Question de M. TÜRK Alex (Nord - NI) publiée le 06/12/2002
Question posée en séance publique le 05/12/2002
M. Alex Turk. Ma question porte sur l'utilisation de la langue française au sein des institutions européennes.
Siégeant depuis quelques années au sein de l'autorité de contrôle de Schengen, présidant celle d'EUROPOL depuis deux ans, j'ai constaté une dégradation accélérée de l'usage du français.
Ainsi, lors des négociations relatives à la signature d'un protocole d'accord entre les Etats-Unis et EUROPOL en matière de lutte antiterroriste, j'ai été confronté à deux reprises au moins à des contresens de traduction. Ils ont dû être arbitrés par le représentant britannique, ce qui n'est tout de même pas la meilleure formule lorsqu'il s'agit de négociations entre les Américains et les Européens.
Le problème qui se pose est double, contrairement à ce que l'on croit. Il recouvre, d'une part, la très forte dégradation de la place du français comme langue de référence. Dans le secteur que je connais, le français n'est plus usité dans les conversations et les débats officiels.
Mais, ce qui est peut-être plus grave encore, c'est l'ensemble des langues maternelles qui ont été refoulées à un rang secondaire. En effet, à la suite d'une note reçue voilà quelques semaines, plus aucune traduction n'est faite pour l'ensemble des délégations, excepté pour la délégation britannique, puisque tout est désormais formulé en anglais.
M. René-Pierre Signé. Cela fait longtemps !
M. Alex Turk. Ceci signifie que, des documents préparatoires aux documents officiels et contractuels qui engagent notre pays, tout est rédigé dans une autre langue, ce qui rend évidemment bien difficile la défense de nos intérêts.
Cette situation est très préoccupante dans le secteur « Justice et affaires intérieure », que je connais puisqu'il concerne des matières régaliennes qui conditionnent la souveraineté.
Ma question est donc simple : madame la ministre, pensez-vous, comme moi, qu'il est encore possible d'agir ? Selon quelles modalités ?
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Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 06/12/2002
Réponse apportée en séance publique le 05/12/2002
Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage pleinement vos préoccupations. Nous en sommes parfaitement conscients, la place du français doit être défendue au sein de l'Union européenne.
Le français n'a pas entièrement disparu puisque plus d'un tiers des textes européens sont encore rédigés initialement dans notre langue. Toutefois, la place du français recule et ce sera plus vrai encore après l'élargissement de l'Union.
C'est la raison pour laquelle, si nous voulons que notre langue reste la langue européenne qu'elle a toujours été, nous devons nous battre. C'est notre détermination à plus d'un égard.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, le casd'EUROPOL. Il est absolument inadmissible, s'agissant de débats portant sur des questions de souveraineté, mais également de manière générale, que des documents aussi importants ne soient pas édités immédiatement en français. Nous avons demandé, avec succès, que le rapport d'EUROPOL soit intégralement traduit et édité en français, ainsi, bien sûr, que le projet d'accord sur le terrorisme entre l'Union européenne et les Etats-Unis. C'est un document européen, il doit donc exister en français.
Malheureusement, le cas d'EUROPOL n'est pas isolé. Nous avons pris conscience de la nécessité d'être beaucoup plus offensifs au niveau de l'Union, faute de quoi le glissement deviendrait inexorable.
Nous avons décidé tout récemment, avec nos partenaires allemands, d'oeuvrer fermement pour que tous les documents européens, quelle que soit leur importance, soient édités sans délai dans les trois langues de travail de l'Europe que sont le français, l'allemand et l'anglais.
J'étais hier à Bruxelles et j'ai transmis le message du gouvernement français au vice-président de la Commission européenne. Nous demandons, en effet, que les concours d'accès aux institutions européennes, qu'il s'agisse de la Commission, du Conseil, ou de la fonction publique parlementaire à Strasbourg, soient réservés aux candidats qui parlent au moins deux langues en dehors de leur langue maternelle, c'est-à-dire qui ne parlent pas uniquement l'anglais.
L'Europe ne peut pas être uniquement anglophone. L'Europe, l'Europe de la diversité linguistique et culturelle, doit réserver au français la place qui lui revient et qui a toujours été la sienne en tant que pays fondateur. C'est bien le moins que nous puissions demander !
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