le système Moneo.

Compte tenu de l'état actuel de la question et du fait que le système n'est manifestement pas au point, les élus communistes du Conseil de Paris ont refusé que la Ville anticipe la mise en place d'un dispositif qui doit connaître d'importantes améliorations avant de pouvoir vraiment servir les intérêts de la population.

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