Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 06/12/2002
Question posée en séance publique le 05/12/2002
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon l'Organisation mondiale de la santé, le tabac est responsable chaque année du décès de près de 5 millions de personnes sur la planète, dont plus de 1000 000 en France, ce qui signifie un mort toutes les six secondes et demie. Aussi la lutte contre ce fléau constitue-t-elle un enjeu de santé publique.
Il est devenu indispensable de combattre l'accoutumance de plus en plus précoce des jeunes au tabac. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé une proposition de loi visant à interdire la vente des produits du tabac dans les débits de tabac, ou dans tout autre lieu public, à des mineurs de moins de dix-huit ans.
En effet, l'âge moyen d'initiation à la première cigarette est aujourd'hui de quatorze ans. Près d'un jeune sur trois, âgé de douze à dix-huit ans, fume quotidiennement. Une étude d'envergure a été récemment effectuée auprès de jeunes de treize ans : elle a montré que la dépendance s'installait dès les premières bouffées. Or, sur des sujets sans antécédents respiratoires et n'ayant jamais fumé, une seule cigarette provoque une inflammation des parois bronchiques qui met trois semaines à se résorber.
M. René-Pierre Signé. Quel bilan catastrophique !
M. Bernard Joly. Cette redoutable efficacité est due à la nicotine, qui agit sur le système nerveux en quelques secondes du fait des ingrédients ajoutés par les fabricants pour renforcer la liaison avec les cellules nerveuses.
Il est inadmissible de fonder un profit sur l'exploitation d'une dépendance induite sciemment chez les plus jeunes. C'est pourquoi la société doit prendre ses responsabilités et, avec les moyens que lui donnent les dispositions législatives, mettre à l'abri les enfants et les adolescents. Aux familles, elles aussi, de jouer leur rôle, d'expliquer que la normalité et les références sont ailleurs que dans une pratique qui s'apparente à un suicide rampant. Quand on sait que l'on peut mourir à vingt-six ans parce que l'on a commencé à fumer à douze ans.
On comprend qu'il y a une forme de lâcheté à laisser se développer ce handicap au sein d'une jeunesse française somme toute sportive, souvent de très haut niveau, qui ne sait pas résister à la tentation et subit un produit qui perturbe son entrée dans le monde des adultes.
M. René-Pierre Signé. Il faut tout interdire !
M. Bernard Joly. Actuellement, six pays de l'Union européenne disposent de législations portant interdiction ou restriction de la vente de tabac aux mineurs. La France, monsieur le ministre, va-t-elle les rejoindre ? Va-t-elle prendre des mesures de protection qui, si elles ne sont pas tout, s'imposent néanmoins comme nécessaires ainsi que le pense la majorité de la population, qui y est favorable ?
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Réponse du Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées publiée le 06/12/2002
Réponse apportée en séance publique le 05/12/2002
M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur, la question est grave. Il ne faut donc pas tergiverser : je suis d'accord avec vous ! La question est d'ailleurs encore plus grave que vous ne le dites car, à la mortalité dont vous avez fait état, il faudrait ajouter la morbidité, c'est-à-dire les surinfections, les asthmes, les insuffisances respiratoires, les artérites, la prématurité des nourrissons et bien d'autres pathologies encore.
M. René-Pierre Signé. Mais de quoi va-t-on mourir, sinon ?
M. Jean-François Mattei, ministre. Il est clair que ce gouvernement a déclaré la guerre au tabac et que le tabac est l'ennemi numéro un de la santé publique.
Dans votre propos, vous avez manifesté, semble-t-il, des réserves sur la façon dont l'opinion publique reçoit l'augmentation du prix du tabac. Vous avez sans doute raison, mais cela m'est égal ! Ce qui m'importe, c'est que le prix du tabac soit un élément déterminant dans l'entrée dans la consommation régulière.
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Jean-François Mattei, ministre. Et, donc, je veux en prendre acte !
M. René-Pierre Signé. Prenez-en donc acte !
Mme Marie-France Beaufils. De toute façon, c'est faux ! Le prix du tabac ne fait pas diminuer la consommation !
M. Jean-François Mattei, ministre. Ceux qui ne sont pas de cet avis feraient mieux de se renseigner avant de parler, car je viens d'entendre une bêtise ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. René-Pierre Signé. En la matière, vous êtes champion !
Mme Nicole Borvo. Oui, on a pu entendre dire que le médecine était gratuite !
M. Ladislas Poniatowski. Les bêtises viennent toujours des mêmes !
Mme Nicole Borvo. J'ai même entendu dire que la sécurité sociale était gratuite, monsieur le ministre !
M. Jean-François Mattei, ministre. Je vous en prie ! Lisez les rapports de l'OMS : vous n'allez tout de même pas dire qu'ils sont tronqués...
Evidemment, vous pouvez contester l'OMS, évidemment, vous pouvez contester la NIH américaine, évidemment, vous pouvez contester le Haut Comité de santé publique, bref, vous pouvez contester tout ce qui ne vous convient pas. Libre à vous de dire ce que vous voulez ! Nous, nous avons des responsabilités et nous voulons les assumer. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Et nous aurons à rendre compte de notre action !
Monsieur Joly, vous avez parlé de l'interdiction pour les mineurs, et vous avez raison ; vous avez cerné le problème de l'interdit. Simplement, il me semble que l'on ne peut pas concevoir la prévention sous ce seul angle-là. Dans le cadre du chantier, cancer, qu'a ouvert le Président de la République,...
M. René-Pierre Signé. Il a fumé pendant longtemps, lui !
M. Jean-François Mattei, ministre. ... dans le cadre de la loi de programmation de santé publique, alors, oui, le tabac sera au centre de nos préoccupations.
J'attends que vous apportiez votre conviction, monsieur le sénateur, pour enrichir le débat au service d'une politique globale et cohérente, au service d'une politique qui ait un sens.
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